« Aide médicale à mourir » : un voile de propagande

Tribune libre

Dans le débat interminable sur la fin de vie, autant ceux qui sont défavorables à la légalisation de l'euthanasie volontaire que ceux qui y sont favorables usent d'un langage voilé et d'euphémismes afin de rechercher, d'une manière détournée, le consensus sur une question qui divise la population.
Les personnes qui sont défavorables à la légalisation de l'euthanasie volontaire assimilent l'euthanasie volontaire au meurtre. Bien que cette affirmation soit valable en droit, elle perd toute crédibilité en éthique en dehors de toute perspective religieuse. Ces mêmes personnes affirment que lors de l'arrêt d'un traitement vital, la cause de la mort n'est pas l'arrêt de traitement (qu'ils assimilent à une omission plutôt qu'à une action), mais la nature qui suit son cours.
En revanche, ceux qui sont favorables à la légalisation de l'euthanasie tiennent à dissocier autant que faire se peut les termes d'« euthanasie volontaire » et « suicide », car le mot « suicide » a toujours été péjoratif et chargé émotionnellement. Or pour le patient qui souffre d'insupportables douleurs ou souffrances et qui demande la mort, ces deux gestes sont identiques sur les plans éthique et légal. Le professeur de droit Glanville Williams affirmait d'ailleurs : « Under the present law, voluntary euthanasia would […] be regarded as suicide in the patient who consents and murder in the doctor who administers ». Par conséquent, une euthanasie volontaire est un suicide pour le patient qui la demande. Il est donc fallacieux de tenter de les dissocier. Pour qualifier le geste de mettre fin à la vie d'une personne à sa demande expresse, ces mêmes personnes usent d'un voile sémantique et d'euphémismes en préférant employer des termes tels que l'« aide médicale à mourir » plutôt que les termes d'« euthanasie volontaire ». Cette décision peut s'expliquer par le fait que l'expression « aide médicale à mourir » véhicule, par l'usage des termes « aide » et « médicale », un sens positif et mélioratif du geste de donner la mort alors que le terme « euthanasie », qui est selon certain entaché d'un sens péjoratif en raison de ses liens étroits avec le programme d'euthanasie nazi (Aktion T4), véhicule un sens négatif, péjoratif et dépréciatif de ce même geste (geste de donner la mort).
En somme, affubler la réalité d'un voile sémantique afin d'en masquer la véritable nature nuit et obscurcit davantage le débat qu'il ne l'éclaire. À ce propos, George Orwell affirmait : « If thought corrupts language, LANGUAGE CAN ALSO CORRUPT THOUGHT ».
(George Orwell, « Politics and the English language » in Sonia Orwell and Ian Angus, George Orwell : In front of your nose, 1946-1950, vol.4, Boston, David R. Godine Publisher, 2000 à la p.137).
Et cette stratégie de manipulation, ce voile de propagande qui est jeté sur nos yeux est précisément le genre de voile qui devrait nous indigner, car comme l'affirme Noam Chomsky « la propagande est à la société démocratique ce que la matraque est à l'État totalitaire ». Il explique :
« Reinhold Niebuhr, chef de file des théologiens (...) soutenait que la faculté de raisonner est très peu répandue, que seul, un nombre restreint de personnes la possède. La plupart des gens se laissent dominer par leurs émotions et leurs impulsions. Ceux d'entre nous, expliquait-il, qui possèdent la faculté de raisonner doivent créer des "illusions nécessaires" et des "simplifications abusives, mais émotionnellement convaincantes" pour maintenir plus ou moins dans la bonne direction les simples d'esprit naïfs (...) Harold Lasswell (...) expliquait qu'il n'était pas souhaitable de succomber "au dogme démocratique selon lequel les gens sont les meilleurs juges quand il s'agit de leurs propres intérêts", car ils ne le sont pas. Nous sommes les meilleurs juges en matière de bien commun, estimait-il. Par conséquent, par simple souci de morale, il est indispensable de faire en sorte que les gens n'aient aucune possibilité d'agir en fonction de leur appréhension fausse des choses. Dans ce qu'on qualifie de nos jours d'État totalitaire ou d'État policier, c'est une tâche facile. Il suffit de brandir une matraque au-dessus de leurs têtes et de leur en asséner un bon coup s'ils s'écartent du droit chemin. Cependant, à mesure qu'une société devient plus libre et se démocratise, on est forcé d'abandonner cette option. Il faut donc recourir aux techniques de propagande. La logique est très simple. La propagande est à la société démocratique ce que la matraque est à l'État totalitaire » (nos italiques)
(Noam Chomsky et Robert W. McChesney, Propagande, médias et démocratie, trad. par Liria Arcal, Montréal, Les Éditions Écosociété, 2000 aux pp.26-28).
J'invite également le lecteur à lire les articles suivants :
« Lettres - L'euthanasie et les mots plus doux à l'oreille » (26 mars 2012) dans le journal Le Devoir : http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/346235/lettres-l-euthanasie-et-les-mots-plus-doux-a-l-oreille
« Euthanasie: un vent anti-démocratique » (26 mars 2012) dans le journal Le Soleil : http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201203/26/01-4509474-euthanasie-un-vent-anti-democratique.php
Eric Folot, Étudiant au doctorat en droit à l'Université McGill


