TMX et LSE - Les enjeux d'une fusion pour la Bourse de Montréal

Bourse - Québec inc. vs Toronto inc.


L'annonce de la fusion du Groupe TMX (TMX) avec le London Stock Exchange (LSE) a amorcé un nouveau débat sur l'avenir de la Bourse de Montréal, une composante structurelle pour notre secteur financier. Même s'il n'est pas acquis que la fusion se réalisera, il est souhaitable que la réflexion publique quant aux conditions de succès de la Bourse de Montréal se poursuive.
Déjà en 2006, 75 % des Bourses membres de la Fédération internationale des Bourses étaient converties en sociétés ouvertes. Les autorités réglementaires ayant consenti explicitement à cette mutation, elles seraient malvenues de feindre l'étonnement au sujet du comportement corporatif de ces sociétés, où les objectifs de croissance et de profitabilité pèsent lourd dans les décisions.
Deux voies d'expansion
La croissance des activités de marché d'une compagnie de Bourses passe par deux chemins obligés. Le premier vise à établir son hégémonie dans ses segments de marché. La consolidation des Bourses dans un même marché géographique dans le but de concentrer le flux d'ordres et les transactions a constitué la première réponse structurelle de l'industrie. Par exemple, aux États-Unis, les neuf Bourses régionales sont maintenant toutes intégrées au sein du NYSE ou de NASDAQ. Dans le secteur des Bourses de marchandises et d'instruments dérivés, on note, entre autres, la fusion du Chicago Mercantile Exchange (CME) avec le Chicago Board of Trade (CBT), en 2007, suivie par l'acquisition du New York Mercantile Exchange (NYMEX et COMEX), en 2008.
La seconde voie d'expansion consiste à acquérir des Bourses étrangères, qui sont généralement des monopoles locaux. En Europe, la fusion des Bourses d'Amsterdam, de Bruxelles et de Paris, en mars 2000, pour former Euronext, a jeté les bases de ce qui est aujourd'hui la principale Bourse d'actions européennes, selon la capitalisation des sociétés inscrites. À partir de 2003, on a assisté à la consolidation des Bourses d'actions des pays scandinaves et baltiques au sein du groupe OMX. Le LSE a acquis la Borsa Italiana en 2007.
Cette consolidation européenne a été suivie par une consolidation transatlantique. Le coup d'envoi a été effectué en avril 2007 par le NYSE et la Deutsche Börse, le premier en acquérant Euronex et le second, en direction inverse, l'International Securities Exchange (ISE). Ces acquisitions ont été suivies par l'acquisition d'OMX par NASDAQ, en février 2008.
Distinction à faire
La tendance observée n'est pas à la globalisation des marchés financiers caractérisée par une intégration intercontinentale des marchés boursiers, mais concerne simplement l'évolution des principales compagnies de Bourses en sociétés multinationales.
Cette distinction est fondamentale, car si la démarche est avantageuse pour les actionnaires de ces corporations, il ne s'ensuit pas que l'accès au capital et la diversification des pools d'investisseurs pour les titres cotés sont améliorés.
Par exemple, l'acquisition par la Bourse de Montréal d'une participation majoritaire dans le capital du Boston Options Exchange (BOX) fut sans contredit avantageuse pour la compagnie «Bourse de Montréal» et ses actionnaires. Mais cela ne change pas le fait que cette acquisition n'a pas augmenté le volume de transactions sur le parquet montréalais. En 2010, le nombre de contrats d'options liés aux actions transigées à Montréal fut de 19,7 millions, en comparaison de 91,8 millions sur le BOX.
Un positionnement de marché précaire
La Bourse de Montréal est une infrastructure de marché d'instruments dérivés. Par conséquent, l'analyse des conséquences probables pour le parquet local d'une fusion du Groupe TMX avec le LSE doit se concentrer sur ce secteur de l'industrie des Bourses. Trois observations principales s'en dégagent.
