Robert Dutrisac , Antoine Robitaille - Le gouvernement Charest fera finalement le pari de la loi spéciale dans le conflit lié à l’augmentation des droits de scolarité, affirmant que les représentants d’associations étudiantes se refusaient à tout compromis. « Malgré les blessés, malgré la violence, malgré la démission de la ministre Line Beauchamp, a insisté le premier ministre, les associations étudiantes ne sont pas prêtes à de réelles ouvertures. »
Ainsi, le gouvernement déposera le plus vite possible - fort probablement aujourd’hui - un projet de loi qui proposerait, d’abord, de suspendre les sessions en cours dans les établissements touchés par des « boycotts » ou des grèves. Le calendrier scolaire serait réaménagé.
Ensuite, le projet de loi contiendra une dimension d’application plus délicate, soit l’affirmation explicite du « droit d’avoir accès à l’éducation ». « Rien ni personne ne devrait entraver ce droit », stipulera en substance la loi. Selon M.Charest, tout cela relève du « principe sacré de la liberté de chaque citoyen » de circuler et de mener ses études « dans un environnement sécuritaire et paisible ». Il a maintes fois souligné qu’à ses yeux, il y a un paradoxe dans le fait que ceux qui plaident pour l’accès à l’éducation sont ceux qui bloquent les portes des cégeps et des universités. « Ce n’est pas acceptable », a-t-il martelé.
Grâce à cette loi, croit-il, la « pression » baisserait « autour des établissements en boycott ». Pour éviter l’outrage au Parlement, le premier ministre n’a pas présenté le libellé exact du projet de loi, mais les grandes lignes. Il n’a cependant pas caché que la loi comporterait des pénalités sévères pour ceux qui enfreindraient ces services.
Appel à la non-violence
Conscient du caractère explosif de la mesure qu’il propose dans la situation actuelle, M.Charest a enjoint aux « leaders étudiants », aux « leaders politiques » et aux « leaders syndicaux » de lancer un « appel clair à la non-violence, au refus de l’intimidation, à la paix sociale que tous les Québécois veulent ».
Le premier ministre s’est présenté dans le hall de l’édifice Honoré-Mercier à 20 h 34 en compagnie de la ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, ainsi que de Jean Beauchesne, le président de la Fédération des cégeps, et de Luce Samoisette, la présidente de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ), aussi rectrice de l’Université de Sherbrooke.
Le premier ministre a lourdement insisté sur les annonces que son gouvernement a faites depuis le début de la grève afin de répondre aux préoccupations à l’égard de l’accessibilité aux études. Il a souligné que le gouvernement mettrait en vigueur les mesures d’étalement de la hausse, de bonification de l’aide financière et de remboursement proportionnel au revenu annoncées les 5 avril et 27 avril. À ses dires, avec ces modifications au régime de prêts et bourses, les étudiants les moins favorisés seront mieux aidés, même après la hausse des droits, que maintenant.
Comme il l’a dit depuis le début de la semaine, 70 % des étudiants ont continué de suivre leurs cours. Et dans les 30 % qui en sont exclus en raison des « boycotts » (selon le terme du premier ministre, qui évite le mot « grève »), il s’en trouve plusieurs qui auraient préféré rentrer en classe.
La présentation d’une telle loi fait partie d’une offensive du gouvernement afin de consolider l’appui que sa position recueille dans l’opinion publique.
Dès aujourd’hui, le gouvernement a acheté des espaces publicitaires importants dans les journaux, dont Le Devoir. Elle ne fait pas mention d’une loi spéciale, mais reprend l’argumentation déployée par le premier ministre et la nouvelle ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, depuis que cette dernière a remplacé Line Beauchamp, laquelle a démissionné lundi.
Calendrier
« Les sessions ne sont pas annulées, elles sont suspendues », a insisté Michelle Courchesne. Ainsi, dans les établissements touchés par le boycottage, les cours de la session d’hiver reprendront à la fin août pour se terminer tard en septembre. On évitera de cette manière le chevauchement des cohortes. Le début de la session d’automne serait repoussé au début octobre et se terminerait à la mi-janvier.
Lorsqu’un reporter lui a demandé si les suspensions de sessions n’auraient pour effet que de remettre à plus tard les affrontements, Jean Charest a soutenu qu’il n’y ait « aucune raison que ça n’ait pas pour effet de baisser la pression » et que « tout le monde retrouve son calme ».
La loi sera présentée aujourd’hui en Chambre et sera soumise à une procédure d’exception qui nécessite une douzaine d’heures de débat et l’invocation de « l’urgence de la situation ».
Réaction des partis politiques
Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, croit que l’annonce d’hier est un « constat d’échec ». Les deux vieux partis ne font pas preuve de leadership, estime-t-il. « Tout ce qu’on a fait, c’est de pelleter notre problème au mois d’août », a-t-il déploré.
« On n’est pas capable de vendre nos idées », a dit François Legault, qui a réclamé des élections dans les plus brefs délais.
Pour Amir Khadir, de Québec solidaire, ainsi que pour les députés indépendants Lisette Lapointe et Pierre Curzi, Jean Charest ne règle pas « la question essentielle » alors qu’un moratoire sur la hausse des droits aurait rallié tant les carrés rouges que les carrés verts et les carrés blancs. « La directrice du cégep Lionel-Groulx a dit : “ le gouvernement nous a largués. ” C’est ce que le gouvernement fait en leur disant : “ arrangez-vous ” », a fait valoir Lisette Lapointe, qui a accusé Michelle Courchesne de « mauvaise foi ».
« Québec va accompagner les étudiants pour que cette loi spéciale ne soit pas une loi matraque faite de mesures répressives », a affirmé Amir Khadir, qui ne croit pas que le projet de loi va « affaiblir la détermination des étudiants ».
Charest parie sur la loi spéciale
Québec suspend la session des étudiants en grève et le premier ministre lance un appel à la non-violence
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