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7 commentaires

  • Éric Folot Répondre

    1 octobre 2013

    Pierre Pelchat affirme dans un article du journal Le Soleil :
    "Le tiers des personnes interrogées interprète l'aide médicale à mourir comme étant la demande par le patient d'une injection entraînant la mort. Trois personnes sur 10 croient plutôt qu'il s'agit de soulager des symptômes par les soins palliatifs. Le troisième groupe, soit près de 40 % des sondés, associe l'aide médicale à mourir «à l'interruption de l'acharnement thérapeutique ou au suicide assisté».
    «Cette forte dispersion des réponses démontre l'ambiguïté qui entoure l'expression "aide médicale à mourir"», selon la firme de sondage".
    Source : Pierre Pelchat, "Aide médicale à mourir : les Québécois confus" (27 septembre 2013) Le Soleil, en ligne : http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/sante/201309/27/01-4694026-aide-medicale-a-mourir-les-quebecois-confus.php

  • Éric Folot Répondre

    5 août 2013

    Lire également l'article de Margaret Somerville de l'Université McGill intitulé « Quebec is trying to legalize euthanasia by calling it something else. It’s still wrong » :
    http://www.theglobeandmail.com/commentary/quebec-is-trying-to-legalize-euthanasia-by-calling-it-something-else-its-still-wrong/article12664211/

  • Éric Folot Répondre

    22 janvier 2013

    Le Japon envisage l'euthanasie comme une solution au fardeau économique que fait peser le vieillissement de la population sur la société japonsaise
    Voir l'article suivant : Annabel Claix, « Un ministre japonais prie ses concitoyens de mourir, et vite » (22 janvier 2013), en ligne : http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/1566553/2013/01/22/Un-ministre-japonais-prie-ses-concitoyens-de-mourir-et-vite.dhtml

  • Éric Folot Répondre

    14 mai 2012

    Source : « A quand l'euthanasie pour les enfants? » (9 mai 2012), en ligne : http://www.rtl.be/info/belgique/societe/876734/a-quand-l-euthanasie-pour-les-enfants-

  • Éric Folot Répondre

    10 mai 2012

    Dans ses prédictions et les scénarios prévisibles qu'il entrevoit pour les années 2007 à 2036, le « Development, Concepts and Doctrine Center » (DCDC) du Ministère de la défense du Royaume-Uni souligne que l'euthanasie des personnes âgées pourrait devenir l'instrument politique dont se servirait les plus jeunes pour réduire le fardeau économique que représente les soins dispensés aux personnes âgées. Je cite :
    « Declining youth populations in Western societies could become increasingly dissatisfied with their economically burdensome ‘baby-boomer’ elders, among whom much of societies’ wealth would be concentrated. Resentful at a generation whose values appear to be out of step with tightening resource constraints, the young might seek a return to an order provided by more conservative values and structures. This could lead to a civic renaissance, with strict penalties for those failing to fulfil their social obligations. It might also open the way to policies which permit euthanasia as a means to reduce the burden of care for the elderly ».
    Source : United Kingdom, Ministry of Defence, Development, Concepts and Doctrine Center, The DCDC Global Strategic Trends Programme : 2007-2036, 3d ed., 2007 à la p.79, en ligne : http://www.google.ca/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CGMQFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.cuttingthroughthematrix.com%2Farticles%2Fstrat_trends_23jan07.pdf&ei=starT7TWDMXDgQfRrYnLAQ&usg=AFQjCNHFMkv0O4mg1xw7psWtg4V2Zis9ww

