Aucune mesure pour stimuler l'économie

Pour équilibrer son budget, Jim Flaherty annonce des compressions de 4,3 milliards

Ottawa - "Énoncé économique" et crise politique

Ottawa -- Tel qu'anticipé, l'énoncé économique déposé hier par le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, ne contient aucune nouvelle mesure pour stimuler l'économie. En revanche, le gouvernement Harper se concentre sur son équilibre budgétaire. Pour éviter un déficit, il entend abolir des programmes et restreindre ses dépenses de manière importante: dès l'an prochain, il veut ainsi épargner 4,3 milliards de dollars.
«Les temps sont difficiles et nous forcent à faire des choix difficiles», a dit Jim Flaherty pour justifier les compressions à venir. Les noms des programmes et les secteurs du gouvernement touchés seront annoncés dans le budget, prévu en février prochain. Des ventes d'actifs sont aussi dans les plans.
En fait, dans le document d'information du gouvernement, on constate que la «gestion plus rigoureuse des ministères» fera épargner deux milliards de dollars, alors que «l'examen des ministères et des actifs» retranchera 2,3 milliards de dollars de dépenses. Il n'y a pas plus de détails pour l'instant.
Ces compressions -- décrites comme «idéologiques» par l'opposition -- et l'absence de mesures pour stimuler l'économie ont créé un cocktail indigeste pour les trois partis d'opposition, qui ont réagi avec rage aux propos du ministre Flaherty. À tel point qu'ils ont annoncé ne pas vouloir appuyer cet énoncé économique. C'est donc dire que, si le gouvernement ne modifie pas ses plans, un parti devra s'abstenir lors du vote. Sinon, c'est le retour à des élections.
Le gouvernement prévoit enregistrer un surplus de 800 millions de dollars pour l'année financière en cours (2008-09). L'an prochain (2009-10), si Ottawa ne mettait pas la hache dans ses dépenses et ses programmes, le déficit serait de 5,9 milliards de dollars sur un budget total d'environ 240 milliards.
Mais le gouvernement prévoit plutôt un faible surplus de 100 millions en 2009-10. Pour y parvenir, plusieurs mesures seront prises. En plus des compressions de 4,3 milliards de dollars, le gouvernement entend récupérer 600 millions en limitant la hausse de salaire des employés de l'État, des députés, des ministres, des sénateurs et des hauts fonctionnaires. Pour être certain d'imposer les conditions de travail souhaitées, le gouvernement suspend le droit de grève dans la fonction publique jusqu'en 2011. Il empêchera aussi les contestations judiciaires qui ont trait à l'équité salariale (principalement pour les femmes). L'équité devra être négociée dans le cadre des conventions collectives. Le programme d'achat de prêts hypothécaires auprès des grandes institutions annoncé récemment devrait quant à lui rapporter 1,1 milliard de dollars.
Le même principe s'applique dans deux ans, soit en 2010-11. Le déficit prévu est de 3,4 milliards de dollars, mais pour l'éviter, le gouvernement entend compresser les dépenses de l'État à hauteur de 1,9 milliard de dollars. Limiter la hausse des salaires des employés de l'État et récupérer l'argent des hypothèques dégagera une marge de manoeuvre de 1,6 milliard. Résultat: un coussin de 100 millions est prévu en 2010-11.
Un coup de pouce à venir?
Malgré les stratagèmes des conservateurs pour éviter les déficits, notamment la fin controversée de l'aide publique aux partis politiques, tout peut encore changer, a prévenu hier le ministre des Finances.
D'abord, l'incertitude économique est si importante que même les prévisions à court terme ne sont pas totalement fiables, a dit Jim Flaherty. Ensuite, même si le Canada adopte des stimulants économiques, à l'image des autres pays occidentaux, les déficits sont possibles.
