Chronique: Main basse sur Montréal (1)

Un modèle de corruption archi-connu et très bien décrit par Francesco Rosi

Vous vous souvenez du film Main basse sur la ville, tourné en 1963 par le cinéaste italien Francesco Rossi? Sur la bande annonce, on peut voir et entendre un homme lire un article publié dans un journal: «À Naples, conseillers municipaux et gros entrepreneurs, adjoints et spéculateurs immobiliers sont souvent les mêmes personnes. Tous connaissent désormais ces noms. En tête parmi eux, celui d'Eduardo Nottola. [...] Selon des calculs approchés, depuis la guerre, la plus-value des aires constructibles a été d'environ 120 milliards de lires. Ce n'est qu'un des aspects du scandale immobilier qui touche notre ville. Ces milliards sont en partie dans la poche d'Eduardo Nottola. Pour illustrer le personnage, rappelons que les derniers plus gros scandales immobiliers lui sont attribuables. Revenons au désastre de Vico S. Andrea [un vieil immeuble s'est effondré à la suite des travaux entrepris par une firme en construction et deux personnes sont mortes]. Les faits et l'expertise du tribunal mettent en cause les travaux menés par la société Bellavista. Pourtant, le maire n'a pas ordonné la suspension. Pourquoi? C'est sur tout cela que la commission aurait dû enquêter, mais comme prévu, le maire, après s'être approprié une initiative de l'opposition, a fixé des minutes qui rendent l'enquête quasiment inutile.» Ça ne vous rappelle pas quelque chose?

C'est à ce film magnifique que je pensais cette semaine au moment où la commission Charbonneau terminait une partie de ses travaux et alors que se réunissaient 1500 personnes autour du thème «Je vois MTL», réunion convoquée par des hommes d'affaires, dont le groupe financier BMO et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Y assistait également le premier ministre Couillard, chef d'un parti, le PLQ, qui a été pointé du doigt à la même commission Charbonneau comme étant celui qui a été le plus touché par la corruption et «le meilleur véhicule pour les gens d'affaires mal avisés». Couillard était accompagné de son ministre de la Métropole, l'ineffable Robert «bon matin» Poëti, ex-policier de la Sûreté du Québec, qui a affirmé sans sourciller: «On est en train de redonner des pouvoirs à Montréal, la capacité de décider à Montréal, parce qu'ils [qui, ça, ils?] sont capables de le faire, parce qu'ils doivent le faire. Mais une fois qu'ils vont l'avoir, ils sont mieux de décider les bonnes affaires!» Ouf! C'est le maire Coderre qui devait être content d'apprendre la bonne nouvelle de la bouche du ministre de la Métropole qui, promis, va l'avoir à l'œil! Et Coderre, comme si de rien n'était, y allait de quelques mots toujours judicieux: «Ceux qui doivent être ici sont ici.» Genre: les absents ont toujours tort.

Mais la cerise sur le sundae, c'est le rigolo Gilbert Rozon, ci-devant commissaire du 375e anniversaire de Montréal, qui l'a mise. Il était tout fier le Monsieur parce que les Bronfman et les Desmarais ont daigné participer à cette humble rencontre de travail. Diantre, il doit y avoir une piastre à faire là-dedans! Rozon en a profité pour lancer des fleurs au bon gouvernement libéral à Québec qui a promis de donner un statut particulier à Montréal. Monsieur Rire en est très content. «Montréal est une ville où deux grandes cultures, anglaise et française, cohabitent, avait-il précédemment affirmé, sans rire cette fois. Il faut le voir comme une fusion, un hybride. Je n'aime pas les milieux homogènes. J'aime quand c'est hétérogène, bâtard même.» Bâtard: Né hors du mariage, selon Larousse. Ça craint, comme on dit, pour l'avenir de Montréal. Il voulait sans doute donner la réplique à son premier ministre qui avait révélé tout récemment que «nous sommes tous des immigrants». Genre Adam et Ève?

Vous verrez, bientôt, si ce n'est déjà fait, ça sera «in» de se dire Montréalais dans les deux langues, et «ringard» de se dire Québécois. Mais tout va bien pour l'instant. Radio-Canada et QS sont occupés à chercher des poux à PKP plutôt que de relever la grossièreté de tels propos. (À suivre)


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé