Bonjour, mon nom est Josh Freed. Je suis anglophone.

... et dans un Canada uni! Le jovialisme n'est pas un programme!


Bonjour,
Mon nom est Josh et, je l’avoue, je suis anglophone.
_ En fait, je suis assez typique pour un anglo montréalais ; je suis Juif.
Comme la plupart des Juifs ici, je suis allé à une école protestante, parce que, à cette époque, les écoles catholiques nous voulaient pas vraiment de nous.
J’ai donc passé tous les matins de mon enfance à apprendre les chansons traditionnelles chrétiennes –que seul les Juifs de Montréal chantent, comme Jesus loves me, this I know, for the Bible tells me so et Onward Christian Soldiers.
Malheureusement, pendant que j’apprenais tous ces hymnes protestants, je n’ai pas appris beaucoup de français. Les écoles anglaises du Québec n’enseignaient pas bien cette langue dans ma jeunesse.
À l’école secondaire, mon prof de français était Mme Schwartz. Elle m’a appris le français trois heures par semaine avec un accent anglais du West End – qui provenait en partie de Paris et en partie du centre commercial Cavendish. Mais mon français devenait incompréhensible dès que j’allais à l’est de la Charcuterie Schwartz.
J’ai grandi sur une rue de Montréal qui s’appelait Deleppy. À 15 ans, j’ai appris qu’elle se nommait plutôt De L’épée. Je l’ai découvert lorsque j’ai pris un taxi pour la première fois et que le chauffeur (un francophone) est passé deux fois sous le panneau indiquant le nom de ma rue sans la trouver.
Après l’école secondaire, j’ai déménagé au centre-ville de Montréal, où j’ai finalement commencé à comprendre comment notre ville fonctionnait. Je vivais dans un quartier plein de francophones, près de « Gene Manz » Street… apparemment un cousin anglais de Jeanne Mance, le nom utilisé par tous les francophones que j’ai rencontrés. (Même chose pour Pine Avenue, que les francophones appelaient Avenue Des Pins.)
Lentement, j’ai appris à m’adapter, à mieux parler français et à vivre dans cette ville francophone pleine d’anglophones, d’allophones, de xylophones !
J’ai travaillé en français, j’ai flirté en français, j’ai même voté pour René Lévesque en 1976, pour booster le pouvoir du français.
Par la suite, ma femme (aussi anglophone) et moi avons envoyé notre fils dans des écoles francophones durant huit ans. Au début, il parlait d’ailleurs une langue bâtarde où apparaissaient des phrases comme : « Dad, I want a collation . »
Aujourd’hui encore, il pense que « dépanneur » est un mot standard en anglais, partout Canada, comme « métro » et « autoroute ».
Notre but était de s’assurer qu’il parle français beaucoup mieux que moi. Et nous avons réussi. À 16 ans, il est bilingue et totalement gêné d’entendre mon accent anglo d’avant-la-loi-101, qui me fait prononcer ‘Longay’ au lieu du Longueuil.
Et je pense que mon histoire est typique de beaucoup d’entre nous. La communauté autour de moi a changé et s’est énormément adaptée en 30 ans.
Nos grands-parents et leurs ancêtres ne parlaient pas du tout français ; ils étaient trop occupés par leur lutte quotidienne pour survivre.
Maintenant, presque tous les anglophones envoient leurs enfants en immersion ou à l’école française. Et beaucoup de ces enfants ont l’accent québécois d’un bûcheron et la sophistication d’un sommelier.
« Dad, passe-moé le Grand Cru Château Dépanneur 2004, s’il te plaît. »
De plus en plus, ils marient des francophones et élèvent leurs enfants en français, comme le révèle le sondage de L’actualité, dans son numéro en kiosque ce vendredi.
Nous sommes aussi de plus en plus nombreux à lire La Presse et L’actualité. Nous regardons presque tous le hockey sur RDS, depuis que CBC a commencé à favoriser les Leafs de Toronto. Personnellement, je suis un fan de Di Stasio et Désautels, entre autres.
Pour emprunter une blague d’Yvon Deschamps: « On ne peut plus se moquer de nos anglophones, ils sont devenues bilingues! Ils nous comprennent. »
