Harper, un an plus tard

Harper - obsession et raideur


Vers la fin du court règne chaotique de Paul Martin, des ministres de son propre cabinet en étaient arrivés à la conclusion suivante pour expliquer son fiasco : l'ancien ministre des Finances et ses conseillers avaient consacré tellement de temps et d'énergie à déloger Jean Chrétien qu'ils avaient oublié de préparer un plan pour gouverner le jour où ils arriveraient enfin au pouvoir.
On pourrait adresser un reproche semblable à Stephen Harper, qui fêtera demain son premier anniversaire au pouvoir : le chef conservateur a élaboré une campagne minutieuse et une offensive patiente pour chasser les libéraux du pouvoir, mais il n'avait pas de plan pour gouverner au lendemain de sa victoire.
Il faut dire, à la décharge de M. Harper, que le métier de premier ministre est difficile. Ça ne s'apprend pas à l'école et le fait de diriger un gouvernement minoritaire complique singulièrement les choses en plus de restreindre la marge de manoeuvre.
" Je dois avouer que depuis un an, ça va pas mal vite ", reconnaissait avec humilité un proche collaborateur de Stephen Harper la semaine dernière. La transition n'est jamais facile pour un nouveau premier ministre, surtout après 13 ans dans l'opposition, mais ça l'est encore davantage quand on doit constamment se préoccuper de sa survie.
Résultat : ce gouvernement a semblé complètement dépassé par les événements à maintes reprises, en particulier l'été dernier lors de la crise au Liban, un épisode dont il ne s'est pas encore remis vraiment.
Il y a eu aussi cette querelle puérile avec les médias de la colline parlementaire, querelle apparemment sans grande importance pour le commun des mortels, mais qui en dit long sur le caractère têtu du premier ministre. Sans oublier la décision d'interdire la couverture médiatique lors du rapatriement des soldats canadiens morts en Afghanistan (décision renversée quelques semaines plus tard).
Absence de plan, manque d'expérience, erreurs stratégiques ou même entêtement dogmatique, le gouvernement Harper a souvent nagé en pleine improvisation. C'est devenu particulièrement frappant au cours des dernières semaines dans le domaine de l'environnement.
Après avoir promis pendant des mois une solution " made in Canada " pour remplacer Kyoto, sans faire quoi que ce soit, le gouvernement Harper a soudainement senti l'urgence d'agir après l'élection de Stéphane Dion à la tête du Parti libéral. Du coup, exit Rona Ambrose, John Baird débarque et les annonces se multiplient.
À défaut d'être vert par conviction, les conservateurs sont devenus verts de peur en voyant les sondages, qui placent maintenant l'environnement en tête des priorités des Canadiens.
Voilà qui est cocasse, tout de même, quand on pense que l'une des principales qualités de Stephen Harper l'an dernier était, justement, de se fier à ses instincts plutôt qu'aux sondages.
Mais la pente de l'opinion publique sera rude à remonter pour les conservateurs. D'abord, on attend encore un vrai plan vert et malgré une flopée d'annonces ces derniers jours, Stephen Harper traîne l'image d'un premier ministre qui a renié la signature du Canada au bas du protocole de Kyoto.
Au moment où un nouveau test de survie approche pour le gouvernement Harper, avec le dépôt ce printemps de son deuxième budget, quel est le bilan des conservateurs, si ceux-ci devaient affronter l'électorat? Plutôt positif, en fait, malgré quelques ratés et la récupération purement électoraliste du dossier environnemental.
Stephen Harper a été élu sur ses cinq priorités : une aide financière aux familles, la baisse de 1 %, de la TPS, l'assainissement des moeurs politiques, la lutte contre la criminalité et le règlement du déséquilibre fiscal.
Un an plus tard, où en sommes-nous? Depuis l'été dernier, les parents reçoivent en effet 100 $ par mois, par enfant et les consommateurs payent 6 % de TPS. On pourrait débattre longtemps des dividendes politiques de ces mesures pour le gouvernement Harper, mais chose certaine, elles ont été mises en vigueur.
Idem pour la loi sur la responsabilité, quoique le gouvernement Harper n'a pas osé aller aussi loin que le suggérait le juge Gomery. Il faut toutefois reconnaître que les conservateurs ont donné un sérieux coup de barre dans le financement des partis politiques.
La loi et l'ordre aura fait couler beaucoup d'encre (et aura fait couler le trop bavard ministre Vic Toews), mais bien peu, en réalité, n'a été fait au cours de la dernière année. Une bonne partie des députés de ce gouvernement demeurent obsédés par la loi et l'ordre, mais ils réalisent qu'il est plus facile de promettre la ligne dure en campagne électorale que l'appliquer une fois au pouvoir.
Reste le déséquilibre fiscal, un dossier plus complexe que ne l'avaient d'abord imaginé les conservateurs. L'exercice est difficile parce que peu importe les montants en jeu, ce ne sera jamais assez pour Québec, mais déjà trop pour les autres provinces. Suite du feuilleton au budget.
Résultat, donc : 3,5 sur 5 priorités après un an, ce qui n'est pas mal du tout.
Le gouvernement Harper a eu aussi quelques bons coups : la reconnaissance surprise de la nation québécoise, la place du Québec à l'UNESCO, la fin du débat sur le mariage gai, le vote des Communes sur le prolongement de la mission canadienne en Afghanistan et, même si bien des investisseurs ne seront pas d'accord, la fin du bar ouvert des fiducies de revenu.
Quelques points faibles, aussi : la politique étrangère improvisée (en particulier au Moyen-Orient), la faiblesse du caucus du Québec et de ses ministres, le refus de verser à Québec les 328 millions pour son plan vert, la fin abrupte, sans pleine compensation au Québec, du programme de garderies.
Sans oublier cette décision absurde de couper les fonds à des organismes d'aide aux femmes et aux minorités pour faire quelques économies de bouts de chandelle. Le prix politique de ces mesures dépasse, et de loin, les maigres économies réalisées.
Elles symbolisent aussi ce qui reste à ce jour le plus grand obstacle de ce gouvernement sur le chemin de la majorité aux Communes : l'image d'un parti dogmatique encore trop à droite pour rallier un électorat massé au centre.


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