Avec La ceinture et la route de la Chine, les États-Unis sont en train de perdre le Nord

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L'hégémonie américaine tire à sa fin

Lors d’un discours intitulé «Définir notre relation avec l’Inde pour le prochain siècle», prononcé lundi dernier au Centre d’études internationales et stratégiques à Washington, Tillerson a insisté sur l’OBOR pendant la session de questions-réponses. Lorsqu’on lui a demandé de développer une expression trop concise qu’il avait utilisée dans son discours – « économie prédatrice » en Asie-Pacifique – Tillerson a répondu :



  • Il est important que ces démocraties et économies émergentes (Asa-Pacific) disposent d’autres moyens de développer à la fois l’infrastructure dont elles ont besoin, et aussi les économies. Nous avons regardé les activités et les actions des autres dans la région, en particulier la Chine, et les mécanismes de financement qu’elle apporte à beaucoup de ces pays qui se traduisent par un endettement énorme. Ils ne créent pas souvent des emplois, les projets d’infrastructure devraient être de formidables créateurs d’emplois dans ces économies, mais trop souvent, des travailleurs étrangers sont amenés pour exécuter ces projets d’infrastructure. Le financement est structuré de telle sorte qu’il leur est très difficile d’obtenir des financements futurs et il y a souvent des déclencheurs très subtils dans le financement qui se traduisent par un défaut de financement et une conversion de la dette en capitaux propres.

  • Donc, ce n’est pas une structure qui soutient la croissance future de ces pays. Nous pensons qu’il est important que nous commencions à développer des moyens de contrer cela avec des mesures de financement alternatives, des structures de financement. Et pendant le sommet ministériel d’août en Asie de l’Est, nous avons entamé une discussion sereine avec les autres sur ce qu’ils vivaient, ce dont ils avaient besoin, et nous entamons une discussion sereine de manière multilatérale sur : Comment créer des mécanismes de financement alternatifs ? Nous ne serons pas en mesure de rivaliser avec les conditions que la Chine offre, et – mais les pays doivent décider ce qu’ils veulent payer pour assurer leur souveraineté et le contrôle futur de leurs économies. Et nous avons aussi eu ces discussions avec eux.


Répondant à une autre question, Tillerson a ajouté:



  • Eh bien, je pense, à bien des égards, que les pays qui ont besoin du financement des infrastructures doivent vraiment penser à long terme, comment ils veulent que leur pays et leur économie se développent … voici tous les avantages que vous recevrez si vous acceptez que des investissements en dollars vous arrivent selon ces voies : Vous conservez votre contrôle souverain, vous gardez un contrôle total sur les lois et leur application dans votre pays. Et cela devrait avoir une valeur significative pour ceux qui pensent à l’avenir. Et donc, bien que ce soit sur une base concurrentielle directe, il est difficile de rivaliser avec quelqu’un qui offre quelque chose sur le plan financier qui vaut quelques points en matière de prêts, mais nous devons les aider à mettre cela en perspective. La capacité à contrôler leur pays, contrôler l’avenir de leur pays, contrôler le développement de leur économie dans un système basé sur des règles. Et c’est vraiment ce que nous promouvons, que vous conserviez votre souveraineté, vous mainteniez votre engagement envers un ordre basé sur des règles, nous viendrons avec d’autres options pour vous.


Tillerson n’a jamais prononcé le mot ‘OBOR’, tout en le dénigrant. Fait important, il a révélé que les États-Unis avaient des «discussions sereines» avec les États régionaux «sur ce qu’ils vivaient, ce dont ils avaient besoin» et sur la façon de concevoir «d’autres mécanismes de financement» «de manière multilatérale» pour contrer l’OBOR avec des mesures de financement, des structures de financement. « 


Ce qui est sûr, c’est que l’OBOR rend les Américains fous. La Chine fait de la «rétro ingénierie» sur le schéma occidental consistant à prolonger le financement pour stimuler le commerce. Le magazine Atlantic a publié en une un article approfondi (la Chine est en train de remodeler le monde) sur la façon dont l’OBOR sape l’influence régionale des États-Unis. Ce que les États-Unis avaient fait grâce au plan Marshall pour «reconstruire» l’Europe de l’après-guerre consistait à fournir l’équivalent de 800 milliards de dollars (calculé par rapport au PIB actuel), ce qui a permis au pays de devenir le prêteur numéro 1. Maintenant, la Chine suit la même voie, dépassant déjà cette somme de 300 $ et elle prévoie de dépenser 1 000 milliards de dollars de plus au cours de la prochaine décennie.