Cela dit, il semble que nous ne connaissons pas Normand Brathwaite, Véronique Cloutier, ni de nombreuses autres vedettes francophones sur lesquelles L’actualité nous a testés. Même moi, je ne connais pas vraiment Marie-Mai. Mais bon, je ne connais pas non plus 99 % des jeunes chanteurs pop canadiens-anglais.
Comme la plupart des anglos, je regarde la télévision américaine. Posez-nous des questions sur Charlie Rose, Larry David et des shows comme Modern Family ou Downton Abbey – une fabuleuse série dramatique sur PBS, que tout le monde regarde, ici et sur le reste du continent.
Je suis désolé que la plupart d’entre nous ne connaissent pas le nom du maire de la ville de Québec, mais nous ne connaissons pas le maire de Toronto non plus !
Oui, beaucoup d’entre nous sont solidaires avec les rêves et les peurs du Québec francophone, mais, comme L’actualité l’a découvert, beaucoup sont tout simplement fatigués de la politique québécoise.
La chose importante, c’est que 80% des anglophones disent qu’ils se définissent comme Québécois dans le sondage, une affirmation que nous n’aurions jamais faite il y a même une décennie. (Et c’est même plus que le nombre de personnes qui s’identifient comme Ontariens chez nos voisins).
Nous, anglos, avons choisi de rester ici alors que des centaines de milliers d’autres sont partis (bien que leurs enfants aient été nombreux à revenir étudier et vivre ici parce que leur ville natale leur manquait).
Nous, anglos, aimons Montréal, alors que trop de francophones l’abandonnent pour la banlieue. Peut-être que nous avons besoin d’un nouvelle Loi «301», qui empêche les francophones de quitter l’Île, afin de s’assurer que Montréal reste francophone ?
Comme de nombreux anglos, j’ai essayé de vivre ailleurs, mais ma ville m’a toujours manqué. J’ai trouvé Ottawa trop prudente, alors que Toronto se réveillait trop tôt et que Vancouver ne se réveillait pas du tout.
Je suis Montréalais dans mon sang. C’est une ville que j’aime beaucoup ; une ville totalement imprévisible, chaotique et plus vibrantes qu’aucune autres au Canada.
C’est une ville tolérante, parfois frustrante, mais toujours amusante.
C’est un grand laboratoire où la langue française et la langue anglaise se mélangent comme dans aucune autre ville sur la planète. Un endroit où le stand-up comic Sugar Sammy peut faire un show où se mêlent l’anglais et le français et vendre plus de 30 000 billets.
Non, les anglos et les francos ne se mélangent pas assez dans leur vie personnelle… Cela va prendre du temps.
Si on se fie au sondage, 80 % d’entre nous n’ont jamais eu une vraie conversation avec un francophone. Mais là encore, comme le Québec est francophone à 80 %, ça signifie que seulement 4% des francophones ont eu une vraie conversation avec un anglophone.
À qui la faute? À personne, à mon avis.
Traverser les cultures est un business difficile partout dans le monde et seulement une minorité de gens peuvent réussir à le faire.
Le point important pour moi, c’est que les choses s’améliorent rapidement ici au Québec ; notre communauté anglophone évolue plus rapidement que beaucoup d’habitants du monde occidental.
Le Québec est un lieu fascinant et il nous a rendus, nous les anglophones, plus intéressants aussi. Je pense que, à l’image de mon voyage de la rue Deleppy à la rue De L’Épée, notre communauté a parcouru un long chemin au cours des années.
Mais c’est un voyage qui vient de commencer, et il faut que nous fassions tous preuve de patience, de générosité et d’empathie pour l’aider. Avec ça, je crois qu’on pourra construire une communauté anglophone forte dans un Québec francophone fort, un endroit où les deux solitudes ne feront qu’un.
Mon nom est Josh et, je l’avoue, je suis toujours anglophone.
À la prochaine !


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