  • Serge Jean Répondre

    3 avril 2012

    Il y a déjà longtemps que l'on pratique dans les hôpitaux une forme d'euthanasie. La morphine c'est à ça que ça sert principalement.
    Quelqu'un qui n'en a plus pour très longtemps et qui souffre réellement, eh bien, souvent un accord tacite s'établira entre les soignants et la famille. Tous conviennent à ce moment là, qu'il n'est pas nécessaire de prolonger cette souffrance. On augmentera alors les doses de morphine, qui souvent ne feront pas seulement un travail de soulagement sur la souffrance, mais précipiteront avant terme naturel le départ de la personne vers l'autre dimension.
    Je crois que les épiciers commencent à cogner à la porte; on voudrait des lois pour légaliser tout ça, mais surtout on voudrait faire institutionnaliser ce champ pas encore exploité pour l'élargir afin d'ouvrir une nouvelle activité économique très lucrative avec toutes les idées macabres qui en découleront pour rentabiliser la patente de mort précipitée.
    Le jour n'est pas si loin où on vendra des plans d'euthanasie assistés par ordinateur. Il n'y aura jamais de limites assez lointaines d'indignité, dans cette froideur et cette indifférence qui s'étend insidieusement sur notre monde en train de se faire euthanasier à son insu.
    Conspiration, Paranoïa? ... Quand vous entendez le coq, vous savez que le soleil se lève.
    Même chose pour un coq noir qui chante le coucher du soleil sur le monde, et présentement c'est le coq noir qui chante plus souvent qu'à son tour.
    Le remède, c'est de récupérer sa conscience en entier, naturelle.
    Jean

