OTTAWA | Les détenus québécois ont de plus en plus de facilité à obtenir une libération depuis cinq ans, et les commissaires fédéraux qui leur permettent de sortir sont de moins en moins expérimentés.
« C’est sûr que la situation en ce moment pose problème », analyse Me Jean-Claude Boyer, avocat et ancien commissaire à la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC).
L’avocat s’exprimait dans la foulée de la libération d’Eustachio Gallese, accusé d’avoir tué une travailleuse du sexe alors qu’il était en semi-liberté après avoir été incarcéré pour le meurtre de son ex.
Selon les données de cette agence, le nombre de détenus fédéraux au Québec qui ont obtenu une semi-liberté, par exemple aller en maison de transition après avoir purgé une partie de leur peine, a bondi de près de 10 % depuis cinq ans, passant de 69 % à 78 % (voir le tableau).
Le nombre de libérations conditionnelles totales acceptées, qui permettent au détenu de retourner dans la collectivité après avoir purgé le tiers de sa peine, a aussi augmenté de façon importante, passant de 26 % à 37 % durant la même période.
Ces hausses sont parmi les plus importantes au pays.
inquiétant
« La tendance serait bonne si on libérait les gens lorsque le risque est minime. Ce qui est inquiétant, c’est qu’il y a des libérations qui se font avec un risque dit “acceptable”. Lorsqu’on traite des dossiers de crimes contre la personne, je crois que l’évaluation du risque doit être beaucoup plus sévère », dit le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu, dont la fille a été assassinée par un criminel récidiviste.
Le problème n’est pas tant qu’on libère les détenus de plus en plus tôt, mais plutôt le fait que la CLCC et le Service correctionnel du Canada n’ont souvent pas l’expertise pour jauger adéquatement le risque de récidive, analysent d’une même voix Jean-Claude Boyer et la criminologue Maria Mourani.
Les deux commissaires qui ont autorisé la semi-liberté d’Eustachio Gallese étaient en poste depuis à peine un an.
Au Québec, 13 des 18 commissaires fédéraux ont moins de deux ans d’expérience.
« La philosophie derrière les libérations conditionnelles dans le but de réhabiliter est bonne. Là où le bât blesse, c’est que nous n’avons pas des experts à la CLCC », analyse Mme Mourani.
« Il y a beaucoup d’aberrations dans le système en ce moment, ajoute-t-elle. Des gars en dedans savent très bien naviguer dans le système, comme des proxénètes ou des prédateurs sexuels qui ont accès à l’internet en prison. Comment on accepte ça ? La vision est bonne, mais le système doit être amélioré. »
Pour sa part, le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, a défendu le travail « remarquable » et le « dévouement » des commissaires de la CLCC mardi.
– Avec la collaboration d’Émilie Bergeron