Vers une autre tentative de coup d’État au Venezuela ?

Naturellement, le summum de la violence d’une opposition désespérée serait un coup d’État

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Chavez : le référendum du 2 décembre 2007


Venezuela, 2 décembre 2007 – La dernière campagne référendaire sur la réforme constitutionnelle au Venezuela aura été ponctuée de deux éléments importants qui annoncent de possibles perturbations au Venezuela :
- La dissension de Raúl Baduel, ancien ministre de la défense, qui était plus centriste, ses appels du pied à l’armée et, selon certains, ses appels même à un coup d’État (voir : version originale anglaise ou traduction française de l’excellent article de James Petras).
- Ensuite, de nombreux sondages aux résultats douteux menées pour l’opposition ou des organisations proches de l’opposition. Ces sondages annoncent soit : la victoire du « non » avec environ 60 %, soit un résultat serré près de 50-50.
Or, ce qui est curieux, c’est qu’il y a d’autres sondages qui, eux, annoncent plutôt la victoire du « oui » à 60 %. Ces derniers semblent avoir été menés, pour leur part, par les organismes publics. Il faut dire qu’un des points cruciaux est le traitement accordé aux indécis. Certaines propagandes médiatiques allaient jusqu’à les inclure subrepticement dans le « non ». Ou du moins, laissaient croire que l’appui au « oui » diminuait, sans préciser ni les indécis ni les « non », ce qui peut donner une image inversée de la réalité, notamment si le « non » est toujours inférieur au « oui ». Bref, les sondages qui sortent au Venezuela qu’être pris avec un gros grain de sel.
Présentons un exemple par ailleurs bien salé. Le sondage Mercanálisis mené entre les 5 et 9 novembre 2007. Ce sondage a été mené par entrevue auprès de 600 personnes dans les cinq villes suivantes : Caracas, Maracaibo, Valencia, Barquisimeto et Barcelona/Puerto La Cruz. Or, il appert que ce sont des bastions de l’opposition, tout d’abord, et que ce sont toutes des villes, alors que l’on sait que l’appui au régime est fort à l’intérieur des États et dans les régions rurales. Ce sondage est donc clairement vicié. Mais ce qui est aussi intéressant, c’est l’usage qui en est fait. Tout d’abord, le sondage et ses résultats, qui donnent une avance de rien de moins que 64 % au « non », paraît dans les journaux, sur Internet, puis, le soir même, est repris, en détail SVP, sur la chaîne Globovision. Un à un, l’éclatante victoire du « non » est déclinée dans ses subtilités, sur les différents points de la réforme. Bref, il s’agit d’un coup d’éclat médiatique avec un sondage qui ne passe pas la barre d’une recherche exploratoire par définition non-représentative d’un cégépien (sans vouloir rabaisser les cégépiens).
Il peut y avoir quelques motifs de mener de tels sondages. Les premiers ont un intérêt immédiat : faire croire aux gens que l’opposition est forte alors qu’elle est faible ; donner l’illusion d’une lutte serrée pour faire sortir le vote, ce qui peut jouer des deux côtés. Cependant, il y a aussi une autre motivation possible. Pour la comprendre, une introduction à la politique vénézuélienne est nécessaire.
Tout d’abord, il faut dire que la société vénézuélienne est une société polarisée. Il y a deux camps, on est, selon les perspectives : soit revolucionario, chavista, oficialista ou contra-revolucionario, anti-chavista, opositor. Celle polarisation se fonde sur une réalité sociologique, comme dans tous les pays du continent, à l’exception du Cuba, où les écarts entre les pauvres et les riches sont énormes. Il y a cependant d’autres facteurs qui exacerbent cette polarisation au Venezuela. Un marxiste vous dirait que la lutte des classes est mise en évidence, mais, plus simplement, le fait qu’il y ait un gouvernement de gauche, et d’une gauche forte, accule les forces de droite au pied du mur. Mais, de plus, avec des taux d’appuis aux élections présidentielles dansant autour des 60 % (1998 : 56.20%, 2000 : 59.7%, 2004 : 59% (référendum révocatoire) et 2006 : 62%), Chavez peut se permettre de valser au centre de sa coalition, et n’a pas, en fait, à flirter avec le centre du spectre politique. Cela, bien sûr, exacerbe l’opposition. Et cette opposition, battue d’avance aux urnes, donc, se tourne vers des stratégies de plus en plus anti-démocratiques, allant de l’agitation sociale par voie de désinformation à la promotion directe de la violence. Rappelons qu’il y a durant la campagne un mort, qui était dans les rangs chavistes, et que l’Église elle-même aurait pu être impliquée (cela reste à voir).
