De nombreux facteurs expliquent la nécessité d'accélérer le redéploiement de l'économie du Québec pour tirer profit du nouveau contexte économique, notamment certains facteurs conjoncturels, tels le ralentissement américain et la force du dollar canadien, ainsi que des facteurs structurels.
Parmi ceux-ci, on note:
- la localisation du Québec dans le nord-est du continent;
- la concentration accrue du développement dans les régions urbanisées;
- la spécialisation du Québec et de Montréal dans des grappes industrielles parmi les plus anémiques en Amérique du Nord, sauf de rares exceptions;
- notre faible productivité dans bon nombre d'activités;
- certaines lacunes de notre «système» de R&D;
- la pénétration de la Chine dans un nombre grandissant de nos industries;
- la multiplicité de monologues et de propositions non harmonisées provenant de divers organismes du monde patronal, du monde syndical et de nos différents ordres de gouvernement (dont certains ont une vision à très court terme et électoraliste), ce qui ne permet pas de s'entendre et de bien déterminer nos activités prometteuses.
Examinons parmi ces divers points le «facteur Chine», et ce, avec de nouvelles données.
Les parts canadiennes et étrangères du marché canadien
Entre 2000 et 2003, la perte de part du marché canadien qui incombait aux États-Unis (1 % par année) a été captée à plus de 50 % par les entreprises canadiennes et à plus de 25 % par les entreprises chinoises.
En 2003, la part pondérée chinoise était de 14,7 % dans les industries où ses produits sont présents, deux fois celle du Japon, près de trois fois celle du Mexique et plus de quatre fois celle des autres principaux pays qui exportent vers le Canada.
La part chinoise de la production canadienne a le plus augmenté dans les secteurs suivants entre l'an 2000 et 2003: appareils ménagers, vêtements et accessoires, ordinateurs et produits électroniques, éclairage électrique, chaussures, coupe et couture de vêtements, textiles, meubles, produits manufacturiers divers, autres produits textiles et bonneterie.
Cette liste permet de constater que la Chine se repositionne vers des secteurs moins intensifs en main-d'oeuvre, des secteurs à plus haute technologie. [...]
La concurrence Québec-Chine sur le marché américain
L'indice de chevauchement MOM mesure le degré auquel les pays exportent sur un marché donné dans les mêmes industries. Le déclin de 5,6 % de l'indice MOM des États-Unis sur le marché américain (les États-Unis sont considérés comme un concurrent parmi les autres) lui laisse une part de marché de 74,2 % en 2003. Dans un travail récent, Sawchuk et Yerger ont estimé les degrés de chevauchement MOM des provinces canadiennes avec la Chine sur le marché américain.
Les industries dans lesquelles la concurrence Québec-Chine est la plus prononcée sur le marché américain sont la fabrication de machinerie générale, la fabrication de meubles domiciliaires et institutionnels, la coupe et la couture de vêtements ainsi que la fabrication d'équipements de ventilation, de chauffage, de climatisation et de réfrigération. Les deux premiers secteurs représentent 25 % du chevauchement Québec-Chine sur le marché américain.
Ce qu'il faut faire
Il nous faut raccourcir les délais en jeu pour mettre rapidement en application le redéploiement de notre économie. [...] Il nous faut faire en sorte que l'arbitrage final qui incombe à nos gouvernements se fasse dans le cadre d'une démarche qui mobilise le monde patronal, le monde syndical, l'économie sociale, nos universités, les consommateurs et les gouvernements de divers ordres, dont le local et le régional.
Les sommets que nous tenons périodiquement, bien qu'intéressants, ne sont pas adéquats. Il est indiqué de nous doter d'un conseil pour le redéploiement du Québec qui permettrait plus de continuité, de suivi et de souci à moyen terme que ce que permet notre système actuel [...] pour tenir compte du rôle accru de nos régions métropolitaines dans le développement du Québec, pour explorer les possibilités d'harmoniser certaines industries et activités sur le plan nord-américain, pour tenir compte de la pénétration chinoise (et indienne) accrue dans de nouveaux domaines, pour tenir compte du rôle d'une politique d'investissement direct à l'étranger, laquelle permettrait à nos entreprises de s'insérer de façon plus souvent réussie dans certaines chaînes de valeur ajoutée, pour tenir compte du déplacement de l'activité économique vers de nouvelles régions en Amérique du Nord aux dépens des Grands Lacs et de la Nouvelle-Angleterre, etc.
Agir secteur par secteur et politique par politique en laissant à nos gouvernements (qui, en l'occurrence, ne se concertent pas facilement) le soin d'effectuer sans plus d'analyse et de discussion approfondie l'arbitrage final nous laisse avec une démarche trop concentrée sur le court terme. La lenteur de notre adaptation et nos façons de faire unilatérales et non concertées nous ont légué une économie des plus fragiles en Amérique du Nord. Continuer comme nous le faisons ne peut qu'assurer que nous continuions à réagir sans réussir le redéploiement de notre économie.
Pierre-Paul Proulx
Professeur honoraire à l'Université de Montréal et chercheur associé au centre Études internationales et mondialisation de l'Université du Québec à Montréal
Quand la Chine concurrence le Québec
Il faut créer un conseil pour le redéploiement de l'économie du Québec
Par Pierre-Paul Proulx
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