Et la Chine est déjà le premier partenaire commercial (importations et/ou exportations) de 92 pays (contre 57 pour les Etats-Unis). La Chine est aujourd’hui un prêteur plus important que la Banque Mondiale. Ce retournement de situation s’est réalisé sur une période remarquablement courte. Il suffit de dire que la Chine adopte la même voie que les États-Unis pour étendre son influence politique et tirer parti des autres pays qui se sentaient redevables envers elle. Si l’initiative OBOR réussit, les Etats-Unis auront plus de mal à imposer leur volonté à d’autres pays. Le fameux «ordre international libéral» sera sérieusement compromis. Tillerson a admis, « Nous ne serons pas en mesure de rivaliser avec le genre de conditions que la Chine offre. »


Nous n’en sommes qu’au début. Et la Chine apprend vite. Le plus probable est que dans un avenir proche, la Chine dénonce les accusations faites par Tillerson. Pékin a annoncé cette année des directives strictes pour ses investisseurs pour l’étranger. De même, nous pouvons nous attendre à ce que les normes chinoises relatives au travail, aux droits de l’homme et à l’environnement soient améliorées avec le temps. Beijing a déjà la volonté de présenter la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures comme étant conforme aux normes internationales.


Pour le dire simplement, les États-Unis n’ont pas le trillion de dollars pour se mesurer à la Chine. Avec l’OBOR, les États-Unis perdent le nord. Si la Chine continue à peaufiner et à améliorer les outils de sa poussée géoéconomique à la lumière de l’expérience, l’OBOR va profondément remodeler l’ordre mondial dans le sens d’un système international plus équitable sans défaire l’ordre existant.


Fondamentalement, qu’est-ce qui motive l’OBOR – la géostratégie ou la géo-économie? En Inde, en particulier, les analystes de la politique étrangère ont tendance à considérer l’OBOR, en grande partie à travers une lentille géopolitique, comme une tentative de Pékin de créer un effet de levier politique sur ses voisins. Il ne fait aucun doute que la Chine espère utiliser ses vastes ressources économiques comme un outil clé pour maintenir la stabilité régionale et projeter son leadership dans le voisinage du pays.


Le CPEC en est un bel exemple. Mais, il est également facile d’exagérer la chose. Une étude originale étonnante a été réalisée sur cette zone par le célèbre groupe de réflexion australien Lowy Institute. Le rapport a estimé que



  • Les deux objectifs (géostratégiques et géoéconomiques) ne sont pas, en fait, contradictoires. La Chine utilise l’OBOR pour affirmer son leadership régional à travers un vaste programme d’intégration économique. Son objectif est de créer une chaîne de production régionale, au sein de laquelle la Chine serait un centre de fabrication de pointe et d’innovation, et serait la référence.

  • Mais il est également vrai que l’OBOR aidera la Chine à relever certains de ses défis économiques les plus urgents. Parmi ces défis, trois sont particulièrement importants pour comprendre les objectifs clés de l’OBOR: encourager le développement régional en Chine grâce à une meilleure intégration avec les économies voisines; améliorer l’industrie chinoise tout en exportant les normes chinoises; et résoudre le problème de la capacité excédentaire.


Le rapport de l’Institut Lowy Understanding China’s Belt and Road Initiative.


http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2017/10/20/chinas-belt-and-road-is-driving-the-us-to-distraction/


Traduction : Avic – Réseau International