C'est connu: la recherche de la Vérité avec un V majuscule est un vaste programme.
Prenez la commission Bastarache. Son mandat édicté par le gouvernement Charest se lit ainsi: "enquêter sur les allégations formulées par Me Marc Bellemare concernant le processus de nomination des juges de la Cour du Québec, notamment au regard de l'influence qu'auraient exercée de tierces personnes dans ce processus, ainsi que sur le processus de nomination des juges des cours municipales et des membres du Tribunal administratif du Québec".
Ces "tierces personnes" sont présumées être Franco Fava et Charles Rondeau, d'importants collecteurs de fonds libéraux. Me Bellemare allègue qu'ils auraient exercé une influence sur lui en 2003-2004, alors ministre de la Justice, dans la nomination de trois juges.
Mais pour toute commission d'enquête, la recherche de la vérité pure n'est pas un absolu. Dans le cas présent, la mission de Me Bastarache est plutôt d'établir si les allégations de Me Bellemare sont vraisemblables et crédibles.
Pourtant, au-delà de l'influence exercée ou non par messieurs Fava et Rondeau, l'important pour les Québécois est de savoir si, tel que l'avance Me Bellemare, le premier ministre Charest lui aurait aussi demandé de nommer les trois juges poussés par ces bailleurs de fonds.
La charge est explosive. Car s'il fallait que Me Michel Bastarache juge les propos de Me Bellemare crédibles, l'ampleur du dommage que cela causerait au Parti libéral serait colossale...
Or, au moment de mettre sous presse, la perception dominante est qu'au fil des audiences, Me Bellemare consolide lentement sa propre crédibilité. Et ce, malgré les tentatives des avocats du gouvernement et de M. Charest de "tester" sa crédibilité quant à son caractère, ses "valeurs", ses "vertus".
Remarquez qu'il est rare pour les citoyens d'entendre un ex-élu affirmer, comme le fait Me Bellemare, qu'il est allé en politique seulement pour mener de front des réformes. Ou qu'il a quitté son poste de ministre parce que le PM ne livrait pas lesdites réformes malgré son engagement public à le faire.
En cette ère de colère citoyenne, entendant un tel discours, rares seront ceux qui se préoccuperont de savoir si Me Bellemare aurait ou non, selon certains, un "caractère" difficile au point de miner sa crédibilité. Même si c'était vrai, il n'aurait sûrement pas eu le monopole de ce trait dans ce milieu. D'autant plus que la chose, vraie ou fausse, n'est pas pertinente dans cette histoire.
Sous réserve de prochains rebondissements, cette crédibilité apparente de Me Bellemare, si elle venait à tenir la route, serait dévastatrice pour un gouvernement déjà vulnérable sur les questions d'éthique. Dans un tel cas, même les conclusions finales de Me Bastarache risqueraient de ne pas peser lourd dans la balance, du moment où le verdict populaire, lui, serait rendu. Mais prudence. Attendons les témoignages à venir pour voir, dont, bien entendu, celui du premier ministre lui-même.
Les vraies questions
Le problème est que les citoyens risquent de ne jamais avoir la réponse aux vraies questions qu'ils se posent. Cyniques ou non, les Québécois ont pourtant le droit de savoir.
Ils ont le droit de savoir quel est le pouvoir de l'argent privé, celui collecté par et pour un parti, dans la gouverne de leur État et la gestion de leurs deniers. Est-il possible pour des bailleurs de fonds d'un parti d'"acheter" de hauts postes névralgiques, incluant dans la magistrature, avec l'approbation d'un premier ministre?
Quel est le pouvoir d'influence réel du milieu des affaires, de l'industrie de la construction et de ses leaders syndicaux?
Avec des élites politiques et d'affaires tricotées plus serré qu'une paire de pantoufles en Phentex, la vieille culture du "par ici, l'assiette au beurre des contrats et des postes publics" effectuerait-elle un retour feutré dans les mœurs politiques?
Si la réponse est non, qu'on le sache. Si c'est oui, qu'on sache comment, où et par qui. Question de voir comment nettoyer les écuries pour limiter à l'avenir le risque de tels dérapages. Et surtout, pour protéger l'intégrité de nos institutions démocratiques, dont celle des pouvoirs exécutif et judiciaire.
(En passant: que dire aussi des chefs de partis et des candidats aux élections qui se désintéressent aussi souvent de la manière dont leurs organisateurs font leur propre financement, et donc des risques de "retours d'ascenseur" sous forme de postes et de contrats publics importants attendus lorsque le parti prend le pouvoir - au municipal ou au provincial. En commission, même Me Bellemare s'est dit peu intéressé par le sujet dans sa campagne pour la mairie de Québec en 2005.)
Mais vous savez bien que vous n'aurez jamais de réponses à toutes ces questions. Aussi cruciales soient-elles et lesquelles vont nettement au-delà de l'"affaire" Bellemare.
Vous savez que le premier ministre n'instituera jamais une commission d'enquête élargie et indépendante sur le financement des partis, le rôle des collecteurs de fonds et l'influence de l'industrie de la construction, entre autres, sur l'octroi de contrats publics de même que, possiblement, sur certaines nominations.
Alors, que faire?
Vous connaissez peut-être déjà mon humble point de vue sur la chose. Plutôt que d'y tourner le dos par dépit, le seul remède à terme est de faire le contraire: s'intéresser de près et de plus en plus à la politique et au politique.
Inutile de réinventer la roue de la démocratie. Il s'agit seulement de pratiquer cette dernière...
Ce que les Québécois ont le droit de savoir
La charge est explosive. Car s'il fallait que Me Michel Bastarache juge les propos de Me Bellemare crédibles, l'ampleur du dommage que cela causerait au Parti libéral serait colossale...
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé