Abandon du projet éolien Apuiat: les chefs autochtones prêts à s'adresser aux tribunaux

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La tyrannie des avocats, cancer des démocraties libérales

Les Innus de la Côte-Nord n'ont pas l'intention de voir le projet de parc éolien Apuiat leur glisser entre les doigts. Au lendemain des révélations de La Presse sur la fin annoncée du projet controversé, les chefs autochtones n'écartent pas la possibilité d'entreprendre des moyens légaux pour « défendre l'intérêt » de leur population.


« Ça peut aller loin si le projet tombe à l'eau. » Le chef innu d'Uashat mak Mani-Utenam, Mike McKenzie, n'ose pas croire que la décision de Québec soit finale alors que le nouveau gouvernement caquiste n'a pas encore eu de rencontre officielle avec les chefs des neuf communautés innues derrière le projet éolien Apuiat.


« On doit avoir une rencontre dans les plus brefs délais avec le gouvernement avant que ça n'aille plus loin », a affirmé le chef McKenzie, en entrevue avec La Presse. Québec doit annoncer prochainement l'abandon du projet Apuiat, qui prévoit l'aménagement d'un parc éolien d'une puissance de 200 mégawatts dans le secteur de Rivière-Pentecôte, à Port-Cartier.


Hydro-Québec a eu le mandat de proposer un « plan B » comme solution de rechange à la réalisation du projet estimé à 600 millions. « On n'est plus dans ce modèle de recevoir des subventions ou des rentes. On veut rehausser [nos économies] », déplore le chef McKenzie. « Les Premières Nations sont tannées [...] Il faut aller au-delà de ça », dit-il.


Advenant l'abandon définitif du projet, « le gouvernement innu se concertera pour prendre tous les moyens politiques et même juridiques » afin de faire valoir ses revendications, prévient le chef innu.


MAUVAIS DÉPART


Les chefs de la nation innue ont indiqué avoir appris « les intentions du gouvernement » dans les médias hier matin. Selon le chef McKenzie, il s'agit là d'un bien mauvais départ pour le nouveau gouvernement de François Legault, qui a affirmé en campagne électorale vouloir s'inspirer de la Paix des braves pour s'entendre avec des nations autochtones.


« [Les évènements d'hier] ça peut compromettre [l'établissement] de la relation de nation à nation que le gouvernement souhaite établir [avec les Innus] », poursuit le chef de la Côte-Nord.


« [La Paix des braves] parle d'une autonomie et d'une prise en charge accrues [pour les Cris] pour le développement économique. Je ne sais pas si [M. Legault] a bien compris. » - Mike McKenzie, chef innu d'Uashat mak Mani-Utenam


Le chef McKenzie craint par ailleurs que l'abandon du projet Apuiat ne rende encore plus difficiles les négociations entre Hydro-Québec, Québec et les Innus. « [Que ce soit] à La Romaine, à Natashquan, Mingan ou Schefferville, il va y avoir beaucoup d'opposition pour les projets de développement que le gouvernement [envisage] avec Hydro », estime-t-il.


DISCOURS OPPOSÉ


La nation innue et son partenaire, Boralex, continuent de marteler que le projet Apuiat sera bénéfique pour l'ensemble des communautés, alors que le grand patron d'Hydro-Québec, Éric Martel, estime que les activités du parc éolien projeté entraîneraient des pertes financières de 1,5 à 2 milliards pour la durée du contrat de 25 ans.


Les Innus soutiennent que c'est plus « d'une dizaine de millions » qui seraient versés par an aux communautés, en plus des redevances de 500 000 $ versées annuellement à Uashat mak Mani-Utenam et à la Ville de Port-Cartier, les deux « communautés d'accueil » du projet qui prévoit l'aménagement de 57 éoliennes.


La phase de construction pourrait créer de 300 à 400 emplois, selon les promoteurs. Une période qui amènerait aussi, selon eux, « 15 millions » de retombées dans l'économie régionale.


« CE PROJET N'EST PAS RENTABLE »


Dans une déclaration écrite, le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a réagi aux informations publiées par La Presse en réaffirmant que la position de son gouvernement n'avait pas changé. « Dans un contexte de surplus d'électricité, ce projet n'est pas rentable. Nous allons prendre le temps de rencontrer les parties prenantes et les Premières Nations avant d'officialiser notre décision », a-t-il écrit.


Chez Hydro-Québec, le porte-parole Serge Abergel a indiqué qu'aucune « décision finale » n'avait encore été prise quant au sort du projet Apuiat, mais a admis que la société d'État « ne pouvait pas exclure qu'elle envisage d'autres options » pour présenter « une solution acceptable et porteuse » pour les Premières Nations.


Le projet Apuiat est sur la table à dessin depuis 2015, alors que l'ancien gouvernement libéral a accordé à la nation innue un bloc de 200 mégawatts pour la réalisation d'un projet éolien communautaire dans le cadre de la stratégie énergétique 2006-2015. Les parties ne sont pas arrivées à s'entendre avec Hydro-Québec pour le contrat d'achat d'électricité.


Tout juste avant le déclenchement des élections, dans la foulée de la controverse créée par la publication d'une lettre signée par Éric Martel et adressée à la nation innue, les parties en étaient venues à une entente de principe « sur la négociation » du projet.


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