Immigration : le Canada trop populaire

800 000 demandeurs sur le pas de la porte

17. Actualité archives 2007

Toupin, Gilles - Ottawa - Le canada est très populaire auprès des immigrants. tellement qu'on se bouscule au portillon : certains des 800 000 demandeurs actuels de partout dans le monde qui rêvent de s'y installer risquent d'attendre jusqu'à des années avant que leur dossier soit traité. Et la queue s'allonge. Bien des drames humains, bien des espoirs déçus. et un cauchemar administratif pour le gouvernement fédéral, qui n'avait pas prévu le coup.
Les demandes accumulées d'immigration pour le Canada visent actuellement près de 800 000 personnes, un chiffre record qui n'est pas sans causer de violents maux de tête au gouvernement fédéral.
Cet embouteillage de demandeurs, toutes catégories confondues, démontre une fois de plus que le Canada est une destination de choix pour les immigrants. Mais il souligne du même coup le cauchemar administratif qu'une telle popularité engendre. En 2007, selon le plan d'immigration du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, le Canada compte accepter entre 240 000 et 265 000 nouveaux résidents permanents. En 2006, quelque 255 000 personnes ont été admises alors qu'en 2005 - une année inhabituelle - Ottawa a ouvert ses portes à 262 236 nouveaux résidents permanents.
Selon des notes d'information préparées à l'intention du ministre de l'Immigration, et obtenues par La Presse en vertu de la Loi d'accès à l'information, le gouvernement fédéral reconnaît qu'il fait face à une situation qui dépasse de beaucoup " sa capacité opérationnelle ". En d'autres mots, il n'avait pas prévu le coup.
" Si rien n'est fait pour combler les retards, si l'on continue à oeuvrer de la même façon qu'on le fait actuellement, soutient Meili Faille, porte-parole du Bloc québécois en matière d'immigration, l'accumulation des demandes va continuer de croître d'année en année. "
Le système d'immigration universel du Canada, c'est-à-dire un système ouvert à tous, peu importe le pays de résidence, un système qui traite toutes les demandes reçues, aurait-il du plomb dans l'aile?
Au début des années 2000, le niveau d'immigration global était fixé entre 200 000 et 225 000 nouveaux arrivants. Ottawa décida à cette époque de privilégier certaines catégories d'immigrants, notamment les travailleurs qualifiés. Or, dans cette seule catégorie en 2000 et 2001, 291 000 demandes ont été reçues, beaucoup plus que prévu. Au cours des cinq dernières années, le nombre de demandes est également monté en flèche dans la catégorie des parents et des grands-parents parrainés (souvent liés aux travailleurs qualifiés), dans celle des personnes protégées au Canada ainsi que dans celle des réfugiés parrainés par le secteur privé.
Et ça continue. Depuis le 5 janvier 2007, les demandeurs de la catégorie des travailleurs qualifiés - la plus importante - sont plus de 500 000, ceux de la catégorie des parents et des grands-parents sont plus de 100 000. Dans cette dernière catégorie, révèlent les documents ministériels, l'inventaire représente cinq fois le nombre de demandeurs prévu par Immigration Canada.
La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoit que les demandes d'immigration soient soumises dans l'un des 47 bureaux d'immigration du Canada à l'extérieur du pays. Le volume des demandes est tel dans ces bureaux qu'elles atteignent près des 700 000, selon les données de janvier dernier. Certains bureaux se distinguent également par une affluence spectaculaire, ce qui est le cas de celui de New Delhi où la liste d'attente pour les travailleurs qualifiés est de 130 078 personnes. Or, comme Immigration Canada s'est fixé une cible de 22 380 visas pour cette catégorie à New Delhi pour l'année 2007, selon des documents obtenus par La Presse, il faudra au moins cinq ans pour que toutes ces demandes soient traitées. Pour les nouveaux demandeurs qui s'ajoutent tous les jours à la liste, autant dire que leurs applications sont renvoyées aux calendes grecques.
Quant aux demandes soumises à l'intérieur du pays (des cas d'exception), elles se chiffrent quand même à l'heure actuelle à près de 80 000. Au train où vont les choses, il n'est pas irréaliste d'affirmer que les demandeurs de résidence dépasseront bientôt le million.
Le gouvernement fédéral tente chaque année de réorganiser ses ressources et son personnel dans ses missions à l'étranger afin de faire face aux embouteillages dans ses services d'immigration. En Inde, par exemple, les agents d'immigration sont passés de 98 à 171 en 2006. En Chine (incluant Hong Kong), le personnel est passé de 138 agents à 190 la même année. De plus, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration met au point en ce moment une stratégie pour réduire le nombre de demandes accumulées et abréger les longues périodes d'attente. Mais, reconnaît Ottawa dans un document d'information destiné à l'ancien ministre de l'Immigration Monte Solberg, " comme il a fallu beaucoup d'années pour accumuler ces demandes, il faudra aussi du temps pour les traiter ".
" Ce que l'on reproche au gouvernement dans ce dossier, explique la députée bloquiste Meili Faille, c'est bien sûr que le traitement des demandes ne se fasse pas plus rapidement. Mais c'est aussi que les personnes concernées ne soient pas avisées des délais de traitement des dossiers. "
Bien souvent, il faut tellement de temps pour qu'un candidat reçoive une réponse, que son examen médical et son enquête de sécurité ne sont plus valables. L'aspirant immigrant doit tout refaire et payer à nouveau une somme de 750 $ non remboursable. Il y a certes des délais moyens affichés sur le site internet d'Immigration Canada, mais ce sont des délais historiques qui n'ont rien à voir avec la réalité d'aujourd'hui. Les services de l'immigration ne disent pas par exemple à un travailleur qualifié accepté qu'il lui faudra huit ou neuf ans avant que ses parents ne viennent le rejoindre au Canada. Si les gens connaissaient les délais réels, les listes d'attente ne seraient certainement pas aussi longues.


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