Julie Couillard voulait un accès aux ministres

Le voile se lève sur la trajectoire de l'ex-compagne du ministre déchu Maxime Bernier

"L'affaire Maxime Bernier"



Buzzetti, Hélène; Castonguay, Alec - Ottawa - Julie Couillard a fait son entrée dans la sphère politique conservatrice au printemps 2007, avant même sa rencontre avec le ministre - aujourd'hui déchu - Maxime Bernier, parce qu'elle souhaitait rencontrer des gens influents dans le milieu des affaires et au gouvernement. Mme Couillard a donc fait plus d'une tentative pour percer les cercles du parti au pouvoir.
Au moment où les audiences du comité de la Sécurité publique et nationale de la Chambre des communes sur l'affaire Bernier-Couillard démarrent, beaucoup s'interrogent sur la trajectoire suivie par Julie Couillard, une femme au passé trouble ayant à la fois été au bras d'un membre en règle d'un club de motards criminels et à celui du ministre canadien des Affaires étrangères. Le voile se lève un peu plus sur son arrivée dans le monde de la politique fédérale.
Selon les informations colligées par Le Devoir au cours des derniers jours, Mme Couillard a été vue pour la première fois dans un événement officiel du Parti conservateur le 17 avril 2007 dans la ville de Mercier, sur la rive sud dans la région de Montréal, dans la Salle du Boisé. Même si elle réside à Laval, elle a participé à un cocktail de financement très privé de l'association conservatrice de la circonscription de Châteauguay-Saint-Constant.
Il s'agissait d'un événement à deux prix. La trentaine de personnes qui ont payé 1000 $ le billet pour ce cocktail dînatoire sont arrivées plus tôt et ont eu le privilège de fraterniser en petits groupes intimes avec un ministre: le sénateur responsable des Travaux publics, Michael Fortier. Julie Couillard était du lot. Le ministre Maxime Bernier n'était toutefois pas présent. Tout le monde a pu serrer la main de tous et bavarder à son aise, ce qui constitue l'attrait de ce genre d'événement.
Il y avait aussi le maire de Châteauguay, ainsi que d'autres politiciens régionaux et des gens d'affaires de la région. Les autres donateurs moins généreux sont arrivés plus tard.
De l'avis de plusieurs organisateurs conservateurs québécois, c'était la première fois que Mme Couillard était vue dans un événement officiel du parti au pouvoir. C'est le président de l'association de circonscription, André Turcot, qui lui a vendu son billet. M. Turcot connaissait Mme Couillard, car elle avait été la conjointe d'un de ses anciens clients, qu'il ne désire pas nommer.
Il raconte que Mme Couillard l'a reconnu dans un restaurant et lui a demandé ce qu'il faisait désormais. «Je lui ai dit que je n'étais plus en radio, que j'étais en politique et que nous avions un événement pour une levée de fonds qui s'en venait. Elle m'a demandé s'il y aurait des gens d'affaires et des gens importants et je lui ai répondu que oui. Elle m'a donné sa carte d'affaires de chez Kevlar parce que ça l'intéresserait peut-être pour se faire des contacts. Elle cherchait des clients pour des marchés en immobilier. C'est comme ça que je lui ai vendu un billet. Il n'y a rien de sorcier.»
Fait à noter: Investissements Kevlar a diffusé un communiqué de presse il y a deux semaines affirmant que «Julie Couillard n'est pas une employée d'Investissements immobiliers Kevlar et ne l'a jamais été».
Pour la petite histoire, Julie Couillard a laissé un souvenir indélébile aux organisateurs de l'événement. Non pas parce que sa tenue était déplacée, mais plutôt parce que son chèque de 1000 $... était sans provision. On raconte dans les cercles conservateurs que lorsqu'elle a été vue plus tard au bras de Maxime Bernier à Rideau Hall, le réflexe a été de dire: «Hé! c'est la fille dont le chèque a rebondi!»
