90 %

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« En effet, en négligeant leurs propres parents, c’est peut-être leur propre mort qu’ils refusent d’affronter. »


Ce pourcentage permet de comprendre un comportement québécois qui ne se retrouve nulle part ailleurs.


90 % des familles qui ont un parent dans un CHSLD ne mettent habituellement pas les pieds dans ces mouroirs, a-t-on appris de façon sidérante au cours des dernières semaines. Pour toutes les raisons du monde. Géographiques, psychologiques, sociales ou personnelles---.


Peut-on alors s’étonner que depuis des décennies, des gouvernements successifs n’aient pas trouvé essentiel de se préoccuper de ces lieux devenus maudits ? Les faits aujourd’hui le prouvent.


Pourtant, certaines personnes avaient sonné l’alarme. En 2001, c’est-à-dire il y a 19 ans, l’ex-ministre péquiste Michel Clair a produit un rapport sur les services de santé et les services sociaux. 


La commission qu’il présidait proposait au gouvernement de créer un régime d’assurance contre la perte d’autonomie des personnes âgées, un régime auquel tous les travailleurs devaient contribuer.


Échecs


Aucun gouvernement n’a osé proposer cette mesure vouée politiquement à l’échec. Imagine-t-on qu’une promesse électorale d’investir des centaines de millions de dollars dans un régime réservé aux personnes non autonomes aurait soulevé l’enthousiasme des électeurs ?


Les jeunes générations ne savent pas qu’elles vont vieillir. Les vieux boomers qui ont vécu leur jeunesse dans la période la plus exaltante du XXe siècle ont pour leur part tout réussi. 


Ils ont fait éclater les institutions les plus contraignantes comme la famille, le mariage et l’Église. 








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Grâce à la démocratisation, ils ont accédé aux soins de santé gratuits, aux études supérieures, et ont connu la sécurité d’emploi et la retraite à vie. En fait, tout ce que les nouvelles générations ne connaîtront pas.


Cette pandémie fait mourir, ici comme ailleurs, environ 90 % des personnes âgées de plus de 65 ans. 


Aux soins intensifs, les malades âgés souffrant d’autres pathologies, comme des problèmes cardiaques, du diabète, de l’hypertension, sont majoritaires et sont donc condamnés à mourir à moyen terme.


Pour parler brutalement, environ 85 % des résidents de CHSLD mourront à brève ou moyenne échéance. Cela explique peut-être le détachement physique, et, par voie de conséquence, affectif des membres de leur famille à leur endroit. Ajoutons à cela que la grande majorité de ces personnes sont atteintes d’Alzheimer ou bien vivent dans la confusion.


Scandale


Le vrai scandale des CHSLD du Québec n’est pas que les résidents meurent. Étant la cible de la COVID-19, leur mort est quasi inévitable. Mais ils meurent dans l’indignité, la solitude et l’angoisse malgré les efforts des soignants.


La pandémie nous permet de découvrir que les boomers refusent de reconnaître la réalité du vieillissement. 


En effet, en négligeant leurs propres parents, c’est peut-être leur propre mort qu’ils refusent d’affronter.


D’ailleurs, ce sont les jeunes de la grande récréation des années soixante qui se sont métamorphosés en hommes-dieux. Certains en Californie ayant fait le pactole avec les technologies nouvelles ont investi des milliards dans la recherche de la vie éternelle. Car si le ciel n’existe pas, la mort est donc un obstacle à vaincre. Quel déni !


Il nous incombe à tous d’être fidèles à nos obligations humaines. Créons les conditions pour que la mort soit entourée de respect et de dignité.




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