Politique culturelle fédérale

Des revues menacées

Nous plaidons pour le rétablissement de l'aide aux revues littéraires et artistiques à petit tirage.

Livres-revues-arts 2011


Louis Caron, Yvan Lamonde et Pierre Ouellet - Respectivement président et vice-président de l'Académie des lettres du Québec et directeur de la revue Les Écrits
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Monsieur le ministre du Patrimoine canadien James Moore,
Vous êtes au fait de la fin du programme d'aide aux revues littéraires et artistiques à tirage de moins de 5000 exemplaires par année quel que soit le nombre de numéros publiés.
Nous tenons à bien vous informer des effets dramatiques de cette politique sur les revues littéraires de langue française au Canada: 44 des revues regroupées dans la Société de développement des périodiques culturels québécois (SODEP), soit 75 % des membres, sont dorénavant exclues des programmes de Patrimoine canadien. TOUTES ces revues parmi les plus importantes au Canada de langue française — Liberté, Jeu, Spirale, par exemple — avaient droit à un total de 800 000 $ d'aide, soit un peu plus de la moitié du plafond de 1 500 000 $ alloué à une revue entrant dans les nouveaux critères d'attribution.
Inquiétude
La nouvelle politique d'aide à «l'industrie du magazine» s'ajoute à celle de la disparition de l'aide aux tournées à l'étranger et à celle du droit d'auteur et commence à esquisser l'axe d'une politique culturelle du gouvernement dont s'inquiètent depuis un moment les membres de l'Académie.
La politique néolibérale du gouvernement conservateur a sans doute comme principe directeur celui de l'affirmation et de la promotion de la propriété, qu'elle soit grande, moyenne et petite. Nous estimons que ce principe inclut la propriété intellectuelle dans ses expressions diverses et que celle-ci, d'ampleur variée, se construit de diverses façons.
Les périodiques, même petits, constituent aussi une véritable «industrie», qui fait vivre auteurs, réviseurs-correcteurs, traducteurs, secrétaires de rédaction, artistes-illustrateurs, graphistes, imprimeurs, distributeurs, libraires, maisons de la presse, sans compter tous les autres pigistes qui gravitent autour, du comptable à l'attaché de presse à qui on coupe ainsi d'importantes sources de revenus, que les gouvernements devront sans doute compenser, advenant le non-rétablissement de l'aide aux périodiques, par des prestations de chômage ou d'assistance sociale.
Recherche et développement
La politique économique de votre gouvernement a aussi comme pratique l'aide à la recherche et au développement (R-D) pour les entreprises.
Nous plaidons pour le rétablissement de l'aide aux revues littéraires et artistiques à petit tirage. D'abord parce que le ratio du tirage à la population francophone (5000/8 M d'habitants au Québec) permet de bien saisir que ce critère peut valoir pour le bassin de lecteurs au Canada (5000/34 M), mais qu'il présente un défi singulièrement différent pour les revues culturelles québécoises. Ensuite, parce qu'il faut bien saisir que la créativité et l'inventivité des revues littéraires et culturelles sont à la culture canadienne et québécoise ce que la recherche-développement est aux entreprises. En effet, c'est dans la revue de création et d'analyse que se façonnent la poésie, la prose et la pensée critique de demain au Canada et au Québec, c'est dans ces revues à petit tirage que se forge ce que sera demain l'inédit et l'original de la culture canadienne et québécoise. Les courants dominants ont un jour pris leur source dans des courants moins visibles.
Enfin, une démocratie, qui n'est pas la résultante de la survie du plus fort, mais qui donne sa chance à chacune et chacun, signifie que le patrimoine canadien soit le patrimoine de tous, que le patrimoine canadien de demain ne soit pas que la reproduction du même, mais celle d'une diversité de visions toujours profitable. C'est dans cet esprit que, comme contribuables et auteurs de textes, nous demandons le rétablissement de l'aide aux revues littéraires et culturelles.


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