Changement de statut de La Presse: le PQ et Ouellet demeurent réticents

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Les députés sont moins pressés que La Presse

Une rencontre des hauts dirigeants de La Presse avec des élus à l'Assemblée nationale n'a pas permis de convaincre l'ensemble des députés d'appuyer un projet de loi qui permettrait au quotidien de passer sous le contrôle d'un organisme à but non lucratif (OBNL).


Le président du quotidien, Pierre-Elliott Levasseur, et l'éditeur et vice-président du conseil, Guy Crevier, ont rencontré les élus de tous les partis à l'Assemblée nationale mardi matin. Ils souhaitaient les convaincre de l'urgence de légiférer pour abroger une loi privée datant de 1967, par lequel le gouvernement doit approuver le changement de propriété de l'entreprise.


Or, le Parti québécois et la députée indépendante Martine Ouellet n'ont pas été satisfaits des explications des dirigeants de La Presse.


Le chef péquiste, Jean-François Lisée, avait déjà émis des réserves devant le possible changement de statut de La Presse. Son propriétaire actuel, Power Corporation, va nommer le président du conseil d'administration de l'OBNL, conjointement avec la direction du quotidien.


Cela lui fait craindre que Power Corporation garde le contrôle de La Presse. Une crainte que la direction du quotidien n'a pas dissipée, selon lui.


« Ce matin, je m'attendais à ce que les gens disent qu'ils nous ont entendu, qu'il va y avoir de la place sur le conseil d'administration pour les artisans de La Presse, pour les lecteurs de La Presse, pour le public. On pourrait dire que cet OBNL serait vraiment indépendant. Nous n'avons rien entendu de ça ce matin », a dit M. Lisée.


Bien que La Presse soit le seul quotidien au Canada qui doive obtenir l'aval des parlementaires pour être vendu, les parlementaires sont dans leur droit de poser des questions, a dit le chef péquiste. Il a fait valoir que le nouveau statut du quotidien pourrait permettre à des donateurs de profiter de crédits d'impôt.


« On nous demande de poser un geste qui va coûter des sous au budget du Québec pour soutenir une entreprise de presse, a-t-il dit. On n'est pas contre en principe, mais ne venez pas nous dire qu'on n'a pas notre mot à dire dans cette décision. »


La députée indépendante Martine Ouellet, qui est aussi chef du Bloc québécois, n'a pas été convaincue non plus.


Mme Ouellet avait déjà exprimé de vives réticences face à la transaction. Se disant soucieuse de protéger les emplois des journalistes, la députée a dit n'avoir obtenu « aucune information » sur la transaction lors de sa rencontre. Elle a aussi rappelé que Power Corporation, actuelle propriétaire du quotidien, s'est engagée à verser 50 millions à la nouvelle entité.


« Le sentiment d'urgence qu'ils semblent vouloir mousser, je ne le comprends pas parce qu'il y a quand même 50 millions sur la table, a-t-elle dit. Donc ça devrait durer un certain temps. Mais encore là, sur le 50 millions, on n'a aucune information. »


Urgence


Guy Crevier a plaidé qu'il est urgent que La Presse change de statut. Il a fait valoir que Google et Facebook contrôlaient 50% des revenus publicitaires numériques il y a quelques années, une proportion qui est aujourd'hui passée à 80%.


« Une année dans le monde des médias, c'est une éternité, a dit M. Crevier. Il y a deux grands géants américains qui sont en train de détruire complètement le modèle québécois, le modèle canadien. »


Il a également rappelé que La Presse est la seule entreprise médiatique qui doit obtenir l'aval des parlementaires pour être vendue.


« Je ne suis pas ici pour bousculer les parlementaires, a dit M. Crevier. Mais la réalité qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a 90 quotidiens au Canada. Il y en a 89 demain matin qui, en 24 heures, peuvent exactement faire ce qu'on veut faire. Pourquoi La Presse serait-elle traitée de façon différente ? »


Appui syndical


Les syndicats qui représentent les travailleurs de La Presse ont assisté à la rencontre de mardi. Ils sont tous en faveur du changement de statut.


Cet appui conjoint de la direction et des syndicats a convaincu le gouvernement Couillard de présenter sous peu un projet de loi.


« C'est un peu le 'check and balance', quand tu as le syndicat et le patron ensemble, a indiqué le leader parlementaire libéral, Jean-Marc Fournier. Je pense que ce 'check and balance' permet de conforter les interrogations éventuelles. Il ne faut quand même pas perdre de vue que ce n'est pas au parlement de venir s'immiscer dans un média ou dans sa structure. »


Le dépôt du projet de loi sera suivi d'une commission parlementaire. Le président et co-chef de la direction de Power Corporation, André Desmarais, sera entendu lors de cet exercice.


Au final, il faudra un vote unanime de l'Assemblée nationale pour qu'il soit adopté avant la fin de la session parlementaire, le 15 juin. Car son dépôt aura lieu après la date-butoir du 15 mai.


Le leader parlementaire de la Coalition avenir Québec, François Bonnardel, s'est montré d'accord avec le changement de statut du quotidien.


« On n'a pas, comme parlementaires, à s'ingérer dans la nouvelle structure que La Presse va prendre », a-t-il expliqué.


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