Éducation nationale : pourquoi la grève du 5 décembre sera massive

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Macron pourrait faire face à une mobilisation générale


À l’Éducation nationale, jeudi, et peut-être après, la grève sera massive. On le constate dans nos établissements, même les moins « mobilisés » d’ordinaire. Tous les syndicats appellent à la grève. Des heures syndicales se sont tenues : la simple diffusion des vidéos montrant Emmanuel Macron et M. Delevoye jonglant avec les chiffres des pensions de professeurs qu’ils ne maîtrisaient même pas ont fini de convaincre les plus mous.


Le point ne passe pas. Les fonctionnaires sont bien placés pour savoir ce qu’est un système par points puisque leur système de rémunération est basé sur… le point d’indice de la fonction publique. Gelé depuis une décennie à l’exception d’un +1,2 % en 2016… Et tous les graphiques montrant le rapport entre un traitement d’agrégé ou de certifié et le SMIC ont la même allure : une courbe plongeante depuis 25 ans. Les enseignants encore en activité ne souhaitent pas que cette forte baisse déjà engagée pour les retraités récents (avec, en plus, la désindexation et la CSG) s’accélère pour leurs retraites. Le point d’indice et le point de retraite, le double point, c’est désormais la double peine !


En disant cela, on voit à quel point les raisons de faire grève dépasseront de beaucoup cette seule affaire de retraites : le manque de reconnaissance, l’empilement des tâches administratives, les injonctions pédagogiques, l’autoritarisme de certains chefs, les réformes imposées auxquelles plus personne ne croit et qui ne font qu’ajouter de la confusion – hier au collège, aujourd’hui au lycée, auront aussi leur part dans la protestation.


Je n’ai jamais été un adepte de la grève systématique et j’ai trouvé légitime qu’un effort nous soit demandé, au nom de l’égalité public-privé, de la démographie, de l’équilibre des finances publiques. Sauf que cet effort, ce rognage incessant des droits des retraites des fonctionnaires, des enseignants et des parents de familles nombreuses, nous l’avons subi depuis 25 ans ! Avec l’allongement de la durée de cotisation, le recul de l’âge de départ, la décote, la fiscalisation des majorations pour enfants, la disparition des dispositifs de départs anticipés pour mères de trois enfants ou de fins de carrière (CPA, CFA).


Et voilà qu’au bout de toutes ces réformes, qui ont tout de même permis à l’État d’économiser des milliards d’euros, et dont tous les effets vont encore se faire sentir (positivement pour lui, négativement pour les nouveaux retraités), un banquier socialiste flanqué d’un vieux chiraquien veulent faire le grand soir du système !


La ficelle est vraiment trop grosse. Même pour ces enseignants qui ont avalé beaucoup de couleuvres, beaucoup de réformes – et qui ont majoritairement voté pour Emmanuel Macron…- l’heure est venue de dire stop.


Il fallait certainement réformer les régimes spéciaux, mais l’erreur magistrale du gouvernement est d’avoir voulu imposer une réforme générale, et de faire passer l’ensemble des fonctionnaires pour des privilégiés, ce qu’ils ne sont pas. Et certainement plus, pour ceux qui le croiraient encore. Il s’est dit qu’en incluant dans le pack cette réforme des régimes spéciaux, personne n’oserait s’y opposer. Il est en train d’obtenir le contraire : une très forte mobilisation. Il est curieux de constater que, vingt-cinq ans après 1995, où Alain Juppé avait commis la même erreur en incluant cette réforme des régimes spéciaux dans un ensemble beaucoup plus vaste de réformes (Sécurité sociale etc.), son poulain Edouard Philippe est retombé dans la même ornière.


Il est tout de même étonnant qu’Emmanuel Macron, qui, certes, était bien jeune en 1995, en 2003, mais qui a tout de même connu, depuis un an, l’historique révolte populaire des Gilets jaunes, mais aussi de multiples poussées de fièvre (stylos rouges, pas de vagues, grève du bac contre la réforme du lycée) fasse preuve d’autant d’inconscience, d’ignorance de cette histoire, et du malaise enseignant.


Notre président a encore beaucoup à apprendre : à partir de jeudi, des dizaines de milliers d’enseignants vont lui donner d’indispensables cours de rattrapage en économie, en histoire contemporaine et en éducation civique.