Aucun effort à faire

Le gouvernement Harper cherche-t-il à rebâtir des ponts vers le Québec? Pas vraiment.

Actualité du Québec-dans-le-Canada - Le Québec entravé


Le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, a annoncé la construction d'un nouveau pont Champlain, à Montréal.
Photo: Robert Skinner, La Presse


Le gouvernement Harper cherche-t-il à rebâtir des ponts vers le Québec? Pas vraiment.
Après l'entente sur l'harmonisation des taxes, le gouvernement fédéral a donné le feu vert au remplacement du pont Champlain, idéalement avant qu'il ne s'effondre. Enfin, le Québec reçoit de bonnes nouvelles d'Ottawa, et les milliards qui viennent avec.
Est-ce à dire que le gouvernement Harper cherche à rebâtir les ponts vers le Québec qu'il a lui-même brûlés? Pas vraiment.
Dans le cas de l'harmonisation, le paiement était attendu depuis presque aussi longtemps que la coupe Stanley. Pour le pont, le gouvernement fédéral en est propriétaire et il n'avait pas le choix.
De surcroît, le pont sera confié à un PPP et le gouvernement conservateur a bien pris soin de souligner que les automobilistes montréalais rembourseront chaque sou de la facture de ce cadeau, qui ne coûtera rien aux contribuables de l'Alberta ou de la Beauce.
Malgré tout, ces annonces ont été bienvenues. Mais pourquoi avoir attendu tout ce temps? On ne sait rien de vraiment nouveau sur ces dossiers depuis avril, alors pourquoi les conservateurs n'ont-ils pas saisi l'occasion de faire ces largesses juste avant l'élection fédérale?
Il semble clair que Stephen Harper et ses stratèges jugeaient que des « concessions » au Québec en pleine campagne leur auraient coûté plus de votes ailleurs au Canada qu'ils n'en auraient recueilli au Québec. Il est aussi révélateur que le gouvernement Harper ait choisi de poser ces gestes en catimini, alors que l'attention de millions de Canadiens était mobilisée par des élections provinciales.
Depuis le 2 mai, les preuves de l'indifférence du gouvernement conservateur majoritaire pour les préférences de l'opinion québécoise ne font que s'accumuler.
Par exemple, l'approche conservatrice en matière de droit pénal ou de contrôle des armes à feu fait fi du consensus québécois. Ottawa aide à financer les exportations d'électricité de Terre-Neuve. L'expansion de la Chambre des Communes y réduira le poids du Québec. Et, évidemment, il y a la croisade pour raviver la monarchie et renforcer les symboles nationaux canadiens.
Alors que le gouvernement Harper s'affaire à remodeler le pays à son image, le caractère distinct du Québec est relégué aux oubliettes.
En fait, M. Harper sait que même s'il ne fait rien pour accommoder le Québec dans son ensemble, son parti ne peut que faire des gains dans la vingtaine de comtés du sud-est du Québec où ses politiques de droite et l'attrait du pouvoir touchent de vielles cordes sensibles bleues, et où l'appui au NPD de Jack Layton n'était manifestement qu'un accident de parcours.
Pour faire des gains, les conservateurs n'auront aucun effort à faire pour répondre aux demandes particulières du Québec. Une phrase ou deux en français au début de chaque discours du premier ministre, et le tour sera joué.
Le poids du Québec au sein des partis d'opposition fédéraux n'est pas plus reluisant.
Au NPD, à moins d'une récolte de nouveaux membres québécois encore plus miraculeuse que l'élection de ses 59 députés, il y a peu de chance que le Québec fasse le poids dans la course à la direction, d'où la longue hésitation de Thomas Mulcair à se porter candidat pour diriger un parti depuis si longtemps sourd aux voix discordantes de la gauche québécoise.
Chez les libéraux, le Québec ne semble pas peser beaucoup plus lourd et, de toute façon, l'idée que le parti pourrait se faire le porte-étendard de quelque intérêt distinct de la province demeure un défi à l'imagination.
L'ironie, c'est que du temps de Trudeau, le pouvoir du Québec à Ottawa était censé être le meilleur rempart contre le «séparatisme». Aujourd'hui, alors même que le mouvement souverainiste semble destiné à s'autodétruire, ce pouvoir est plus faible que jamais.
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Pierre Martin
L'auteur est professeur de science politique à l'Université de Montréal.

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Pierre Martin est professeur titulaire au Département de science politique de l’Université de Montréal et directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines (CÉPÉA). Il est également membre du Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale (GERSI)





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