Bourses de Toronto et Londres

Les effets possibles de la fusion

Bourse - Québec inc. vs Toronto inc.


Jean-Marie Gagnon et Nabil Khoury - Le projet de fusion entre les groupes TMX et LSE devrait augmenter l’interinscription des titres et le volume de transactions dans cette nouvelle union de places boursières, offrant ainsi aux investisseurs un marché plus large, plus profond et plus résilient qu’auparavant.
Le 9 février 2011, le TMX Group inc. (TMX) annonçait un projet de fusion avec le London Stock Exchange Group PLC (LSE). Il y a lieu de se demander à quel titre cette transaction peut affecter les intérêts du Canada et du Québec. En premier lieu, quels pourraient être les effets sur le marché des capitaux et le financement des entreprises au Canada? Et puis quels seraient-ils sur la Bourse de Montréal?
Il est généralement admis que les marchés boursiers remplissent deux fonctions primordiales auprès des investisseurs: ils pourvoient à la liquidité des titres et ils favorisent la découverte de la valeur intrinsèque des titres négociés. Ils s'acquittent d'autant mieux de ces deux tâches que le flux des transactions est plus élevé et continu: les cours refléteront alors rapidement l'effet des nouvelles informations. Le financement d'une entreprise est d'autant plus facilité qu'une place boursière rassemble le plus grand nombre possible d'investisseurs et d'analystes qui s'intéressent à ses titres. Cette problématique ne cesse de prendre de l'importance sous l'impulsion de l'évolution des technologies du traitement des données et des communications qui a modifié sensiblement la structure des coûts dans le domaine du commerce des valeurs mobilières et favorisé l'abolition des barrières géographiques.
S'il se réalise, le projet de fusion entre les groupes TMX et LSE devrait normalement augmenter l'interinscription des titres et le volume de transactions dans cette nouvelle union de places boursières, offrant ainsi aux investisseurs un marché plus large, plus profond et plus résilient qu'auparavant. La volatilité de la différence entre les prix affichés et la valeur intrinsèque des titres devrait diminuer, puisqu'il serait plus facile de jumeler acheteurs et vendeurs.
Le coût de transaction, représenté par l'impact d'une transaction sur les cours et les écarts entre les prix d'achat et de vente, devrait s'amoindrir, à l'avantage de l'investisseur. Enfin, nous ne croyons pas que les investisseurs étrangers vont s'intéresser soudainement aux PME canadiennes. Mais, comme dans un marché concurrentiel l'équilibre s'établit à la marge, celles-ci profiteront indirectement de son élargissement et de son approfondissement.
Aujourd'hui, le secteur boursier accuse une forte dépendance à la technologie qui exerce une influence directe sur les deux fonctions précitées. Ainsi, toutes les transactions du TMX sont actuellement effectuées exclusivement par l'intermédiaire de systèmes électroniques. Les études montrent aussi que pour certains mainteneurs de marché, le taux de rotation quotidien des titres en portefeuille peut atteindre 500 %. La vitesse d'exécution et la mise à jour des équipements sont donc capitales, et les économies d'échelle importantes. Ces facteurs expliquent la tendance à la concentration des marchés boursiers que l'on observe depuis plusieurs années à travers le monde et, par ricochet, la transaction proposée par LSE.
Les Bourses
Cette entreprise, comme toutes les autres Bourses d'actions, est vulnérable. Notons d'abord la concentration de la clientèle. En 2010, les dix principaux clients du TSX Croissance ont conclu 62 % de ses transactions. Certaines institutions de grande taille ont créé une nouvelle Bourse, de telle sorte que la part du marché du TSX est passée de 86 % en 2009 à 73 % en 2010. À long terme, l'effet est d'autant plus important que la plupart des coûts de la Bourse sont fixes. En conséquence, les variations du volume de transactions sont amplifiées au niveau du revenu net.
La stratégie adoptée par la Bourse de Montréal en 1999 de se spécialiser dans le segment le plus rentable du marché boursier et d'y développer une microstructure et une technologie avant-gardiste a été des plus judicieuses. À titre d'exemple, sa contribution aux produits de TSX est passée de 9 % en 2009 à 14 % en 2010. De plus, le pourcentage des transactions exécutées pour le compte des institutions est passé de 14 % en 2007 à 37 % en 2010 grâce à l'introduction d'une innovation de microstructure: le système du «second zero cross» en 2008.
Il s'agit maintenant de consolider et d'accroître le statut de la Bourse de Montréal au rythme du développement de ce nouveau marché. Bien qu'elle soit elle-même assujettie à une vive concurrence, son avenir est prometteur. Mais il repose sur sa capacité de maintenir une certaine avance dans le développement technologique et de microstructure.
Les effets de la fusion seront favorables au Canada dans la mesure où elle permettra d'accroître la liquidité de ses titres et facilitera l'accès des investisseurs institutionnels et privés à un plus grand éventail d'actions et d'obligations. Le coût de la diversification et des appels publics à l'épargne en sera réduit. Ces effets positifs entraînent à leur tour une amélioration de la configuration risque/rendement des titres, ce qui favorise la croissance économique, comme le démontre le nombre croissant de recherches sur le sujet.
Le positionnement concurrentiel de la Bourse de Montréal en particulier, et du marché financier québécois en général, sur l'échiquier de ce nouveau marché unifié est tributaire de l'amélioration continue de sa microstructure et de son efficacité informationnelle. L'intérêt du Québec réside donc principalement dans le budget de recherche et développement que l'entité fusionnée consacrera à la Bourse de Montréal. Pour l'exercice 2010, TSX a capitalisé environ 10 millions de dollars en frais de cette nature.
La défense des intérêts du Québec consiste à conserver à Montréal la plus grande partie possible de ces investissements. Ce sont ceux qui sont porteurs d'avenir et peuvent «fertiliser» le territoire. Ils enrichissent et rentabilisent notre capital humain. Et c'est là-dessus que devra s'exercer la vigilance de l'Autorité des marchés financiers. On devrait alors garantir à la Bourse de Montréal, au minimum, un budget compatible avec ses projets actuels et qui augmenterait au même rythme que l'accroissement de son volume de transactions. Mais si on voulait lui assurer de conserver son rôle avant-gardiste, il faudrait que ce budget croisse plus rapidement en fonction des besoins de développement de la Bourse.
Par ailleurs, l'union proposée regroupera des secteurs industriels concentrés dans diverses régions géographiques, tels le secteur minier et le secteur pétrolier. Dans ce contexte, il serait approprié que la réglementation s'aligne sur cette concentration et que le système de passeport, qui existe déjà en Europe, soit maintenu.
À cet égard, nous ne sommes pas d'avis que la réglementation canadienne et québécoise constitue un obstacle. La Bourse de Montréal est déjà assujettie à celle des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni, ce qui accroît ses coûts, mais ne semble pas entraver son fonctionnement.
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Jean-Marie Gagnon, professeur émérite à l'Université Laval, et Nabil Khoury, titulaire de la Chaire Desjardins de gestion des produits dérivés de l'UQAM


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