  • Éric Folot Répondre

    2 avril 2012

    Mes propos sont peut-être exagérément provocateurs et j'ai peut-être tort de parler de « propagande » (j'entends par propagande une stratégie de manipulation visant à influencer la perception du public sur la question de mourir dans la dignité), mais j'aimerais que l'on m'explique alors pourquoi les termes « aide médicale à mourir » ont été retenus alors que de tout temps le terme « euthanasie » a été employé pour désigner le geste de donner la mort à une personne afin de soulager ses douleurs ou souffrances insupportables ? En effet, le document de consultation de mai 2010 de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, rédigé au terme de « discussions avec les experts » issus de différentes disciplines, ne définit par les termes « aide médicale à mourir », mais seulement le terme « euthanasie ». Il en va de même dans son rapport de mars 2012.
    Le terme « euthanasie » a une histoire chargée et on ne peut pas simplement écarter ce terme et le remplacer par un autre sous prétexte que l'on veut balayer son histoire du revers de la main. La population a le droit de savoir que :
    1) Au début du 20e siècle, aux États-Unis, l'influence du mouvement eugéniste américain était très grande. En 1912, le « Committee on sterilization and other means for eliminating defective strains from human population » publia un rapport. Ce rapport proposa notamment la stérilisation forcée (à la p.464 au point #2) et l'euthanasie involontaire (à la p.464 au point #8) comme solutions envisageables pour éliminer les êtres humains indésirables ("PEOPLE DEEMED UNWORTHY OF LIFE") ce qui inclut les faibles d'esprit, les pauvres, les criminels, les handicapés physiques et mentaux... etc. Voici ce qu'en dit Edwin Black :
    « Of course euthanasia was merely a euphemism - actually a misnomer. Eugenicists did not see euthanasia as a "merciful killing" of those in pain, but rather a "painless killing" of PEOPLE DEEMED UNWORTHY OF LIFE. The method most whispered about, and publicly denied, but never out of mind, was a "lethal chamber" » (Edwin Black, p.247).
    Mais le comité qui rédigea le rapport susmentionné jugea que la population américaine n'était pas prête à accepter l'euthanasie involontaire et recommanda plutôt la stérilisation forcée (Edwin Black, p.60).
    Sources :
    - Le rapport susmentionné : Bleeker Van Wagenen, Preliminary Report of the Committee of the Eugenic Section of the American Breeders Association to Study and to Report on the Best Practical Means for Cutting Off the Defective Germ-Plasm in the Human Population, The eugenics education society, 1912 à la p.464 ; disponible en ligne : http://digitalarchive.gsu.edu/col_facpub/74)
    - Edwin Black, War Against the Weak : Eugenics and America's Campaign to Create a Master Race, New York, Four Walls Eight Windows, 2003 aux pp.60 et 247.
    Par voie de conséquence, des lois sur la stérilisation forcée des « arriérés mentaux » ont été adoptées dans plus de trente États américains. Voici ce qu'en dit la Cour suprême du Canada :
    « Plus de trente états ont adopté des lois prévoyant la stérilisation obligatoire des arriérés mentaux (..) La constitutionnalité de ces lois a été contestée devant la Cour suprême des États-Unis dans l'arrêt de principe Buck v. Bell, 274 U.S. 200 (1927) [...] La Cour, à la majorité, a autorisé la stérilisation de celle-ci malgré les prétentions selon lesquelles une telle attitude violait l'application régulière de la loi quant au fond et quant à la forme ainsi que la protection égale des droits des handicapés. Cet arrêt a constitué le sommet de la théorie eugénique comme l'atteste le jugement frappant du juge Holmes. Il donne le ton à la p. 207: [TRADUCTION]
    Nous avons vu plus d'une fois que le bien-être public peut demander aux meilleurs citoyens de donner leurs vies. Il serait étrange qu'on ne puisse pas demander à ceux qui minent déjà la force de l'état de faire ces sacrifices moins importants, qui souvent ne sont pas perçus comme tels par ceux qui sont visés, pour faire en sorte que l'on ne soit pas submergés par l'incompétence. Il est mieux pour tout le monde si, au lieu d'attendre d'exécuter la progéniture dégénérée pour des crimes ou de les laisser souffrir de la faim en raison de leur imbécillité, la société peut empêcher ceux qui sont manifestement déficients de se reproduire. Le principe sur lequel se fonde la vaccination obligatoire est suffisamment général pour permettre de couper les trompes de Fallope. [...] Trois générations d'imbéciles, c'est suffisant ».
    Sources :
    - L'arrêt de la Cour suprême du Canada : E.(Mme) c. Eve, [1986] 2 R.C.S. 388 aux paras.56-57.
    - Voir aussi Edwin Black, War Against the Weak : Eugenics and America's Campaign to Create a Master Race, New York, Four Walls Eight Windows, 2003 aux pp.xv-xvi.
    NB : Au Canada, « Deux provinces, l'Alberta et la Colombie-Britannique, ont déjà eu des lois prévoyant la stérilisation des déficients mentaux (...) ».
    Source :
    - E.(Mme) c. Eve, [1986] 2 R.C.S. 388 au para.78.
    La stérilisation forcée s'est poursuivie aux États-Unis plusieurs décades après le procès de Nuremberg (1945-1946) intenté contre les chefs nazis pour crimes contre l'humanité. Edwin Black affirme : « For decades after Nuremberg labeled eugenic methods genocide and crime against humanity, America continued to forcibly sterilize and prohibit eugenically undesirable marriages ».
    Source :
    - Edwin Black, War Against the Weak : Eugenics and America's Campaign to Create a Master Race, New York, Four Walls Eight Windows, 2003 à la p.xvii.
    Plusieurs institutions de prestige contribuèrent au mouvement eugénique. Edwin Black mentionne notamment : « the Carnegie Institution, the Rockfeller Foundation, the Harriman railroad fortune, Harvard University, Princeton University, Yale University, Stanford University (...) ».
    Source :
    - Edwin Black, War Against the Weak : Eugenics and America's Campaign to Create a Master Race, New York, Four Walls Eight Windows, 2003 aux pp.xxi-xxii.
