Kiev — Le président russe, Vladimir Poutine, a défendu le droit de la région séparatiste ukrainienne de Crimée à être rattachée à la Russie tout en affirmant chercher une « solution diplomatique » à la crise ukrainienne, marquée dimanche par des rassemblements dans le pays, émaillés de heurts.
Lors d’entretiens téléphoniques avec la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre britannique, David Cameron, le chef du Kremlin a insisté sur le fait que les « mesures » prises par les autorités de Crimée respectaient le « droit international », malgré les critiques des Américains et des Européens qui qualifient d’illégale l’initiative du Parlement local d’organiser le 16 mars un référendum pour le rattachement de la péninsule à la Russie.
Angela Merkel l’a répété à Vladimir Poutine lors de leur entretien, déclarant que ce « prétendu référendum » était « contraire à la Constitution ukrainienne et au droit international », selon son porte-parole, Steffen Seibert.
Vladimir Poutine a maintenu que les autorités pro-russes de Crimée, une région passée fin février sous le contrôle des forces russes, étaient « légitimes », selon un communiqué du Kremlin.
Selon Londres, le président russe a toutefois assuré à David Cameron « vouloir trouver une solution diplomatique à la crise » et a déclaré qu’il parlerait avec son chef de la diplomatie Sergueï Lavrov d’un « groupe de contact », dont la création est souhaitée par les Occidentaux. Ces entretiens interviennent au terme d’une semaine où Russes et Occidentaux ont échoué, malgré plusieurs rencontres entre les chefs des diplomaties russe et américaine, à trouver une porte de sortie de crise.
Les forces russes consolident jour après jour leur position en Crimée, ce qui rend plus difficile la possibilité pour les autorités ukrainiennes de pouvoir réintégrer un jour la péninsule.
De son côté, le ministre ukrainien des Affaires étrangères par intérim Andriï Dechtchitsa a déclaré que l’Ukraine espérait signer le 17 ou le 21 mars le volet politique d’un accord d’association avec l’Union européenne.
La journée de dimanche a été rythmée par des rassemblements pour le 200e anniversaire du poète et symbole de l’indépendance ukrainienne Taras Chevtchenko. Mais les pro-russes ont également organisé de grands rassemblements.
Les manifestants prônant l’indépendance de l’Ukraine se sont rassemblés devant des statues de Chevtchenko alors que ceux souhaitant le rapprochement avec Moscou se sont réunis devant des statues de Lénine.
À Kiev, des milliers d’Ukrainiens se sont rassemblés dans le parc Taras Chevtchenko avant de marcher vers le Maïdan, place qui a été pendant trois mois le théâtre d’un mouvement de contestation sévèrement réprimé par la police avec une centaine de morts avant la chute du président Viktor Ianoukovitch et sa fuite en Russie.
Prenant la parole devant la foule, le premier ministre Arseni Iatseniouk en a profité pour lancer un plaidoyer nationaliste devant. « C’est notre terre, a-t-il lancé. Nos pères et nos grands-pères ont versé leur sang pour cette terre. Nous ne céderons pas un seul centième de la terre ukrainienne. Que la Russie et son président le sachent. »
À Simferopol, la capitale de Crimée, plus de 4000 personnes ont manifesté en faveur de la réunification. À la place Lénine, une fanfare de la base navale a interprété des airs de la Deuxième guerre mondiale, alors que des dizaines de drapeaux russes flottaient au vent.
Plusieurs centaines de manifestants criméens ont eux affiché leur soutien à Kiev dans les rues de Simféropol. « Ils (les Russes) ne peuvent pas s’emparer de la Crimée, leur occupation est illégale. Mais les choses rentreront dans l’ordre, la Crimée restera ukrainienne », a estimé Sviatoslav Regouchevski, 46 ans, son fils de deux ans sur ses épaules. À Sébastopol, l’atmosphère d’une petite manifestation de 200 soutiens de Kiev s’est vite dégradée.
Une centaine d’hommes armés de matraques et de fouets ont attaqué le service d’ordre qui protégeait le rassemblement. Ils accusaient le service d’ordre d’appartenir à Pravy Sector, le mouvement nationaliste paramilitaire qui s’est illustré en première ligne de la contestation à Kiev.
Observateurs interdits
Sur le terrain, les 54 observateurs internationaux dépêchés par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) n’ont toujours pas réussi à entrer dans la péninsule de Crimée malgré trois tentatives. Le convoi de ces observateurs, civils et militaires non armés, a dû rebrousser chemin samedi à l’approche du poste de contrôle d’Armiansk sur un des deux axes routiers permettant d’entrer en Crimée. Des hommes armés en treillis ont pointé leurs armes vers le convoi puis ont tiré en l’air trois fois.
Signe que les forces russes sont loin d’un retrait de Crimée, une soixantaine de camions militaires russes sont entrés en Ukraine par voie terrestre et maritime, selon les gardes frontières ukrainiens.
Et le ministère ukrainien de la Défense a affirmé que les forces russes « renforcent leurs positions près des villes de Perekop et d’Armiansk », dans le nord de la Crimée. Kiev assure que 150 fusiliers marins et huit blindés ont été déployés par la Russie et qu’ils aménagent une position pour accueillir d’autres blindés. Le gouvernement ukrainien assure qu’il n’y a pas de projet d’envoi de troupes ukrainiennes en Crimée où sont déployés 30 000 soldats russes.
Avec Associated Press
UKRAINE
À la Crimée de décider, dit Poutine
Un référendum d’affiliation à la Russie est illégal, affirment des dirigeants occidentaux
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