« Aider la Grèce ? »

Crise de l'euro


L’Europe s’apprête à « aider la Grèce » comme le Fonds monétaire international (FMI) a autrefois « aidé » l’Argentine, la Russie…
Toutefois, charité bien ordonnée commence par soi-même : la France et l’Allemagne, pour ne citer que ces deux pays, vont emprunter plusieurs milliards d’euros sur les marchés financiers, à un taux très modéré, afin de prêter aussitôt cette somme aux Grecs, à un taux plus élevé. Est-ce cela qu’on appelle la « solidarité européenne » ?
M. Eric Woerth, ministre français des affaires sociales (et ancien ministre du budget), a expliqué les choses le 29 avril dernier sur France Inter : « En aidant la Grèce, on s’aide nous-mêmes. Les 6 milliards [d’euros prêtés à la Grèce par la France] on ne les a pas trouvés dans les caisses de l’Etat. On les emprunte à un taux d’environ 1,4 ou 1,5 % et on les prête aux Grecs à environ 5 %. Donc nous ferons un gain là-dessus. C’est bon pour le pays, c’est bon pour la Grèce, c’est surtout bon pour la zone euro. Il faut rassurer les marchés. C’est toujours comme ça, il faut rassurer les marchés. [...] Il faut rassurer, il faut tendre un filet de sécurité public. »
C’est en effet « toujours comme ça » : on rassure « les marchés » avec « un filet de sécurité public ». Les banques le savent. A ceci près qu’elles ont obtenu, elles, des prêts publics aux taux les plus bas qui soient. Et qu’elles les ont ensuite utilisés pour proposer des crédits … à un taux sensiblement plus élevé. Ce qui a permis à leurs actionnaires et à leurs dirigeants d’empocher la différence sans prendre le moindre risque.
Ce n’était sans doute pas assez pour elles. Et on en revient à … la Grèce. Car, sous couvert d’aider ce pays, en lui infligeant une de ces « thérapies de choc » dont le FMI, pas si nouveau que ça en vérité, a le secret, il s’agit aussi de permettre à Athènes de payer ses créanciers. Au nombre desquels des institutions financières françaises et allemandes…
Les Grecs, qui vont dans certains cas perdre deux mois de salaire et payer 4 % de TVA de plus qu’en février dernier, seront-ils assez ingrats pour ne pas remercier l’Europe de les avoir ainsi « aidés » ?
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Dans Le Monde diplomatique :
* « Et si on commençait la démondialisation financière ? » (aperçu), par Frédéric Lordon, mai 2010 (en kiosques).

Les investisseurs étrangers détiennent 70 % de la dette grecque. Une situation qui place la politique du pays sous tutelle des institutions financières. Pour s’affranchir du pouvoir de bailleurs abusifs, il faut... renationaliser la dette.
* « Crise financière, les six étapes d’un désastre »

par Pierre Rimbert, La valise diplomatique, 30 avril.

Avec le recul, les pièces éparses des krachs économiques à répétition survenus ces trois dernières années composent peu à peu le thème d’un puzzle bien connu. Son cadre : la vague de déréglementation financière des années 1980.
* « La Grèce peut-elle faire faillite ? », La valise diplomatique, 23 avril 2010.

Jusqu’où iront « les marchés » pour punir la Grèce ? La question se pose au moment où, du fait d’une singulière coïncidence, les pratiques de la banque Goldman Sachs provoquent une levée de boucliers aux Etats-Unis.
* « Un pays peut-il faire faillite ? », par Laurent Cordonnier, février 2010.

« Nous ne paierons pas votre crise. » Les banderoles déployées fin février à Athènes, où se succèdent les grèves contre les plans d’austérité, n’auraient pas déparé en Islande, ou en Espagne. Prônant la « stabilisation » des dépenses sociales, le FMI a averti : l’assainissement, en Europe, « sera extrêmement douloureux ».
* « Ce n’est pas la Grèce qu’il faut exclure, c’est l’Allemagne ! », par Frédéric Lordon, La pompe à phynance, 29 mars 2010.

La proposition allemande d’exclure la Grèce de l’Union monétaire européenne n’est que le couronnement logique d’une longue suite de manifestations de mépris à l’égard des pays du Sud de l’Europe, jugés incapables de se tenir à des règles de gestion macroéconomique rigoureuses.
* « Comment l’injustice fiscale a creusé la dette grecque », par par Niels Kadritzke, mars 2010.

Premier coup de semonce pour le gouvernement : dès la fin de février, un large mouvement de grève, essentiellement dans le secteur public, a paralysé Athènes. Les Grecs réclament surtout que les mesures prises soient équitablement réparties.
* « La Grèce en quête d’un “deus ex machina” » (inédit), par Dimitri Tsiodras, mars 2010.

Une tragédie grecque, dans la meilleure tradition d’Euripide, se joue depuis des années sur la scène économique du pays. Depuis peu, elle attire l’attention de toute la planète, car elle est arrivée à son point culminant.
* « Wall Street sauvé des eaux »

par Ibrahim Warde, janvier 2010.

Responsable de la rubrique fusions et acquisitions du New York Times pendant dix ans, Andrew Ross Sorkin a longtemps cultivé ses sources à Wall Street et à Washington. Fin 2009, il publiait une chronique détaillée de la crise financière de 2007-2008 à partir de quelque deux cents entretiens avec ses principaux protagonistes.
* « Anniversaire en demi-teinte pour l’euro », par Laurent Jacque, février 2009.

La crise financière révèle tout autant les faiblesses que les atouts de cette devise née il y a dix ans. Secouée dans ses fondements économiques, l’union monétaire se lézarde. La tourmente qui ravage l’économie internationale va-t-elle remettre en cause la pérennité de l’euro ?
* « “Aux banques ils donnent de l’argent, aux jeunes ils offrent... des balles” », par Valia Kaimaki, janvier 2009.

Aveugles au malaise social vécu par les jeunes Grecs, les pouvoirs publics ont été surpris – et secoués – par la fureur des protestataires. Le terreau fertile du soulèvement, c’est, bien sûr, la débâcle économique qui frappe durement le pays avant même que la tempête mondiale ne fasse sentir ses effets.


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