    Le mouvement eugénique américain influença fortement Adolf Hitler. Voici ce qu'en dit Edwin Black :
    The movement was called eugenics. It was conceived at the onset of the twentieth century and implemented by America's wealthiest, most powerful and most learned men against the nation's most vulnerable and helpless. Eugenicists sought to methodically terminate all the racial and ethnic groups, and social classes, they disliked or feared. It was nothing less than America's legalized campaign to breed a super race - and not just any super race. Eugenicists wanted a purely Germanic and Nordic super race, enjoying biological dominion over all others. Nor was America's crusade a mere domestic crime. Using the power of money, prestige and international academic exchanges, American eugenicists exported their philosophy to nations throughout the world, including Germany. Decades after a eugenics campaign of mass sterilization and involuntary incarceration of "defectives" was institutionalized in the United States, the American effort to create a super Nordic race came to the attention of Adolf Hitler ».
    Source :
    - Edwin Black, War Against the Weak : Eugenics and America's Campaign to Create a Master Race, New York, Four Walls Eight Windows, 2003 à la p.7.
    En effet, Hitler affirmait :
    « Celui qui n'est pas sain, physiquement et moralement, et par conséquent N'A PAS DE VALEUR AU POINT DE VUE SOCIAL, ne doit pas perpétuer ses maux dans le corps de ses enfants [...] Si, pendant six cents ans, les individus dégénérés physiquement ou souffrant de maladies mentales étaient mis hors d'état d'engendrer, l'humanité serait délivrée de maux d'une gravité incommensurable (...) C'est une faiblesse de conserver, chez des malades incurables, la possibilité chronique de contaminer leurs semblables, encore sains. Ceci correspond à un sentiment d'humanité selon lequel on laisserait mourir cent hommes pour ne pas faire mal à un individu. Imposer l'impossibilité pour des avariés de reproduire des descendants avariés, c'est faire oeuvre de la plus claire raison ; c'est l'acte le plus humanitaire, lorsqu'il est appliqué méthodiquement, que l'on puisse accomplir vis-à-vis de l'humanité »
    Source :
    - Adolf Hitler, Mein Kampf : mon combat, trad. par J. Gaudefroy-Demombynes et A. Calmettes, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1934 aux pp.254 et 402-403.
    2) Ainsi, en Allemagne, le régime nazi a initié en septembre 1939 le programme d'euthanasie Aktion T4 dont l'objectif était de tuer les personnes handicapées physiques et mentales et toute personne dont on jugeait que la vie ne valait pas ou ne valait plus la peine d'être vécue. Plus de 200 000 personnes auraient ainsi été tuées.
    Source :
    - Michael Berenbaum, « T4 program », en ligne : britannica.com
    .
    L'objectif de ce programme était donc la « SUPPRESSION DES VIES INDIGNES D'ÊTRES VÉCUES » ("NOT WORTH LIVING").
    Source :
    - Adolf Hitler, Mein Kampf : mon combat, trad. par J. Gaudefroy-Demombynes et A. Calmettes, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1934 à la p.3.
    Évidemment, la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité ne recommande QUE la légalisation de l'euthanasie VOLONTAIRE. Il est néanmoins important de souligner que les principaux intellectuels et partisans de la légalisation de l'euthanasie ne limitent pas leurs écrits et leurs propos à l'euthanasie volontaire. Par exemple, le professeur de droit Glanville Williams,« described as Britain's foremost scholar of criminal law » et qui fut vice-président de la « Voluntary Euthanasia Society », était favorable à la stérilisation eugénique forcée et affirma en 1958 :
    « The author is quite right in thinking that a body of opinion would favour the legalization of the INVOLUNTARY euthanasia of hopelessly defective infants, and some day a
    proposal of this kind may be put forward. The proposal would have distinct limits, just as the proposal for
    voluntary euthanasia of incurable sufferers has limits ».
    Sources :
    - Sur le fait que Glanville Williams était favorable à la stérilisation eugénique, voir Neil M. Gorsuch, The Future of Assisted Suicide and Euthanasia, Princeton, Princeton University Press, 2009 à la p.39.
    - Pour les propos de Glanville Williams, voir Glanville Williams, « "Mercy-Killing" Legislation-A Rejoinder » (1958) 43:1 Minn. L Rev. 1 aux pp.11-12.
    De même, les célèbres philosophes et éthiciens utilitaristes, James Rachels et Peter Singer, qui sont parmi les intellectuels les plus influents du mouvement en faveur de la légalisation de l'euthanasie volontaire, sont également favorables à l'euthanasie non volontaire.
    James Rachels affirme :
    « The slippery-slope argument could be formulated to say, ‘If voluntary euthanasia is accepted, then we will inevitably be pushed to accepting (some forms of) non-voluntary euthanasia as well’. THIS IS PROBABLY TRUE [...] But, for all the reasons we have considered, there is nothing wrong with accepting (some forms of) non-voluntary euthanasia »
    Source :
    - James Rachels, The end of life : euthanasia and morality, Oxford, Oxford University Press, 1986 aux pp.179-180.
    Peter Singer affirme :
    « Comme nous l'avons vu, l'euthanasie est non volontaire quand le sujet n'a jamais eu la capacité de choisir de vivre ou de mourir. C'est le cas du nourrisson gravement handicapé ou d'un être humain plus âgé qui aurait un grave handicap mental depuis sa naissance (...) À bien des égards, ces êtres humains ne diffèrent pas beaucoup des nourrissons invalides. Ils ne sont ni conscients d'eux-mêmes, ni rationnels, ni autonomes. Considérer leur droit à la vie ou le respect de leur autonomie n'a pas grand sens pour eux. S'ils ne ressentaient rien du tout et ne pouvaient plus jamais rien ressentir, ils n'auraient aucune valeur intrinsèque (...) Nous avons vu qu'on peut justifier de mettre fin à la vie d'un être humain qui n'a pas la possibilité de donner son consentement ».
    Source :
    - Peter Singer, Questions d'éthique pratique, trad. par Max Marcuzzi, Paris, Bayard Éditions, 1997 aux pp.176 185 et 187.
    Eric Folot