Une vraie réponse

Coalition pour l’histoire



M. Jocelyn Létourneau, si je prends ici le temps de vous écrire du haut de mes 19 ans, c’est que je viens tout juste de finir les dernières lignes de votre texte paru dans Le Devoir du 19 octobre dernier, Un rapport gênant, à propos de l’enseignement de l’histoire au secondaire. Je dois dire que je le trouve d’une certaine pauvreté argumentative pour ne pas dire intellectuelle. Je dois vous l’avouer: d’un intellectuel de votre trempe, j’attendais un peu plus qu’un rapide procès d’intention à l’adresse des chercheurs qui ont mené l’étude que vous dénoncez, ou du moins, relativisez d’une façon qui frise la condescendance.
J’aurais bien aimé savoir ce que vous aviez à dire à propos de cette étrange réalité selon laquelle seuls 5 % des cégépiens suivent un cours d’histoire du Québec.
J’aimerais aussi savoir ce que vous pensez du fait que, malgré que j’aie moi-même suivi un programme d’histoire au cégep, je n’ai reçu aucun cours d’histoire du Québec obligatoire (en fait, un seul optionnel…). Vous auriez pu du même coup m’expliquer pourquoi mes différents professeurs de français m’ont probablement plus parlé de mon histoire nationale que mes professeurs d’histoire ne l’ont fait. Il m’aurait aussi intéressé d’apprendre ce que vous pensiez de la désincarnation totale du fait français dans l’histoire du Canada (ne soyons pas chauvins) enseignée au secondaire.
En croisade
Me sentant l’âme d’un croisé, je ne puis résister à vous poser encore quelques questions. Qu’avez-vous à dire sur le désintérêt de plus en plus grandissant des étudiants du baccalauréat en histoire pour l’histoire québécoise ou nationale? En voici une autre: expliquez-moi comment un professeur du secondaire peut enseigner de façon compétente l’histoire de notre pays alors qu’à la fin de son parcours, il n’aura guère cumulé lui-même plus qu’une centaine d’heures de cours sur l’histoire du Canada? Mais à quoi bon poser ces questions puisque ceux qui le font ne sont que de vils nationalistes «en croisade»?
J’aurais cependant une dernière question à vous poser, probablement la plus importante. En effet, à vous lire, il semblerait que le fait d’être nationaliste est un problème pour mener une étude impartiale — selon vous, quiconque les contredit est accusé d’être un «fed déguisé».
Mais pourquoi les seuls à s’intéresser à l’enseignement de l’histoire nationale au Québec sont-ils apparemment des nationalistes? Je me permets d’avancer ici une réponse, en posant la question dans l’autre sens: pourquoi des non-nationalistes s’intéresseraient-ils à l’enseignement de l’histoire nationale au Québec? Au nom de quoi ces gens en viendraient-ils à voir un problème là où ils n’en ont jamais vu? Ce n’est pas un hasard si ce sont des nationalistes qui ont mené cette étude, ce sont eux qui ont à cœur cette question, qui lui donnent un sens.
Il ne s’agit pas ici de leur attribuer un quelconque héroïsme national, mais plutôt de relever l’illogisme de votre dénonciation. S’étonnerait-on de voir des mathématiciens causer mathématiques?
À mon avis, le plus grand problème de l’enseignement de l’histoire nationale, et c’est ce que ces chercheurs tentent de nous faire comprendre, c’est que seuls les étudiants particulièrement intéressés y auront accès, alors qu’elle devrait être enseignée à tous. Après tout, l’histoire est la mémoire d’un peuple et on sait tous où finissent les amnésiques…
***
Xavier Boileau
Étudiant au baccalauréat en histoire à l’UQAM
20 octobre 2011

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