Les marchés de produits dérivés en Europe sont dominés par NYSE LIFFE et EUREX (Deutsche Börse). EDX London, la filiale de négociation d'instruments dérivés et de produits connexes du LSE, est un regroupement de Bourses scandinaves et le principal marché européen pour les instruments dérivés de titres russes. Cette Bourse ne représente qu'environ 4 % du marché européen et occupe des créneaux qui ont peu de potentiel d'expansion et d'intérêt pour le marché canadien.
TMX détient déjà une participation de 19,9 % dans le capital d'EDX London, qui a adopté la plate-forme de négociation SOLA développée par la Bourse de Montréal. C'est également le cas pour la Bourse de Milan, la filiale italienne du LSE, dont le marché des produits dérivés est limité aux valeurs italiennes. Les principaux bénéfices de synergie sont donc déjà engrangés. Par contre, l'acquisition du LSE par NASDAQ-OMX aurait sans aucun doute pour effet d'éliminer l'utilisation de SOLA à plus ou moins court terme et ainsi de compromettre l'expansion européenne de la plate-forme de négociation de la Bourse de Montréal.
Les marchés de la Bourse de Montréal sont tributaires du volume d'actions et d'obligations canadiennes transigé en dollars canadiens. Il s'agit d'un avantage certain, car le volume de transactions sur les titres sous-jacents étant effectué en majorité au Canada ou avec une contrepartie canadienne, les marchés correspondants de la Bourse de Montréal sont moins vulnérables à la concurrence de Bourses étrangères. La contrepartie est que la faible taille relative des marchés d'obligations et d'actions canadiennes cantonne la Bourse de Montréal à un rôle régional.
Le LSE ne possède pas de Bourse de produits dérivés en Amérique du Nord. Vu de Montréal, il s'agit en fait du principal mérite d'une fusion avec les LSE, car cela permettrait de confirmer l'engagement pris par le TMX en avril 2008 de «faire en sorte que les activités existantes liées à la négociation d'instruments dérivés et aux produits connexes de la Bourse continueront à être exercées à Montréal».
Obtenir des effets structurants
Lors de l'examen des implications de la fusion, il faudrait privilégier des objectifs à moyen terme qui auront des effets structurants pour l'évolution du secteur financier au Québec et qui favoriseront sa compétitivité. Une démarche proactive centrée sur deux volets principaux offrirait les meilleures chances d'atteindre ces objectifs.
La décision No 2008-PDG-0102 de l'AMF exigeait du Groupe TMX qu'il soumette annuellement son plan stratégique relatif aux instruments dérivés approuvé par son conseil d'administration. Tout en étant conscient des impératifs de la concurrence, il ne serait pas incongru de faire en sorte que les principaux éléments du plan stratégique 2011-2013 soient rendus public et de les comparer aux éléments prévus au plan d'après-fusion. Un plan stratégique bien fait comprend une analyse rigoureuse de ses concurrents, des contraintes et des avenues de développement ainsi que des ressources requises pour le réaliser. Ce faisant, les choix véritables concernant l'avenir de la Bourse de Montréal seraient mieux cernés et les exigences qui pourraient être imposées seraient mieux ciblées.
En parallèle, des discussions devraient avoir lieu entre les organismes de réglementation des valeurs mobilières canadiens directement concernés par la transaction et ceux du Royaume-Uni et de l'Italie, avec l'objectif de constituer un «collège des régulateurs du Groupe
LSE-TMX». Les Européens sont déjà familiers avec un tel mécanisme de coordination des régulateurs, car il est utilisé, entre autres, pour Euronex.
Il faut se rendre à l'évidence: la consolidation de l'industrie des Bourses américaines et européennes est inéluctable et elle est déjà fort avancée. Dans les circonstances, un regroupement TMX-LSE semble comporter plus d'avantages que d'inconvénients, pour peu que les options de développement de la Bourse de Montréal ne soient pas édentées et qu'un mécanisme de coordination des régulateurs concernés soit institué.
***
Pierre Lortie - Conseiller principal au cabinet d'avocats Fraser Milner Casgrain S.E.N.C.R.L., l'auteur a été président de la Bourse de Montréal de 1981 à 1985

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