Une direction à la Caisse

L'affaire de la CDPQ — le scandale



Le Québec n'est pas encore souverain mais il possède déjà son «fonds souverain». Notre Caisse de dépôt et placement est l'un des plus grands fonds du monde appartenant à un État. Elle gère un actif net évalué à 155 milliards de dollars... pour l'instant.
Depuis sa fondation, la Caisse a globalement bien servi ses déposants et les intérêts économiques du Québec. Ses rendements se comparent avantageusement à ceux des institutions semblables. De très nombreuses entreprises d'ici ont prospéré grâce à elle, et d'autres ne seraient plus québécoises sans son intervention. C'est le cas de TVA qui serait contrôlée de Toronto comme Radio-Canada l'est à partir d'Ottawa.
Il n'est pas exact, comme cela a été colporté par Jean Charest, que les placements de la Caisse furent manipulés politiquement. Une des meilleures preuves, c'est qu'en dépit de l'opinion publiquement exprimée par Lucien Bouchard et son ministre des Finances, la Caisse a vendu Provigo à Loblaws. Ce n'est pas son meilleur coup, mais il témoigne de la liberté de ses gestionnaires.
Le même Jean Charest s'alarmait en 2003 et blâmait le gouvernement pour un léger recul boursier et une perte de quelques millions de dollars dans une PME québécoise. Notre premier ministre devrait-il se culpabiliser aujourd'hui devant des pertes qui sont des milliers de fois plus graves ? Si on le blâmait pour la gestion courante de la Caisse, on serait aussi injuste qu'il l'a été lui-même, sauf si l'obsession du rendement est en cause car c'est son gouvernement qui en a donné le signal lors des changements à sa loi.
Pour le reste, la Caisse, comme tant d'autres, affronte un ouragan. Ce qui rend absurde de la laisser six mois sans capitaine. Cela enverrait un très mauvais message. Il faut que quelqu'un assume sans délai cette grande responsabilité nationale pour établir d'abord un inventaire complet de la situation et proposer une vision d'avenir dans l'intérêt des déposants et de l'économie. De cette nomination urgente, le gouvernement est directement responsable.
LES PENSIONS
Rien, par ailleurs, ne justifie d'ameuter les retraités. Ce genre de démagogie a déjà été trop utilisé dans un autre grand débat national... Les pensions vont résister à la turbulence car la Caisse reste bien cotée, et l'État est derrière elle de toute façon.
Qu'y a-t-il surtout de préoccupant ? Nous ne connaîtrons qu'en février l'ampleur des pertes boursières. Tout en gardant en mémoire que la Bourse fluctue et que l'avenir dure longtemps, les chiffres ne seront certainement pas reluisants.
À cela s'ajoute la mésaventure du papier commercial adossé à des actifs, par lequel la Caisse a été intoxiquée comme bien d'autres mais à des niveaux étonnamment plus élevés. Pourquoi avoir acheté autant de ces produits désastreux? La Caisse a suscité une habile opération pour limiter les dégâts, qui resteront néanmoins considérables. La plus grande transparence est requise dans ce cas.
Le temps n'est donc pas à l'inertie. La France elle-même vient de créer un fonds souverain à but nettement interventionniste. Certes, la Caisse doit penser aux rendements, mais gare à une obsession qui semble nous avoir déjà coûté très cher : la stimulation de l'économie du Québec est aussi fondamentale.


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