Mais qu'est-ce qu'un monopsone?

Deux «joueurs» importants qu'on ignore

Le ministère des Transports et Hydro-Québec se sont donc employés, dans les années 1990, à «forcer» les fusions de firmes d'ingénierie.

Actualité québécoise - Rapport Duchesneau


Jean-Paul Gravel, économiste - Dans le débat actuel autour des problèmes de collusion et de corruption dans le domaine de la construction, aucun commentaire n'a encore été fait, à ma connaissance, sur le fait que le ministère des Transports et Hydro-Québec sont deux monopsones et que là, peut-être, se trouve une bonne part de l'explication des problèmes majeurs abondamment discutés. Si tel est le cas, la solution n'est pas policière. Ou, elle n'est sûrement pas que policière. Le mal est plus profond et nécessite, comme nous le montrera ci-après, une intervention politique et économique majeure.
Mais qu'est-ce qu'un monopsone? Voilà certainement une «bête» étrange et peu connue puisque personne n'en parle. Un monopsone est tout simplement le complément d'un monopole. Le monopole correspond à un seul vendeur dans le marché. Un monopsone, pour sa part, correspond à un seul acheteur dans le marché.
Les méfaits des monopoles sont connus et plusieurs moyens, dans les pays développés, visent à les corriger. Les méfaits des monopsones sont moins connus. Ils n'en sont pas moins graves économiquement et socialement.
Les producteurs, en l'occurrence les firmes d'ingénierie et de construction, confrontés à un acheteur unique (ou à seulement deux acheteurs), vont chercher à maximiser leurs profits en établissant des «liens de collusion» avec cet acheteur.
Oui, mais au Québec, n'y a-t-il pas de nombreuses firmes d'ingénierie et de construction? C'était le cas, jusqu'à la fin des années 1980. Vers cette date, l'Ordre des ingénieurs du Québec a réussi à convaincre le ministère des Transports et Hydro-Québec que tout irait bien mieux si ces deux organismes ne faisaient affaire qu'avec un nombre restreint de grandes firmes d'ingénierie.
Le ministère des Transports et Hydro-Québec se sont donc employés, dans les années 1990, à «forcer» les fusions de firmes d'ingénierie. Cette politique a été fructueuse. On a au Québec, depuis cette époque, environ six ou sept très grandes firmes là où il y en avait des dizaines.
Cette concentration des firmes d'ingénierie, certes due en partie à la mondialisation, a créé un marché de producteurs de services où il était beaucoup plus facile d'organiser des pratiques de collusion et de contrôle des prix ou des contrats. De même, il leur était beaucoup plus facile de mettre en place des «politiques» de liens privilégiés avec les deux monopsones publics que sont le ministère des Transports et Hydro-Québec.
Inutile d'ajouter que la mafia sicilienne, active au Québec, a vite saisi tous les avantages qu'il y avait à retirer d'une telle situation.
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Jean-Paul Gravel, économiste - Québec, le 26 septembre 2011


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