Naturellement, le summum de la violence d’une opposition désespérée serait un coup d’État. Ici, je crois, il faut lier les appels du pied de Baduel à l’armée avec une stratégie de désinformation et – c’était clair dans les discours des promoteurs du « non » lors des manifestations à Caracas du jeudi dernier – une réticence à reconnaître la valeur du scrutin.
On rapportait même que la campagne dénonçant une supposée fraude électorale était déjà lancée hier à Maracay… la veille du scrutin ! Bref, les éléments sont en place pour dire : les résultats donnaient le « non » gagnant, le « oui » a gagné, il y a donc eu fraude et il est donc de notre responsabilité de faire un coup d’État. Raúl Baduel serait la figure-clé d’une telle stratégie.
Il faut aussi dire que l’argumentaire du camp du « non » est si exagéré qu’un analyste ne saurait s’y méprendre, mais les journaux occidentaux véhiculent néanmoins les pires sottises de l’argumentaire des opposants vénézuéliens. L’un de ceux-ci est la « cubanisation » du Venezuela, alors que le Venezuela est une démocratie représentative avec une touche de décentralisation participative. Ensuite, on ne ménage pas les mots, on y va d’accusation d’« autoritarisme », voire de « totalitarisme ».
Or, les quelques pouvoirs renforcés du président dans la nouvelle constitution, les plus contestables en tout cas, sont, en fait, des pouvoirs défensifs en réponse claire à l’implication du maire de Caracas durant le coup d’État raté d’avril 2002 (pouvoir de nommer l’autorité responsable du district fédéral de Caracas) et en réponse aux manipulations médiatiques légitimant le même coup d’État (pouvoir de limiter le droit à l’information en cas d’état d’urgence). Les médias avaient alors habilement transféré la responsabilité du meurtre de 19 manifestants chavistes par la police métropolitaine de Caracas sur… les chavistes eux-mêmes. La police métropolitaine était sous les ordres du maire de Caracas de l’époque.
Il y a aussi, ce qui est une stratégie médiatique traditionnelle, une désinformation par omission partielle ou complète. On ne parle pas, dans les médias privés, ou étrangers qui reprennent leurs argumentations, de la décentralisation renforcée par la proposition de réforme (art. 167), avec une dimension participative importante (art. 16, 70, etc.), ni de la démocratisation des universités (art. 109), et, bien sûr, on mentionnera, par exemple, que la disposition constitutionnelle protégeant les droits intellectuels est abrogée, mais on omet qu’elle ait été remplacée par une autre disposition assurant, elle, que tous peuvent participer aux progrès scientifique, technologique et culturel de la nation et jouir de leurs bénéfices (art. 98). Il est vrai, par ailleurs, que la nouvelle constitution parle de démocratie socialiste et d’économie socialiste, mais la définition qu’elle en donne est très loin du communisme.
La démocratie socialiste, selon la constitution vénézuélienne serait une démocratie, attention, où le peuple participe directement dans les instances communales et communautaires qui constituent le « pouvoir populaire », élit les instances municipales, étatiques et nationales et où le pluralisme politique est garanti en tant que principe fondateur de la constitution (art. 4). Pas de quoi irriter un démocrate, bien au contraire. Au Venezuela, la population peut même, ce qui est plutôt rarissime chez les bourgeois du Nord, rappeler toutes les autorités élues à mi-mandat et initier des référendums pour approuver ou abroger une loi, saisir l’Assemblée nationale d’un amendement ou d’une réforme constitutionnelle ou convoquer une Constituante (art. 71-74). J’en conclus, en fait, que, formellement du moins, dans sa dimension institutionnelle, la démocratie vénézuélienne est la plus progressiste du monde.