Le candidat conservateur de Châteauguay-Saint-Constant, Pierre-Paul Routhier, n'a pas voulu confirmer si Mme Couillard a été contactée pour fournir un autre chèque, mais il soutient que son nom apparaîtra en bonne et due forme sur la liste des donateurs du Parti conservateur pour un montant de 1000 $. L'association de circonscription a dû demander à Élections Canada un délai de 30 jours supplémentaires pour remettre son rapport financier de l'année 2007, ce qui explique que le don n'apparaisse pas encore dans les registres publics.
Mme Couillard a soutenu par ailleurs avoir été pressentie pour être candidate du Parti conservateur. Cette information a été confirmée par plusieurs organisateurs, qui reconnaissent avoir entendu son nom, quoique jamais de manière officielle, ni très sérieuse. «J'ai entendu son nom circuler en septembre dernier», indique une source conservatrice. La circonscription convoitée était située non pas à Laval, où habite Mme Couillard, mais dans l'est de l'île de Montréal, un secteur dominé par le Bloc québécois.
Julie Couillard aurait rencontré Maxime Bernier à peu près à la même époque que le cocktail-bénéfice de Châteauguay, probablement quelques jours plus tard. Dans son entrevue accordée au réseau TVA, elle a soutenu que c'est une «connaissance d'affaires» qui lui a suggéré de se présenter à un souper auquel assisterait le ministre, afin d'avoir un avant-goût du monde politique. Ce souper a dû lui aussi être très intimiste parce qu'aucun des nombreux organisateurs québécois contactés par Le Devoir ne se souvient d'un tel événement. D'ailleurs, on chuchote chez les militants conservateurs du Québec qu'un tel mystère entourant un événement à caractère politique est inhabituel. Maxime Bernier n'a jamais corroboré la version de Mme Couillard sur les circonstances de leur rencontre. Julie Couillard n'a pas rappelé Le Devoir hier.
André Turcot, le président de l'association conservatrice de Châteauguay-Saint-Constant, a été actionnaire de stations de radio à Laval et à Saint-Constant. À l'époque où il a vendu un billet de cocktail à Julie Couillard, Maxime Bernier était ministre de l'Industrie, et lui-même faisait des démarches devant le CRTC pour empêcher qu'un autre diffuseur ne soit autorisé sur son territoire de Saint-Constant. «Il y a pas de place pour une autre station présentement», est-il venu dire aux commissaires lors d'une audience tenue à Gatineau le 2 mai, 2007.
Une source conservatrice prétend que Mme Couillard aurait pu servir d'intermédiaire auprès du ministre Bernier. Une allégation que M. Turcot juge farfelue, ne serait-ce que parce qu'elle serait contre-productive. «Je n'ai jamais parlé de renouvellement de licence avec Julie Couillard. Jamais, jamais, jamais. Si vous connaissez un peu le milieu, vous savez que le CRTC n'aime pas du tout les pressions politiques. C'est une très mauvaise tactique.»
Des audiences qui débutent
C'est cet après-midi que les audiences du comité de la Sécurité publique et nationale sur cette affaire Bernier-Couillard démarreront. Des hauts fonctionnaires de la Gendarmerie royale du Canada sont attendus ainsi que le spécialiste en matière de sécurité Michel Juneau-Katsuya.
Hier, au cours d'un point de presse conjoint avec la présidente du Chili, Michelle Bachelet, le premier ministre Stephen Harper a été invité à expliquer pourquoi lui, ses ministres et son député refusaient de participer à ce comité.
«Je n'ai pas l'intention de participer à un cirque partisan, a-t-il répondu. Évidemment, c'est le travail des partis d'opposition. S'ils veulent faire cela, c'est leur droit. J'ai déjà dit que je n'ai pas d'information en ce qui concerne la sécurité de cette citoyenne canadienne et, dans notre système, le premier ministre ne fait pas des enquêtes contre des individus privés.» Mme Couillard sera la dernière à témoigner, probablement mercredi prochain.


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