Harel expulse Labonté

La chef de Vision Montréal sur la sellette à cause de son ex-bras droit

Montréal - élection 2009

Marco Bélair-Cirino - Faisant face à un feu roulant de questions de plus en plus insistantes sur son intégrité, l'ancien chef de l'opposition de la Ville de Montréal, Benoit Labonté, tire sur une croix sur la présidence du comité exécutif de la Ville de Montréal.
La chef de Vision Montréal, Louise Harel, l'a contraint de démissionner hier avant-midi. Une décision qui a fait unanimité au sein de ses troupes, a-t-elle spécifié.

«Benoit Labonté n'a pas été à la hauteur de ce que je pensais», a-t-elle déclaré à la presse, alors que son ancien bras droit rassemblait ses effets personnels à l'intérieur du bureau du chef de l'opposition officielle de l'Hôtel de Ville.
La chef de Vision Montréal Louise Harel a sommé hier avant-midi Benoit Labonté de s'expliquer ou de s'avouer vaincu. «Je lui ai dit: "Benoit, il faut que tu te rendes dans les studios de TVA pour dissiper le doute sur ces allégations"», a expliqué la candidate à la mairie. «Il m'a dit: "Est-ce que tu demandes ma démission?" Je lui ai dit: "À défaut d'avoir la certitude que tu te rendras à TVA pour dissiper le doute, oui Benoit, je la demande".»
Benoit Labonté a opposé un mutisme aux différentes demandes d'entrevue qui lui ont été faites. «Les insinuations de malversations, qui ont été avancées et qui portent atteinte à ma réputation, entachent le processus démocratique que nous traversons et m'empêchent de remplir adéquatement mes fonctions de candidat», a-t-il écrit dans une lettre envoyée au président d'élection, Yves Saindon, dont les médias ont obtenu copie.
Éjecté de Vision Montréal, M. Labonté a aussi renoncé à briguer le poste de conseiller municipal du district de Sainte-Marie dans l'arrondissement Ville-Marie, et ce, comme candidat indépendant.
Louise Harel s'est targuée d'avoir agi promptement. «Cela m'aura suffi de 48 heures. [...] Je dis qu'on peut être trompé un court laps de temps, mais on ne peut pas être trompé longtemps, à moins de fermer les yeux, comme l'a fait Gérald Tremblay pendant des années», a-t-elle martelé.
Le chef d'Union Montréal, Gérald Tremblay, et le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, estiment tous deux que les Montréalais ont encaissé un dur coup ce week-end. «Je ne vois pas ce qui est réjouissant dans le malheur des autres, d'autant plus que ça contribue à augmenter le niveau de cynisme de la population, ce qui est néfaste pour tous les élus municipaux», a affirmé le maire de Montréal, Gérald Tremblay, hier avant-midi. «Je pense que Vision Montréal a un problème», a-t-il ajouté.
Richard Bergeron avait «mis en garde» Louise Harel de s'associer avec Benoit Labonté le 30 avril dernier. «Cela ressemble étrangement à la relation entre Monsieur Zampino et M. Tremblay, a-t-il affirmé au Devoir. Quelle inconscience de sa part de s'être associée à ce personnage! Moi, mon idée sur Benoit Labonté, elle est faite depuis le 8 octobre 2008.»
Le parti de Richard Bergeron, Projet Montréal, se présente comme la solution de rechange aux «deux vieux partis». «Projet Montréal, par ses règles de financement cautionnées par John Gomery, offre une garantie absolue. [...] Aujourd'hui, je suis la seule personne parmi les candidats à la mairie de Montréal à pouvoir regarder les électeurs dans les yeux et leur dire: "Faites-moi confiance et je vais ramener l'intégrité à la Ville de Montréal".»
Craignant pour la sécurité de ses proches, Richard Bergeron a requis du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) une surveillance accrue de sa résidence d'ici à l'élection. Le SPVM a acquiescé à sa requête hier après-midi.