La dite « économie socialiste » est en fait une promotion de la propriété collective et sociale. La première inclut les coopératives, par exemple, et la seconde, elle, est nouvelle. Certaines entités économiques pourraient naître sous le contrôle des instances communautaires ou communales, ou de regroupements de celles-ci. Bref, il s’agit tout simplement d’un aménagement original, comme les conseils communaux, mais dont la portée reste, en fait, à déterminer. Il y a fort à parier que les changements seront graduels et dépendront de la volonté des instances participatives vénézuéliennes. La constitution rappelle aussi les autres formes de propriétés, étatique et privée, qui sont reconnues et protégées (art. 115). Dans cette veine, d’autres changements importants sont également omis par les médias commerciaux : le contrôle étatique sur l’exploration et l’exploitation ainsi que la transformation et le transport internes de l’ensemble des hydrocarbures (art. 302) et l’interdiction de privatiser partiellement ou complètement la PVDSA ou les autres entités étatiques qui sont de la propriété exclusive de l’État (art. 303).
Bref, selon les résultats (j’écris ceci le jour du scrutin, mais avant l’annonce des résultats), l’opposition pourrait agiter le spectre d’un autre coup d’État, vraiment désespéré, cette fois-ci. Il faudrait pour cela, que les résultats soient assez serrés, et que Baduel puisse convaincre une part importante de l’armée, mais, personnellement, j’ai mes doutes. Le gouvernement sait ce qui se trame et est sans doute prêt à réagir. Je crois, personnellement, qu’un tel coup d’État échouerait, sans doute pitoyablement, comme ce fut le cas en avril 2002. Comme on dit : « todo once tiene su trece » ; « tout 11 a son 13 », le coup d’État du 11 avril 2007 ayant été définitivement rabroué le 13 avril.
Rappelons néanmoins, en concluant, les conclusions du professeur Petras :
« Le président Chavez « évalue le haut commandement » de manière correcte et dit « avoir pleine confiance dans les forces armées nationales et leurs membres ». Mais la meilleure garantie est d'attaquer avec dureté et célérité, précisément ceux qui suivent ou sont associés à Baduel. Faire une rafle de quelques dizaines ou centaines de conspirateurs militaires est un prix très bas si cela permet de sauver la vie de milliers de travailleurs et militants qui seraient massacrés en cas d'assaut sanglant contre le pouvoir. »
Il faut dire que dans la situation actuelle, une telle rafle préventive serait justifiée, étant donné que tout coup d’État militaire résulterait presque indubitablement en un bain de sain aux allures de guerre civile. En mon sens, cette menace écartée, la révolution bolivarienne pourra continuer de s’ancrer et asseoir son pouvoir de manière beaucoup plus sereine.
Je conseillerais aussi à Chavez, dans la mesure du possible, de s’en prendre directement à l’Église. L’un des moyens de ce faire, outre les procédures juridiques à l’encontre de quelques-uns des membres du haut clergé – qui ont peut-être notamment violé la loi électorale – serait en fait de démocratiser la structure du pouvoir ecclésial vénézuélien. Pourquoi ne pas, tout simplement, inscrire dans la loi que toute autorité religieuse, quelle qu’elle soit, doit être élue par les membres nationaux de sa communauté religieuse? Cela éviterait d’avoir des cardinaux qui clament contre l’« autoritarisme » du haut de leur propre autorité découlant de l’unique voix du pontife de Rome.
David Litvak

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[Campagne pour une Assemblée citoyenne sur la réforme du mode de scrutin au Québec ->http://www.assemblee-citoyenne.qc.ca/]





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