«Toutes les nouvelles mesures que nous prendrons pour soutenir l'économie auront une incidence sur les résultats nets de notre prochain budget. Ces mesures, ou encore une détérioration plus grave des conditions économiques mondiales, pourraient amener un déficit», a dit Jim Flaherty.
Outre une accélération des projets d'infrastructure déjà prévus, le gouvernement n'a pas encore décidé si un coup de pouce à l'économie est nécessaire. Et si oui, de quelle manière il serait donné. Pour l'instant, Ottawa veut continuer à consulter les provinces et les différents secteurs de l'économie. Il faudra attendre le prochain budget pour savoir si le gouvernement fédéral bouge.
Le Canada n'est pas dans la même situation que les autres pays, puisque des gestes ont déjà été posés, a affirmé Jim Flaherty hier. Par exemple, les baisses d'impôt et de taxes totaliseront 31 milliards de dollars pour l'année 2009-10, soit l'équivalent de 2 % du PIB. «Nos stimulants fonctionnent, c'est pour ça que notre économie ne se porte pas trop mal. Mais c'est vrai qu'on devra peut-être faire plus encore», a dit M. Flaherty en point de presse.
Pour l'instant, le gouvernement se contente de permettre à deux sociétés de la Couronne, soit la Banque de développement du Canada et Exportation et Développement Canada, d'accorder davantage de prêts aux entreprises pour soutenir le crédit disponible.
Selon le gouvernement, la croissance du PIB réel pour cette année (2008-09) sera de 0,6 %, alors que pour l'an prochain il sera de 0,3 %. Même si l'année 2009 sera positive, une récession technique (deux trimestres de recul du PIB) est toutefois à prévoir pour le quatrième trimestre de 2008 (maintenant) et le premier trimestre de 2009. La situation devrait revenir à la normale dans deux ans, avec une croissance du PIB de 2,6 % en 2010.
L'opposition en furie
Le manque d'empressement du gouvernement à donner un coup de pouce à l'économie a été sévèrement jugé par les partis d'opposition aux Communes, qui ont rivalisé de qualificatifs pour dénoncer le Parti conservateur.
«Ce n'est pas un énoncé économique, c'est un énoncé idéologique», a lancé Gilles Duceppe lors de son discours de réponse. «C'est l'idéologie qui aveugle le gouvernement, à tel point qu'il ne veut pas agir. Il veut étouffer l'économie.»
Le chef du Bloc québécois estime que c'est une «idéologie rétrograde» qui pousse le gouvernement à vouloir réduire de manière aussi importante les dépenses de l'État «pour éviter un déficit ponctuel». Gilles Duceppe en avait aussi contre la suspension du droit de grève des fonctionnaires et la fin des contestations judiciaires en matière d'équité salariale. «Depuis quand les droits sont-ils soumis à la négociation?», a-t-il demandé. Le Bloc votera contre l'énoncé économique.
Le chef du NPD, Jack Layton, en fera autant. «Tout le monde est inquiet et demande des actions, a-t-il dit aux Communes. Les gens espéraient que leur gouvernement répondrait présent. Ce n'est pas ce qu'ils ont obtenu.»
Les intentions du Parti libéral, qui est en reconstruction et aux prises avec une course au leadership, sont moins claires pour l'instant. Vont-ils voter contre symboliquement tout en permettant à l'énoncé économique de passer la rampe en envoyant un nombre insuffisant de députés aux Communes? Hier, dans les rangs libéraux, personne n'osait cependant écarter le scénario d'élections hâtives...
C'est que le document du gouvernement ne plaît pas au PLC. «Nous ne pouvons pas appuyer le plan que le ministre des Finances vient de présenter, a dit Stéphane Dion. Nous ne pouvons pas le faire car ce n'est pas un plan pour stimuler l'économie. C'est un plan pour cacher un déficit. Il y a des compressions qui ne sont pas précisées touchant les services, touchant les programmes et des ventes d'actifs.»
Selon Michael Ignatieff, la suite des choses «dépend du gouvernement», qui doit refaire ses devoirs. «Le gouvernement doit réfléchir et comprendre ce qui est en train de se passer», a-t-il dit.


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