Le terminal maritime de carburant d’avion qui sera construit dans l’est de Montréal servira principalement à répondre aux besoins de l’aéroport Pearson de Toronto. Près de 11 000 wagons-citernes chargés de kérosène partiront ainsi chaque année de ce terminal, traversant l’île de Montréal d’est en ouest, en direction de l’Ontario. Un transport qui longera des secteurs habités et qui soulève des inquiétudes, même si les autorités affirment que tout est prévu pour assurer la sécurité des citoyens.
Le gouvernement du Québec a officiellement approuvé au début du mois la construction de ce nouveau terminal de réception et de stockage de carburant d’avion, qui sera installé par la Corporation internationale d’avitaillement de Montréal (CIAM) sur le bord du fleuve Saint-Laurent, dans l’est de la ville.
La semaine dernière, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a aussi mis en ligne différents « avis » concernant ce projet, dont un produit par la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSP).
Celui-ci stipule que le projet modifiera la chaîne d’approvisionnement en carburant, notamment en augmentant le transport ferroviaire et par camions-citernes sur le territoire montréalais. « Ces modifications substantielles dans la chaîne d’approvisionnement accroissent le potentiel d’incidents avec des conséquences pour l’environnement et la santé des Montréalais plus élevées », ajoute la DRSP.
Selon les données de la CIAM, entre 830 millions et 1,1 milliard de litres de kérosène déchargés au futur terminal seront destinés chaque année à l’aéroport Pearson de Toronto, soit deux fois et demie la quantité destinée à l’aéroport de Montréal. Tout ce carburant sera transporté dans des wagons-citernes de 110 000 litres chacun, à raison de « 20 à 30 wagons » par jour.
Sur une base annuelle, le promoteur précise qu’un total de 10 950 wagons pourraient être nécessaires. En supposant un convoi d’une taille moyenne de 72 wagons, soit la taille du convoi de Lac-Mégantic en 2013, c’est l’équivalent de 152 convois qui quitteront chaque année les installations de la CIAM. Ces wagons chargés de kérosène traverseront l’île de Montréal d’est en ouest, en longeant plusieurs secteurs habités, notamment à Saint-Léonard, Ahuntsic, Dorval et Beaconsfield.
Il faut ajouter à cela près de 3000 camions qui partiront chaque année de Montréal-Est et de l’aéroport de Dorval (où le kérosène sera acheminé par le pipeline Trans-Nord, qui a connu plusieurs « incidents » au cours des dernières années) pour aller livrer du carburant à l’aéroport d’Ottawa, soit environ 150 millions de litres par année.
Inquiétudes
Tout ce transport de kérosène sur l’île de Montréal inquiète Daniel Green, de la Société pour vaincre la pollution. Selon lui, ce transport par train et par camion représente un risque bien réel pour les citoyens, notamment ceux qui vivent le long du tracé du chemin de fer. « Le transport de substances explosives et toxiques devrait se faire afin d’éviter les zones habitées. »
Pour le président du Collectif en environnement de Mercier-Est, Raymond Moquin, il est aussi préoccupant de voir les convois ferroviaires de kérosène passer dans des secteurs habités. Il déplore que « Montréal, et notamment l’est de Montréal, devra assumer des risques bien réels pour approvisionner principalement l’aéroport de Toronto ». En tout, 77 % du carburant livré par bateau au nouveau terminal de la CIAM sera destiné à des aéroports situés en Ontario.
Le promoteur du projet souligne pour sa part que le carburant destiné à l’aéroport Pearson est actuellement transbordé à Québec, puis acheminé par wagons-citernes. Dans ce contexte, le terminal de Montréal doit permettre de raccourcir le trajet des convois ferroviaires. Mais même avec sa mise en service, environ 3000 wagons partiront toujours du port de Québec chaque année, précisent les documents officiels.
La CIAM précise qu’elle « exige » que les transporteurs par voie terrestre « répondent à toutes les normes et règles de sécurité, qu’ils aient un plan de mesures d’urgence en place et qu’ils détiennent des polices d’assurance selon les standards de l’industrie ».
Règles de sécurité
C’est Transports Canada qui s’assure de la conformité des transporteurs. Le service des communications du ministère explique d’ailleurs qu’il « prend la sûreté et la sécurité du réseau ferroviaire et du transport des marchandises dangereuses au sérieux ». On rappelle notamment que les entreprises du secteur ferroviaire « doivent se conformer à la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, à ses règlements et à ses normes ».
En plus de règles sur la manutention des « marchandises dangereuses », Transports Canada impose des limites de vitesse, notamment « dans les zones les plus densément peuplées et lorsque ces marchandises sont transportées dans de plus vieux wagons-citernes circulant dans des zones à risque plus élevé ». Dans le cas du carburant d’avion destiné à l’aéroport de Toronto, il devrait être transporté dans des wagons « DOT-111 renforcés », et ce, jusqu’en 2025.
Les transporteurs ferroviaires doivent par ailleurs fournir des informations sur les matières dangereuses aux services d’urgence des municipalités, « en vue d’améliorer l’évaluation du risque ». Est-ce que la Ville de Montréal a demandé et obtenu des précisions sur les mesures de sécurité ? Est-ce que la Ville croit que le transport par wagons-citernes du kérosène sera sécuritaire ? Le Devoir n’a pas pu obtenir de réponses de la part du cabinet de la mairesse de Montréal.
Au cabinet du ministre de l’Environnement, Benoit Charette, on souligne que le projet de la CIAM permettra de « rendre le transport de ce carburant plus sécuritaire », notamment en réduisant « de façon significative le transport par voie terrestre », puisque le point de réception maritime du kérosène sera situé plus près des aéroports.