Les Québécois ont grincé les dents en apprenant que la Bourse de Toronto mettait le grappin sur la Bourse de Montréal. C'était peut-être une fatalité que la seule Bourse québécoise soit acquise, mais c'est franchement plate.
La vente de la Bourse est-elle le clou dans le cercueil de Montréal comme place boursière?
Je l'ai longtemps pensé et souvent écrit. Or, le prospectus de la Bourse de Montréal et les précisions apportées mercredi par son président, Luc Bertrand, en rencontre éditoriale, confirment ce qui s'entrevoyait déjà à la mi-décembre.
C'est la meilleure transaction que la Bourse de Montréal pouvait conclure dans les circonstances. Mieux, c'est une transaction intéressante pour le Québec, même si certains, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec, ont exprimé des réserves.
Les critiques de cette transaction sont de trois ordres. De un, le Québec risque de perdre à terme toute l'expertise développée à Montréal dans les produits dérivés et la technologie de négociation.
De deux, la Bourse de Montréal aurait pu se vendre à meilleur prix. De trois, la Bourse a commis une erreur stratégique en se mariant à un parquet traditionnel plutôt qu'à une spécialiste des produits dérivés, des produits financiers sophistiqués dont les perspectives de croissance sont meilleures.
Examinons ces points un à un. Que perd le Québec au juste? La province ne contrôlera pas le conseil de la grande Bourse canadienne, soit. Toutefois, il aura toujours son mot à dire et même un veto sur une éventuelle vente du groupe.
En effet, aucune entreprise ne pourra acquérir plus de 10% du nouveau groupe TMX sans avoir l'autorisation de l'Autorité des marchés financiers du Québec (AMF).
Les Québécois occuperont aussi le quart des postes d'administrateur au conseil. (Ce conseil comptera 17 membres au départ avec la démission récente du président de la Bourse de Toronto, Richard Nesbitt, mais il réduira de taille, comme le veut la tendance en affaires.)
Et, contrairement à ce que certains ont laissé entendre, c'est une condition qui tiendra jusqu'à la fin des temps!
La Bourse de Montréal reste à peu près intacte dans le nouveau groupe. Même qu'elle gagne des responsabilités en plus de conserver à peu près intactes toutes celles qui étaient siennes.
Ainsi, la Bourse de Montréal garde son nom, et ce n'est pas qu'une façade comme à la Banque de Montréal. Son PDG, son siège social et son bureau de direction restent à Montréal.
Seule la Bourse de Montréal pourra négocier les produits dérivés. Cette exclusivité vaut aussi pour la future Bourse du carbone. Ici encore, Toronto ne pourra pas empiéter sur son champ de compétence sans avoir la permission de l'AMF!
La Bourse de Montréal n'aura donc plus à rivaliser avec la Bourse de Toronto à partir de 2009. Et comme l'avait révélé La Presse, elle récupérera la très convoitée Natural Gas Exchange, Bourse spécialisée dans les transactions énergétiques de Calgary.
Ce n'est pas le seul gain. L'actuel président de la Bourse de Montréal aura le fin mot, pour l'ensemble du groupe TMX, sur les technologies de l'information et les activités de compensation, soit l'appariement des ordres d'achat et de vente ainsi que le règlement des transactions.
Ce sera donc Luc Bertrand qui fera le choix crucial qui s'imposera entre la technologie de négociation toute neuve de Toronto et celle éprouvée de Montréal, réputée plus performante.
Dans l'entourage de la ministre québécoise des Finances, Monique Jérôme-Forget, on évoquait déjà à la mi-décembre le transfert d'emplois qualifiés à Montréal.
C'est d'ailleurs l'AMF qui sera seule habilitée à réglementer les produits dérivés, ce qui contrecarre les rêves d'une commission des valeurs mobilières nationales du ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty.
Ces engagements de la Bourse de Toronto, qui sont faits par écrit, sont tous rattachés à la reconnaissance de la transaction par l'AMF. En simple, c'est du béton.
«Il m'est apparu invraisemblable qu'on aurait obtenu les mêmes engagements de continuité si nous avions négocié avec un gros groupe américain ou européen», juge Luc Bertrand, qui a brièvement entretenu des pourparlers avec une autre entreprise (non identifiée) qui s'est désistée.
Considérons maintenant le montant de la transaction en comptant et en actions, de 1,3 milliard de dollars au moment de son annonce.
La Bourse de Montréal aurait-elle pu faire mieux? Difficile de le croire compte tenu du silence des acquéreurs potentiels depuis l'annonce faite il y a plus d'un mois.
En effet, l'indemnité de résiliation de l'offre d'achat n'est que de 45,7 millions de dollars. Ce sont des peanuts pour une transaction de cet ordre.
Bref, si une Bourse rivale voulait offrir plus, elle se manifesterait. Les actionnaires de la Bourse de Montréal attendent encore...
Regardons, enfin, le bien-fondé d'une fusion avec une Bourse traditionnelle. Il s'agit d'une réserve fort pertinente exprimée par le grand patron de la Caisse, Henri-Paul Rousseau.
Or, Luc Bertrand, qui pourrait bien succéder à Richard Nesbitt depuis le départ abrupt de ce dernier à la Banque CIBC, a mieux expliqué hier comment le nouveau groupe TMX résistera à la concurrence d'Instinet et d'Alpha, le nouveau système de négociation qui sera lancé par les grandes banques canadiennes.
Dans une industrie où l'exécution d'une transaction s'apparente de plus en plus à une matière première, avec les pressions que cela implique sur les prix, le Groupe TMX compte se démarquer en offrant à la même enseigne toute une gamme de services à valeur ajoutée.
C'est l'équivalent du «one stop shopping» du commerce de détail.
Ainsi, une personne pourrait acheter un titre et se prémunir simultanément d'une trop grande fluctuation de prix.
«Tous les produits seront mis sur une seule plate-forme. Toutes les transactions pourront s'apparier simultanément», dit Luc Bertrand, qui s'anime en entrevoyant tous les revenus supplémentaires et les économies d'échelle encore non identifiées - pour des raisons politiques à l'évidence - qu'offre un tel regroupement.
Le Groupe TMX fait face à une vive concurrence autant au Canada qu'aux États-Unis, où s'échangent de plus en plus de titres «intercotés».
Et il ne fait pas le poids face au Chicago Mercantile Exchange et au NYSE Euronext, entre autres géants boursiers.
Il n'empêche que pour une petite Bourse régionale, sa proposition est séduisante.
- source
Bourse de Montréal
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