Quand j’ai accepté d’écrire une chronique dans le Journal de Montréal malgré un horaire déjà trop chargé, c’était pour faire valoir les idéaux qui sont au cœur de mon engagement citoyen. J’ai donc écrit pour ce journal à la fois populaire et sérieux, apprécié par un immense lectorat, des textes qui faisaient la promotion de l’indépendance du Québec autant que de la création et la juste répartition de sa richesse. Je me suis toujours efforcé de le faire dans le respect des idées des autres.
Puis survinrent, entre la direction et les syndicats, ces problèmes qui font hélas partie des pratiques d’une société libre. Nos lois du travail sont conçues pour permettre un bon rapport de force entre les patrons et les salariés. Aucun n’a jamais totalement tort ou raison :il faut négocier. Croyant pouvoir éviter, au moins au début, de prendre parti pour les uns ou les autres, j’ai annoncé que je continuerais à certaines conditions essentielles.
J’ai appris, une semaine après le début du lock-out, que le Journal ne respectait pas mes principes : il délocalisait des opérations hors du Québec. En temps de grève, cela nuit aux syndiqués et viole l’esprit de nos lois. J’ai donc arrêté immédiatement de publier.
Respectant mes motivations, Claude Charron m’a aussitôt proposé d’héberger ma chronique, dans « La Semaine », une publication que je connais et que j’admire. J’ai donc accepté, afin de continuer à promouvoir des idées qui m’apparaissent essentielles et que ne partagent pas, comme c’est leur droit, les éditorialistes de La Presse, en particulier. Je crois à la nécessité d’une information équilibrée. Je remercie « La Semaine » de me permettre d’y contribuer à ma manière, et je souhaite que rapidement, les équipes du Journal de Montréal puissent reprendre l’excellent travail qu’elles faisaient auparavant.
Euro-Québec
L’idée du libre-échange entre le Canada et l’Europe va tellement de soi qu’il est étonnant qu’elle ne soit pas encore réalisée. Jean Charest, s’en fait le protagoniste et je le soupçonne d’avoir pris cela dans mes vieux papiers!
Imaginez l’impact d’un accord avec 27 pays qui regroupent 500 millions de personnes. Même le Mexique a été plus vite que nous et il a signé un tel traité avec l’Europe il y a déjà huit ans. La lenteur du Canada n’est pas à son honneur.
La compétitivité moderne est basée en grande partie sur les économies d’échelle, c’est-à-dire la production d’un plus grand nombre d’unités pour baisser les coûts de chacune d’entre elles.
L’élargissement du marché est un gage supplémentaire de création de richesse et tout partage de celle-ci est virtuel si elle n’a pas d’abord été créée… C’est pourquoi, à gauche comme à droite, pour Lula comme pour Bush et Obama, le protectionnisme est à rejeter.
Les traités de fluidité se multiplient dans l’intérêt global des pays et de leurs consommateurs. Quand un produit est frappé d’un droit de douane, c’est le consommateur qui paye forcément. Un produit venant d’Europe sur nos marchés voit son prix augmenté du montant des tarifs. Il en va de même pour les Européens qui achètent nos produits.
Les industriels sont aussi pénalisés, car la protection artificielle les rend moins productifs. Un jour, malgré les barrières, leurs concurrents étrangers finissent par les battre. Ainsi, tout le monde a perdu.
Dans le cas du Québec, il y a une raison supplémentaire à diversifier nos ventes. Les Etats-Unis sont de loin notre principal marché. C’est un avantage d’avoir comme client la première puissance du monde, mais quand leur ciel s’assombrit, le nôtre fait de même. Normalement, comme il fait toujours beau quelque part -ou moins mauvais- il vaut mieux diversifier.
Déjà la montée de la Chine et de l’Inde nous aide et nous « découple » un peu de l’économie américaine.
La signature d’un traité de libre-échange entre notre ALENA (près d’un demi-milliard d’habitants) et l’Union Européenne (même population), nous donnerait un marché sans douanes, presque aussi peuplé que la Chine et beaucoup plus important qu’elle en pouvoir d’achat.
Il est bon de rappeler que c’est en raison du l’appui massif du Québec que fut signé le traité de libre-échange avec les Etats-Unis, et le Mexique ensuite. Il est clair que si le Québec était indépendant, nous aurions déjà le libre-échange avec l'Europe depuis des années. Que de formidables retombées perdues…
Les indépendances nationales ne sont pas basées principalement sur des valeurs matérielles mais sur la dignité, la sauvegarde des valeurs profondes et du mode de vie. Mais c’est aussi pour être plus prospères que les nations veulent être libres. Ne pas avoir été indépendants a entravé pendant plusieurs années la réalisation du projet que Jean Charest défend aujourd’hui. Et de bien d’autres…
L'opinion de Bernard Landry
Euro-Québec
Accord de libre-échange Canada - Union européenne
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
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