Budget Jérôme-Forget: loin de la transparence

Budget MJF - baisses d'impôts



Dans le discours du budget, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a déclaré vouloir faire du gouvernement un «exemple de transparence». Il faut certes l'en féliciter, car les pratiques en vigueur au Québec font bien piètre figure quand on les compare à celles des autres provinces canadiennes. Malheureusement, les mesures annoncées dans le discours du budget sont bien trop timides pour permettre au gouvernement de rattraper son retard en la matière.



Il faut savoir que le Québec deviendra en 2008 la seule province au Canada qui n'ait pas adopté l'ensemble des principes comptables généralement reconnues (PCGR) pour le secteur public. Ce faisant, il sera encore possible pour le gouvernement de présenter aux citoyens un portrait bien incomplet des finances publiques et de se conformer à la Loi sur l'équilibre budgétaire tout en accumulant les déficits. Ils totaliseraient 5,3 milliards de dollars pour la période 2001-2006, selon le vérificateur général du Québec.
Bien sûr, Mme Jérôme-Forget a le mérite de s'être engagée à adopter certaines mesures correctives et elles sont certainement les bienvenues. Mais il faut déplorer qu'elle n'ait proposé aucun échéancier pour se conformer à l'ensemble des PCGR. Elle a plutôt annoncé la création d'un groupe de travail, auquel participera le Bureau du vérificateur général, et qui procédera à un examen de la comptabilité gouvernementale avant de procéder à des réformes majeures. Or, le vérificateur dresse tous les ans une liste de recommandations visant améliorer les pratiques comptables du gouvernement. Dans son dernier rapport, on pouvait en compter 20 et certaines se répètent depuis 1998. Qu'y a-t-il donc à «examiner»?
A-t-on affaire à un gouvernement qui cherche à gagner du temps? Qui voudrait éviter l'odieux de nous présenter le véritable état des finances publiques trop près d'élections qui pourraient bien avoir lieu rapidement? Pendant ce temps, le Manitoba - seule autre province retardataire avec le Québec - aura adopté l'ensemble des PCGR en avril 2008.
Autre mesure
Il faut également mentionner qu'une autre mesure visant à améliorer la transparence au sein de l'administration publique a été annoncée dans le discours sur le budget, soit l'élargissement du mandat du vérificateur général. Cette mesure apparaît bien insuffisante, elle aussi, quand on connaît les pratiques en vigueur dans les autres provinces canadiennes.
En effet, le Québec demeure la seule province au Canada qui ne permette pas à son vérificateur général d'entreprendre librement des vérifications dites «d'optimisation des ressources» au sein des sociétés d'État. On ne parle pas ici d'une simple vérification des états financiers, ce dont il a été question dans le discours du budget. Il s'agit plutôt d'une enquête visant à évaluer les pratiques de gestion pour déterminer si les ressources sont utilisées de manière efficiente, ainsi que pour vérifier l'efficacité et la présence de liens de responsabilité.
En pratique, le vérificateur général du Québec doit obtenir l'autorisation préalable du conseil d'administration d'une société d'État afin de procéder à une vérification de ce genre. Répétons-le, il s'agit d'une restriction unique au Canada. Le vérificateur Renaud Lachance la dénonce d'ailleurs dans son dernier rapport annuel. À l'instar de ses prédécesseurs, il réclame une plus grande liberté d'action. Et à juste titre.
En Ontario
Le cas de l'Ontario illustre parfaitement la pertinence de lui permettre d'enquêter sur la manière dont les organismes publics gèrent leurs ressources. Depuis 2005, le vérificateur de cette province a le pouvoir d'enquêter non seulement sur les pratiques de gestion des sociétés d'État, mais également sur celles des hôpitaux, centres pour personnes âgées, organismes d'aide à l'enfance, commissions scolaires, universités et autres organismes publics. C'est ainsi qu'il a découvert l'an dernier qu'il y avait plus de cartes d'assurance maladie en circulation que d'Ontariens, ou encore que Hydro One n'avait pas vérifié le bien-fondé de dépenses portées à ses cartes de crédit bien qu'elles totalisaient 127 millions$. Et on ne compte plus les cas d'abus relatifs à l'utilisation de comptes de dépenses que le vérificateur de l'Ontario a découvert dans les commissions scolaires et les sociétés d'aide à l'enfance.
Seule une vérification d'optimisation des ressources permet de découvrir les cas de gaspillage, de négligence voire les malversations qui peuvent survenir au sein de l'administration publique. Le gouvernement du Québec continue pourtant de refuser ce pouvoir d'enquête à son vérificateur. Qui sait si un scandale comme celui qui afflige l'UQAM aurait pu être évité, ou du moins être découvert avant que la crise financière ne prenne l'ampleur qu'on lui connaît aujourd'hui?
L'administration publique au Québec est encore loin d'être le modèle de transparence auquel aspire Mme Jérôme-Forget. Et il faut se rendre à l'évidence: les mesures annoncées dans le discours du budget n'y changeront pas grand-chose.
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Claire Joly
L'auteure est directrice générale de la Ligue des contribuables du Québec.


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