COMMISSION CHARBONNEAU

De «petits contacts» nommés Rizzuto

Tony Accurso admet des liens avec deux gros noms de la mafia montréalaise

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«Petits contacts» dites-vous?

De « petits contacts » au sommet du clan des Rizzuto. L’un des plus gros entrepreneurs en construction du Québec, Tony Accurso, entretenait des relations avec deux des plus grands acteurs de la mafia, Vito Rizzuto et son fils Nicolo Rizzuto Jr, tous deux décédés.

Le carnet d’adresses de Tony Accurso est beaucoup plus garni qu’il ne l’a admis à ce jour. M. Accurso a toujours nié tout contact avec la mafia. Il a même poursuivi Radio-Canada pour l’avoir laissé entendre dans ses reportages, avant de se désister après trois ans de procédures judiciaires stériles.

Interrogé mercredi par la procureure en chef de la commission Charbonneau, Sonia LeBel, M. Accurso a qualifié de « petits contacts » les Rizzuto père et fils. L’aveu n’est pas banal. Le clan Rizzuto a été mis en cause à la commission Charbonneau et lors de l’opération antimafia Colisée pour avoir orchestré le partage des contrats de construction dans la grande région de Montréal, en échange du paiement d’un pizzo.

Or, Tony Accurso était l’un des principaux bénéficiaires des contrats publics à Montréal et à Laval. Il était également l’un des rares entrepreneurs qui disposaient de la latitude nécessaire pour récolter des contrats publics dans plus d’un marché, alors que ses concurrents étaient souvent confinés à un territoire donné.

Vito Rizzuto est décédé d’un cancer, en 2013, alors qu’il avait réussi l’exploit de reprendre le contrôle de la mafia, en dépit de son séjour prolongé de six ans dans un pénitencier du Colorado. Durant son incarcération, son père Nicolo Sr et son fils ont été abattus.

Peu d’intérêt pour la mafia

Fait étonnant, la commission Charbonneau ne s’est guère intéressée aux relations de Tony Accurso avec le clan Rizzuto mercredi. Pour l’essentiel, Me LeBel s’est rabattue sur des conversations d’écoute électronique déjà utilisées dans le cadre du volet syndical des travaux, à une exception près.

Me LeBel a longuement insisté sur les liens de l’entrepreneur avec l’ex-président de la FTQ-Construction et fondateur de la FIPOE (syndicat des électriciens), Jean Lavallée.

L’alliance entre MM. Lavallée et Accurso a produit des résultats complètement inattendus. Transcendant les lignes de démarcation entre patrons et syndicats, la FIPOE a fait un prêt de 5 millions de dollars à Simard-Beaudry, en 2010. À l’époque, l’entrepreneur était mis en cause dans les médias pour son rôle dans la collusion et la corruption. Le Fonds de solidarité avait même retiré tous ses placements dans ses entreprises en raison des risques pour sa réputation. Ces risques n’ont pas empêché la FIPOE de lui venir en aide, avec ce prêt au taux d’intérêt de 10 %.

Jean Lavallée et Tony Accurso sont des amis et partenaires de longue date. Jocelyn Dupuis, ancien directeur général de la FTQ-Construction (FTQ-C), affirmait même dans une confidence à Richard Goyette, en avril 2009, que Tony Accurso contrôlait la FTQ. « C’est lui qui dicte la ligne de conduite à Lavallée », dit-il sur écoute électronique. « C’est lui qui annonçait […] qui devrait remplacer Michel Arsenault pis qui devrait remplacer tout le monde », ajoute-t-il.

M. Accurso a minimisé son influence au sein de la centrale. « Je ne dirigeais pas la FTQ, je ne dirigeais pas Jean Lavallée », a-t-il dit. Du même souffle, il affirme s’être tenu loin des élections syndicales de 2008 à la FTQ-C, même si les protagonistes de ce scrutin truqué lui prêtent une influence indue dans les conversations d’écoute électronique. Le tandem soutenu par Lavallée et Accurso a été défait par celui de Jocelyn Dupuis et de l’entrepreneur Giuseppe Borsellino. « Tu te tiens loin d’une chicane comme celle-là. Je n’étais pas impliqué d’aucune façon. C’est leur poutine interne », a dit M. Accurso. Il n’a pas pu expliquer pourquoi il avait invité Bernard Girard, pressenti à la direction générale de la FTQ-C, sur le Touch à quelques mois du scrutin.

Dans le même esprit, le fameux yacht d’une valeur de 5 millions n’était pas un outil de développement des affaires. Et la SOLIM (le bras immobilier du Fonds) n’a jamais accordé un traitement préférentiel à Tony Accurso grâce aux interventions du président du conseil, nul autre que Jean Lavallée.

Petit à petit, Tony Accurso dévoile son jeu. Il joue la carte de l’homme d’affaires intègre et rusé, qui a été coulé par un tissu d’allégations et d’enquêtes journalistiques. Les enquêtes ont mis à mal l’empire de Tony Accurso. Vers 2010, son chiffre d’affaires est passé de 1 milliard par année à 200 ou 300 millions, selon ses estimations, avant qu’il ne soit forcé de vendre ses actifs au groupe Hexagone, en avril 2013, dans une transaction évaluée à 150 millions de dollars.

L’interrogatoire de Tony Accurso, d’un rythme plutôt lent, se poursuit jeudi. La juge France Charbonneau a d’ores et déjà indiqué qu’elle était prête à le ramener à la barre la semaine prochaine si Me LeBel devait manquer de temps pour conclure d’ici vendredi.


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