Montmarquette, Fortin et Godbout

Encore les consultants !

Il faudrait aussi évaluer la performance des professeurs d’université en double emploi

Chronique de Louis Lapointe

Décidément, les consultants* universitaires ont la couenne dure. Ils reviennent encore à la charge avec un autre rapport qui suggère qu’on soumette le secteur public à un examen systématique de ses performances, qu’on le mette en compétition avec le secteur privé, qu’on diminue les impôts des plus riches et augmente la tarification des services publics.
Qu’ont en commun Luc Godbout, Pierre Fortin et Claude Monmarquette, les rédacteurs de ce rapport, à part d’être tous attachés de près ou de loin au think tank néolibéral CIRANO créé par Robert Lacroix, l’ancien recteur de l’Université de Montréal? Ils sont tous professeurs d’université et favorisent la tarification des services publics et la mise en compétition des entreprises publiques avec un secteur privé fort. Leurs recommandations : moins d’impôt sur le revenu, plus de taxes et de tarifs.
Discours étonnant de la part de personnes rémunérées par l’état dans un milieu de travail - les universités - où on a créé de toutes pièces deux catégories d'enseignants: les professeurs et les chargés de cours. Alors que les premiers sont payés à salaire, les seconds sont rémunérés à l’acte, ils reçoivent environ 8,000$ par charge de cours. Pour cette raison, même lorsqu’un chargé de cours a plus de succès qu’un professeur auprès des étudiants, jamais il ne sera rémunéré plus qu’un professeur !
La charge d’enseignement** d’un professeur est normalement de 4 cours par année, mais à cause d’aménagements administratifs, elle est d’environ 2.5 cours par année. Le salaire moyen d’un professeur d'université est d'environ 100,000$, alors que celui du chargé de cours qui donnerait 2.5 charges de cours par année est de 20,000$. Le professeur d’université serait donc rémunéré, en moyenne, 80,000$ pour les trois autres volets de sa tâche : recherche, administration universitaire et service à la collectivité. Une extrapolation qui ne tient pas compte de la réalité, puisque la part d’enseignement des professeurs occupe généralement environ la moitié de leur emploi du temps, sauf dans le cas de ceux qui sont en double emploi et qui accomplissent des mandats externes rémunérés en sus de leur tâche normale, comme c’est le cas, ici, de messieurs Fortin, Montmarquette et Godbout.
Si on appliquait la même logique aux professeurs d’université, les tarifs étant à la rémunération à l'acte des chargés de cours ce qu’est l’impôt sur le revenu au salaire des professeurs, en adoptant une rémunération à l’acte pour les professeurs plutôt qu'un salaire et qu’on les mettait en compétition avec les chargés de cours, il est à parier que le faible niveau de productivité de certains professeurs en comparaison de celui de certains chargés de cours commanderait qu’ils reçoivent dorénavant un salaire moins élevé. Est-ce une raison pour rémunérer tous les professeurs à l'acte?
Une logique absurde lorsqu’on connaît les avantages du salaire par rapport à la rémunération à l’acte dans le cas d'un établissement de haut savoir qui veut fidéliser les meilleurs professeurs/chercheurs. Une logique qui pourrait toutefois avoir pour effet de diminuer la rémunération de professeurs comme messieurs Montmarquette, Fortin et Godbout qui acceptent plusieurs mandats externes pour lesquels ils sont rémunérés en sus de leur salaire versé par les universités. Pendant que ces professeurs sont payés pour se promener dans tous les forums économiques et nous abreuver de leur science, il y a un autre professeur, un chargé de cours ou un assistant de recherche qui se tape l’ouvrage, ou peut-être même un étudiant gradué qui le fait gratuitement dans le cadre de ses études doctorales !
Pourtant, c’est vers une logique aussi absurde que nous amènent ces professeurs d’université, même s’ils reconnaissent le caractère régressif des taxes et des tarifs, même s’ils savent que diminuer l’impôt favorise toujours les plus riches, malgré le fait que cela décourage la consommation de la classe moyenne et des plus pauvres et que cela n’a absolument aucune conséquence sur celle des plus riches qui le deviennent encore plus, payant moins d’impôt.
Mais voilà, ces consultants du comité consultatif du ministre des Finances ont été choisis pour dire ce que le gouvernement veut entendre, sinon ce dernier aurait engagé d’autres professeurs d’université pour dire exactement le contraire.
Nous savons que ces professeurs existent, mais comme leur discours n’est pas à la mode chez ceux qui sont prêts à payer pour se faire dire ce qu’ils veulent entendre, ils se consacrent totalement à leurs enseignements, à leurs étudiants et à leurs recherches, n’étant pas sollicités par les exigences d’un deuxième emploi mieux rémunéré ! Des professeurs qui gagneraient certainement beaucoup plus s’ils travaillaient dans le secteur privé, mais qui, en raison de leur professionnalisme et de leur intégrité de chercheurs, se consacrent entièrement à leurs tâches universitaires.
***
*Le forum des consultants
** Quelle crise des universités

Featured bccab87671e1000c697715fdbec8a3c0

Louis Lapointe534 articles

  • 881 324

L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    28 janvier 2010

    Les universités et leurs professeurs consultants que vous nommez pourraient aussi penser ou dire ces quelques mots :
    « Toute mon ambition est de rendre service aux gens de nom et de mérite »
    MOLIÈRE le Sicilien
    « Comme a dit la comtesse de Ségur (née Rostopchine), il y a 140 ans : « Après la pluie, le beau temps. » L’année 2008 a été pourrie, mais demain sera meilleur. »
    Pierre Fortin,
    L’actualité,
    lundi 6 avril 2009
    Nous attendons encore M. Fortin.