Le chef de gouvernement « nationaliste » François Legault a embarrassé cette semaine le Conseil de la fédération où il a abordé sans détour les différends opposant le Québec et le Rest of Canada (ROC).
N’en déplaise à ses détracteurs, c’est « what you see is what you get » avec M. Legault, souligne un vieux routier de la politique canadienne l’ayant côtoyé quotidiennement en Saskatchewan. Un franc-parler renforcé par sa maîtrise imparfaite de l’anglais, souffle-t-il au Devoir.
« We agree to disagree », répétait en boucle le premier ministre québécois lorsque les journalistes de partout au Canada le questionnaient sur les sujets de discorde au sein de la fédération. Parmi eux, la loi québécoise sur la laïcité de l’État et les débouchés du pétrole albertain.
D’ailleurs, les premiers ministres albertain, Jason Kenney, et néo-brunswickois, Blaine Higgs, ont tour à tour tenté de le convaincre de faire preuve d’ouverture — aussi mince soit-elle — à l’égard d’un pipeline entre les Prairies et le Nouveau-Brunswick.
M. Legault a répété que le Québec n’approuve pas un tel projet en l’absence d’acceptabilité sociale, irritant ses deux confrères.
Le pipeline ouest-est demeurera un sujet de contentieux au cours des prochains mois, qui plus est, si les projets Trans Mountain et Keystone XL continuent de battre de l’aile, estime-t-on dans l’entourage de M. Legault.
D’ailleurs, l’Alberta s’apprêterait à créer un conseil de guerre (« war room ») afin de défendre le pétrole issu des sables bitumineux contre toute attaque, y compris de politiciens, notamment sur les réseaux sociaux.
Il ne faut pas évaluer la qualité de la relation entre des premiers ministres à partir de la « communication publique » faite par chacun d’eux — sur le pétrole par exemple, qui est destiné à la population de leur province et de leur électorat, avertit un conseiller de M. Legault.
Acteur actif de la fédération
Contrairement à sa prédécesseure péquiste, Pauline Marois, François Legault a adhéré au Conseil de la fédération avec enthousiasme.
En plus d’avoir décroché un consensus des provinces sur la nécessité d’accueillir une plus grande proportion d’immigrants dits économiques — 65 % contre 58 % au Québec et 55 % au Canada aujourd’hui — quitte à diminuer l’importance relative des réfugiés et des personnes inscrites au programme de réunification familiale, M. Legault a pu y tisser des liens personnels avec ses homologues.
Un instrument légué par Jean Charest qui revêt une utilité particulière pour M. Legault dans la mesure où, contrairement à M. Charest, il ne disposait pas d’un fort réseau politique à l’extérieur des frontières du Québec, précise-t-on dans son entourage.
L’ex-ministre péquiste a pu s’asseoir autour d’un feu de camp ou encore assister à un concert de la chanteuse country saskatchewanaise Jess Moskaluke avec certains d’entre eux.
Il a cassé la croûte à la ferme et distillerie Black Fox de Saskatoon mardi soir.
Il n’en fallait pas plus pour que Doug Ford dise le lendemain matin entretenir une relation « phénoménale » avec lui… sans toutefois lui promettre d’acheter le moindre kilowattheure d’Hydro-Québec.
Patience, martèle-t-on au cabinet du premier ministre.
L’affirmation du Québec, mouture caquiste
La ministre responsable des Relations canadiennes, Sonia LeBel, s’est mise à la tâche de renforcer la politique d’affirmation du Québec et de relations canadiennes héritée du gouvernement libéral. « On est en train de travailler à actualiser la politique d’affirmation du Québec pour y mettre les couleurs nationalistes de la Coalition avenir Québec », a indiqué son attachée de presse, Nicky Cayer, vendredi.
Dans les faits, le gouvernement caquiste gouverne en fonction de la politique nationaliste adoptée par les membres de la CAQ à l’automne 2016. Qu’est-il advenu de la pièce maîtresse de l’équipe de Philippe Couillard en matière d’affaires intergouvernementales canadiennes ? « Elle est encore sur le site Web du gouvernement », se plaît-on à dire avant d’ajouter : il s’agit d’un document truffé de lieux communs comme l’importance du dialogue au sein de la fédération. « On parle aux Canadiens. On fait cela tous les jours ! »