Benoit Labonté a nié avec vigueur samedi les allégations selon lesquelles il aurait rencontré l'entrepreneur associé au scandale des compteurs d'eau, Tony Accurso, en mars 2008, et aurait bénéficié de son aide financière dans le cadre de sa course à la direction de Vision Montréal. M. Labonté avait néanmoins renoncé à ses responsabilités de chef de l'opposition officielle de la Ville de Montréal et à celles de lieutenant politique de Louise Harel.
TVA a fait savoir samedi soir que Benoit Labonté s'était entretenu au téléphone à au moins six reprises téléphoniques avec Tony Accurso au début de l'année. Benoît Labonté aurait aussi rencontré Tony Accurso en personne deux fois ou plus.
Benoît Labonté aurait aussi touché plus de 210 000 dollars auprès de 12 dirigeants d'entreprise, dont neuf du secteur de la construction, en plus d'obtenir 25 000 $ en argent comptant de la part de l'une des trois compagnies impliquées directement dans le scandale des compteurs d'eau, mais pas celle de Tony Accurso, selon TVA.
«Ni moi, ni M. Lampron, ni 90 % de toute l'équipe [actuelle] de Vision Montréal n'étaient là en 2008», a-t-elle pris soin de mentionner. Louise Harel a rappelé que Vision Montréal refuse -- depuis qu'elle a pris la tête du parti -- les dons anonymes et fait connaître l'identité des donateurs à sa caisse électorale.
Arguant que Benoit Labonté est le «bouc émissaire d'un système de financement qui a très certainement aussi infiltré le parti au pouvoir du maire Tremblay», Louise Harel demande au Directeur général des élections du Québec (DGEQ) de se pencher sur les règles qui régissent la démocratie municipale, et tout particulièrement celles qui encadrent les campagnes à la direction des partis politiques. Les candidats aux élections du 1er novembre doivent être «irréprochables», a indiqué Louise Harel hier. «Nous devons vivre et accepter de vivre dans une maison de verre.»
Le ton monte entre Louise Harel et la presse
Louise Harel, qui samedi vouait aux gémonies les reporters citant des sources anonymes, a fait l'éloge hier du journalisme d'enquête tel qu'il se pratique au Québec. Une remarque qui a fait sursauter quelques reporters. «Vous dites que vous défendez le journalisme d'enquête, mais je trouve que votre tactique de défense est assez sommaire», a rétorqué le reporter Fabrice de Pierrebourg, de ruefrontenac.com. «Tirer sur le messager, c'est une tactique classique du contrôle de dommages. Je ne travaille pas pour Union Montréal», a-t-il ajouté.
Louise Harel prie les sources anonymes à l'origine des reportages de Radio-Canada, ruefrontenac.com et de TVA, de transmettre au DGE toutes les informations qu'ils jugeront pertinentes et de dorénavant s'exprimer à visage découvert. «Cette supposée crainte de représailles n'est pas justifiée dans la société dans laquelle nous vivons. [...] S'ils sont sincères, ils vont aller au DGE, à défaut de quoi ça sent la machination politique», a-t-elle répété samedi et hier, allant jusqu'à accuser Union Montréal, le parti du maire, de tentative «d'assassinat politique».
Le maire a fermement réfuté qu'Union Montréal soit de connivence avec des journalistes afin de diffuser des informations dommageables pour Benoit Labonté à deux semaines du jour du scrutin. «C'est totalement ridicule», a-t-il lancé.
Le candidat au poste de conseiller municipal dans le district du Vieux-Rosemont de l'arrondissement Rosemont-La-Petite-Patrie Pierre Lampron remplace à pied levé Benoit Labonté comme numéro deux du parti, a annoncé hier Louise Harel. Si elle est élue mairesse, l'ancien vice-président aux relations institutionnelles de Quebecor Media sera le président du comité exécutif de la Ville de Montréal.
Les trois principaux candidats à la mairie participeront au débat des chefs du Téléjournal Montréal ce soir, à la télévision de Radio-Canada.


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