Après Québec, c'était au tour du premier ministre Stephen Harper et de la Chambre des communes en entier de dénoncer, mercredi, les conclusions d'un article du quotidien Globe and Mail sur la fusillade du collège Dawson.
«Torchon», «absurde», «stupide», «sans fondement», «inacceptable»; les députés de tous les partis ne souffraient visiblement pas d'un manque d'inspiration pour qualifier et décrire l'article en question, publié samedi dernier mais qui continue à faire des vagues.
Dans un geste plutôt rare, les Communes ont d'ailleurs unanimement adopté une motion exigeant que le journal, l'un des plus importants du Canada anglais, présente des excuses aux Québécois.
Le premier ministre Harper n'est pas allé jusqu'à demander des excuses, mais la lettre qu'il a fait parvenir mercredi au quotidien n'est pas tendre pour autant.
«Si l'auteure a droit à son opinion, l'argumentation avancée est carrément absurde et sans fondement», écrit M. Harper, dans une lettre au ton cinglant.
«Sa démarche est non seulement gravement irresponsable, mais cela est faire preuve d'un préjugé inacceptable que d'attribuer la faute de ce drame à la société québécoise», poursuit le premier ministre.
Mardi, le premier ministre du Québec, Jean Charest, a lui aussi fait parvenir une lettre au Globe and Mail qui l'a reproduite dans la chronique du courrier des lecteurs dans son édition de mercredi. M. Charest, qualifiant le texte de «disgrâce», demandait au quotidien torontois de présenter des excuses aux Québécois.
L'éditeur du quotidien, Edward Greenspon, n'était pas disponible pour commenter, mais un adjoint a indiqué qu'il y aurait un éditorial sur la question dans l'édition de jeudi du journal.
Dans l'édition de samedi dernier du quotidien anglophone, la journaliste Jan Wong y va d'une théorie sociale et affirme dans un long texte que la tragédie du collège Dawson trouve son origine dans le manque d'ouverture de la société québécoise envers les immigrants.
Elle y soutient que ce genre de tueries ne survient qu'au Québec et elle associe le geste du tireur de Dawson, Kimveer Gill, à celui de l'auteur de la tuerie de Polytechnique, Marc Lépine, en partie d'origine algérienne, de même qu'au tireur de l'université Concordia, Valery Fabrikant.
Selon Mme Wong, les trois tireurs ont en commun une origine étrangère et vivaient à Montréal, une ville où les immigrants sont marginalisés notamment à cause de lois linguistiques favorables au français. «Ils ont tous les trois été écartés d'une société qui valorise le «pure laine», conclut la journaliste.
Sa théorie n'a visiblement pas trouvé beaucoup d'appuis à Ottawa.
«Il devrait aller de soi que les actes d'un individu isolé ne témoignent pas de l'état d'esprit de sa collectivité ou d'une catégorie de gens», a fait valoir M. Harper, dans sa missive.
L'affaire s'est retrouvée aux Communes, où les partis étaient pour une rare fois unanimes.
«Le Globe and Mail devrait avoir honte de publier de tels torchons. J'exige que la direction du journal présente des excuses publiques à tous les Québécois», a déclaré aux Communes la libérale Raymonde Folco, déclenchant du coup une salve d'applaudissements de tous ses collègues députés.
«Ce n'est pas vrai, comme Canadien-français, comme Québécois, qu'on va accepter qu'on dise qu'il y a des tueries à cause d'un contexte «pure laine qui ostracise la population immigrante du Québec. Le Québec est un modèle d'intégration», a lâché l'ancien ministre libéral de l'Immigration, Denis Coderre, à l'origine de la motion adoptée mercredi.
Le Bloc québécois avait commenté l'affaire, mardi. Mercredi, le chef Gilles Duceppe a réitéré son indignation, ne pouvant s'empêcher de s'interroger sur ce qu'aurait été l'outrage au Canada anglais devant l'inverse, c'est-à-dire si une analyse similaire avait été appliquée par un quotidien du Québec.
«Ce que je ne peux comprendre, c'est que l'éditeur en chef du Globe and Mail ne présente pas d'excuses. C'est inconcevable», a martelé M. Duceppe.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jack Layton, a quant à lui dit que les commentaires de la journaliste sont «inacceptables» et que son analyse démontre qu'elle «ne comprend pas la situation de cette violence comme il faut».
À Québec
À Québec, le chef de l'opposition officielle, André Boisclair, a dit mercredi que l'analyse faite par Mme Wong est «le reflet d'une dérive intellectuelle de plus en plus présente au Canada anglais».
«Ce genre de déclaration est symptomatique d'un plus grand malaise. C'est un épiphénomène symptomatique d'une tendance chez les intellectuels canadien-anglais.
«Ils (les intellos canadiens) s'imaginent pratiquer un nationalisme plus généreux, plus éthique que le nôtre. Je suggère aux gens de continuer à cultiver nos différences, à investir dans notre dignité, c'est le meilleur antidote.»
La libérale Line Beauchamp, ministre de la Culture et responsable de la Charte de la langue française, a pour sa part affirmé que l'article publié par le Globe and Mail «est un raisonnement absurde, une analyse qui ne tient pas la route».
«Je ne nie pas qu'il puisse exister un mal de vivre dans nos sociétés, mais faire le lien avec les lois linguistiques relève de l'absurde», a dit Mme Beauchamp.
À Montréal, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, a pour sa part qualifié d'odieuses et d'inacceptables les affirmations de Mme Wong.
«C'est complètement déconnecté par rapport aux faits. On sent qu'elle règle là des comptes (...) Il y a quelque chose de malsain à exploiter des événements qui touchent autant la population pour tenter d'accoler ça à des conclusions politiques qui n'ont rien à voir avec la réalité», a commenté la dirigeante syndicale.
Mme Carbonneau a dénoncé «cette manie qu'on a de vouloir nous décrire comme une société fermée, comme une société quasi raciste», un discours qu'elle qualifie de «parfaitement inadmissible».
TEXTE CONTROVERSÉ
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé