Fusion Bourse de Londres - TMX

La Bourse de Montréal n'est pas menacée

Bourse - Québec inc. vs Toronto inc.


François Desjardins - Potentielle patate chaude tant à Québec qu'à Toronto et à Ottawa, la proposition londonienne d'avaler les Bourses canadiennes a été dévoilée hier avec toutes les assurances du monde que la Bourse de Londres, prête à débourser 3,2 milliards, laissera tout en place.
Victime d'une érosion spectaculaire de ses parts de marché en Grande-Bretagne depuis l'émergence de nouveaux concurrents en 2008, la Bourse de Londres a tout mis en oeuvre pour convaincre les classes financière et politique que le mariage proposé est à l'avantage de tous.
Présenté à la presse financière et aux investisseurs comme une «fusion entre égaux», le document de présentation brosse toutefois un portrait différent: la Bourse de Londres pourra nommer 8 des 15 membres du conseil d'administration, et ses actionnaires posséderont 55 % de la nouvelle société, contre 45 % pour ceux du TMX. De plus, le montant versé coulera de Londres en direction de Toronto. Pour chacune de leurs actions, les actionnaires du Groupe TMX recevront 2,9963 actions de la Bourse de Londres.
Dans une entrevue au Devoir, le président de la Bourse de Londres, Xavier Rolet, a toutefois insisté sur le fait que cinq des onze fonctions de management sont sous responsabilité canadienne, autant en Europe et une au Sri Lanka. Des hautes fonctions, trois sur quatre seront basées au Canada. «C'est un management équilibré, 50-50», a-t-il insisté.
Lors d'une conférence de presse hier matin, les patrons des places boursières concernées ont répété à plusieurs reprises que la Bourse de Montréal, acquise par la Bourse de Toronto au prix de 1,3 milliard il y a trois ans pour donner naissance au Groupe TMX, conservera sa spécialisation dans les produits dérivés, c'est à dire les options et les contrats à terme.
«Montréal sera le point focal de nos activités de produits dérivés», a affirmé l'actuel patron du Groupe TMX, Thomas Kloet. Au sein du nouveau groupe fusionné, il serait le président. Le patron de la Bourse de Londres, Xavier Rolet, occupera le haut de l'échelon en tant que chef de la direction. «Le Québec va assurer la direction globale dans le groupe de toutes nos activités dérivées», a martelé Xavier Rolet. Le président a rappelé que la Bourse de Londres est déjà cliente de la Bourse de Montréal depuis deux ans, lui ayant acheté ses plateformes électroniques. «Nous travaillons déjà ensemble. Nous nous connaissons.» Il a également réitéré l'engagement de placer la future Bourse climatique sous la direction montréalaise. «C'est un projet qui nous tient à coeur. Nous voulons le développer en commun. Et nous reconnaissons l'expertise de Montréal.»
Politique
La réaction politique n'a pas tardé. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a demandé à l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui détient un droit de veto, de mener des consultations. À Toronto, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario possède le même pouvoir. À Ottawa, le ministre de l'Industrie devra aussi étudier l'entente afin d'en mesurer l'avantage net pour le Canada.
«Le rôle de Montréal va être garanti, c'est un aspect critique», a dit Louis Gagnon, professeur associé à l'Université Queen's, de Kingston. Toronto et Londres pourront mettre de l'eau dans leur vin au besoin, selon lui, mais en gros, «s'ils sont intelligents et bons vendeurs, ils devraient être capables de convaincre» les autorités.
«Nous avons une liste d'engagements, affirme Xavier Rolet. Tout cela est prêt. Les propositions seront soumises à la négociation. Nous en sommes à la phase initiale. Tout sera communiqué une fois complété.» Le patron de la Bourse londonienne a précisé que tout cela s'inscrit dans un contexte de négociation de libre-échange entre le Canada et l'Europe. «C'est un bon projet pour le Québec. Et c'est une fusion logique.»
La nouvelle entité, qui n'a pas encore de nom, aura un chiffre d'affaires combiné de 1,6 milliard. Les documents d'information suggéraient hier qu'elle compterait 6700 sociétés inscrites, ce qui la placera au premier rang mondial de l'inscription boursière. Ces sociétés auront une valeur boursière de 5800 milliards.
Aussi, elle sera au premier rang mondial dans les secteurs des ressources naturelles, des mines et de l'énergie, un créneau dans lequel les valeurs ont augmenté de façon spectaculaire au fil des dernières années. Ce positionnement comme principal carrefour mondial pour les sociétés du secteur souhaitant s'inscrire en Bourse est d'ailleurs un des principaux arguments mis de l'avant.
Mutation du monde boursier
Londres, une Bourse qui a vu le jour en 1801, a eu la vie difficile au cours des dix dernières années. La direction a passé l'essentiel de son temps à se défendre contre des offres d'achat dont elle ne voulait pas et à poursuivre les acquisitions, dont celle de la Bourse de Milan en 2007.
Car l'univers des Bourses est en pleine mutation, les grands joueurs multipliant les achats pour combattre les petits. En 2008, plus de 95 % des actions en Grande-Bretagne étaient négociées à Londres. Hier, ce chiffre était de 55 %. La plateforme alternative Chi-X, née en 2007, a déjà arraché 27 % du marché.
La Bourse de Toronto fait face, elle aussi, à la concurrence féroce de petits joueurs qui exigent des tarifs peu élevés aux sociétés qui souhaitent s'inscrire en Bourse. Au Canada, 64 % des actions sont négociées à la Bourse de Toronto, alors qu'Alpha Trading, démarré par des banques il y a quelques années à peine, occupe 14 %. Chi-X se situe à 9,4 %.
Promis au poste de grand patron de la future entité, M. Rolet, un ancien de Goldman Sachs et Lehman Brothers, a été nommé chef de la direction en février 2009. Amateur de rallyes automobiles, sa nomination avait été bien perçue. Il remplaçait ainsi Clara Furse, d'origine canadienne.
Si tout se déroule sans anicroche, le mariage sera consommé en deuxième moitié de 2011, croient Londres et Toronto.
La Bourse de Montréal compte environ 220 employés, soit plus ou moins le même effectif que lors de l'acquisition par Toronto. Selon son chef de la direction, Alain Miquelon, l'effectif a d'abord diminué en raison de la crise financière, mais est présentement à la hausse.
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Avec la collaboration de Gérard Bérubé


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