Histoires de filles

L'affaire Bernier n'a rien à voir avec le sexe, et peu à voir avec la vie privée d'un élu. Elle a toutefois beaucoup à voir avec le jugement et le sens des responsabilités d'un ministre qui gère un des portefeuilles les plus en vue au pays.

"L'affaire Maxime Bernier"



En fréquentant une femme qui a déjà été la conjointe de deux motards criminels, le ministre des Affaires extérieures, Maxime Bernier, s'est placé dans une situation délicate. Aujourd'hui, il réclame son droit à la vie privée. À tort.

Contrairement à ce qu'a déclaré le ministre des Transports, Lawrence Cannon, cette semaine, les ministres ne sont pas comme des dentistes. Leur droit à la vie privée existe, certes, mais il a des limites.
Si un dentiste partage sa vie avec une personne au passé trouble, l'impact sur sa pratique et sur ses compétences pour soigner une carie est nul. C'est différent pour un élu, encore plus lorsqu'il est à la tête d'un des ministères les plus importants au pays.
À Ottawa, on mène une enquête de sécurité avant d'embaucher un fonctionnaire, il arrive même qu'on scrute ses déplacements, ses relations familiales et amicales. Et on ne vérifierait pas les relations intimes d'un ministre? Soyons logiques.
L'électeur de Moose Jaw ou de Saint-Jean Terre-Neuve n'avait peut-être pas à savoir avec qui le ministre Maxime Bernier partageait ses nuits l'hiver dernier. Son supérieur, le premier ministre, oui.
Cette semaine, Stephen Harper a déclaré qu'il ignorait le fait que son ministre des Affaires extérieures ait entretenu une relation de plusieurs mois avec une femme qui a été la conjointe de motards membres des Hells Angels et des Rockers. Il a ajouté que cela ne le regardait pas. Une telle désinvolture laisse pantois.
Lorsqu'un député accède à un poste de ministre, habituellement, il doit répondre à plusieurs questions de la part du cabinet du premier ministre. Si Maxime Bernier avait agi en ministre responsable, voyant que la relation avec cette femme devenait sérieuse, il en aurait avisé le Conseil privé.
S'il l'avait fait, et une fois que les vérifications d'usage de la GRC auraient démontré que la femme en question n'avait pas de dossier judicaire et n'entretenait plus aucun lien avec le monde criminel, le ministre Bernier aurait eu beaucoup plus de latitude pour répondre aux questions pressantes des journalistes.
Mais voilà, le ministre affirme qu'il n'était pas au courant. Il a fait preuve d'un manque flagrant de jugement pour quelqu'un qui occupe un poste aussi important.
Imaginons un instant que la femme en question soit encore liée au monde criminel. Le ministre aurait pu se trouver dans une position très vulnérable, victime de chantage ou d'un coup monté. Imaginons maintenant que M. Bernier ait divulgué des informations importantes à sa conjointe (le ministre a montré par le passé qu'il était susceptible de commettre ce genre de gaffe). Ce sont des situations qui auraient pu pour le moins placer le gouvernement canadien dans l'embarras.
C'est pour cette raison que les médias ont eu raison de dévoiler l'affaire au grand jour. Il n'y a absolument rien de voyeur dans leur démarche. L'affaire Bernier n'a rien à voir avec le sexe, et peu à voir avec la vie privée d'un élu. Elle a toutefois beaucoup à voir avec le jugement et le sens des responsabilités d'un ministre qui gère un des portefeuilles les plus en vue au pays.
Ceux qui ont accusé les journalistes de voyeurisme dans cette affaire confondent les genres. L'actualité de la semaine aurait-elle contribué à cette confusion? En effet, une autre «histoire de fille» a fait la manchette cette semaine au Québec, l' «affaire Nathalie Simard», et sa couverture comportait effectivement une part de voyeurisme. Les médias se sont délectés des déboires de l'ex-enfant vedette et cette dernière a tout fait, semble-t-il, pour les encourager.
L'intérêt des journalistes pour les relations amoureuses de Maxime Bernier ne sont absolument pas motivées par les mêmes raisons. Il s'agit bel et bien d'une histoire d'intérêt public.


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