L'accommodement raisonnable ou le manque d'un État québécois indépendant

Tribune libre - 2007


Réponse au [« Retour du Nous »->3954] de l’Aut’courriel

Dans un message fort à propos de l’Aut’courriel qui engagerait un débat plus vaste, je relève cette phrase en conclusion : « Reconnaissons aux membres des communautés ethniques, au-delà de leurs croyances religieuses, leur nationalité. »
Reconnaître aux immigrants leur nationalité ? Voilà une drôle d'idée. Reconnaissons plutôt que ce qu’il faut au Québec pour qu’il réussisse son immigration, ce sont un État souverain et une citoyenneté qui envoient un message clair et qui permettent à ses immigrants de devenir des citoyens québécois, en adhérant officiellement et sans ambiguïté aux valeurs du Québec, que devraient définir trois grandes Chartes : charte des droits (et devoirs du citoyen, devrait-on ajouter), charte de la langue française, charte de la laïcité qui manque cruellement. Une charte de la laïcité, comme la constitution et la citoyenneté que propose l’ADQ, seraient dans le système politique actuel, auquel la nation québécoise est soumise contre son gré depuis 1982, seraient invalidées ou soumises à une constitution et une charte canadians qui imposent le multiculturalisme depuis la décision autoritaire, et jamais plébiscitée au Québec, de P.E. Trudeau.
De même, il me semble que L'Aut'courriel, plutôt que d'agiter des craintes face à l'Église, devrait revenir à la base du projet souverainiste qui est en même temps l'assise fondamentale qui manque tant à la politique d'immigration du Québec qu'à celle de la laïcité : la République indépendante du Québec. Une fois la laïcité établie, une place bien définie sera libre pour l'Église et ses consoeurs sans qu'on doive s'en alarmer.
Le projet indépendantiste est un projet républicain. Les immigrants au
Québec devraient devenir citoyens québécois et intégrer la nation
volontairement : celle-ci leur accorde l'égalité des droits, ceux-là
proclament officiellement leur adhésion à leur nouvelle nation dans une
cérémonie. Sans adhésion officielle, point de naturalisation. La République du Québec seule permettra une véritable naturalisation : l'ex-étranger sera devenu un citoyen québécois à part entière. En ce moment, cette adhésion se fait au Canada et non au Québec : d'où ressortent les fondements de profonds divorces et de grandes tensions entre une partie des arrivants, libre dans l'état actuel de choisir d'adhérer à la nation canadian, et les autres québécois. Autrement, sans cette citoyenneté québécoise, la poursuite d'une immigration ségréguée sur le pan des nationalités va considérablement affaiblir la démocratie et la solidarité au Québec, esquissant une forme de mini-libanisation.
Ce qui ressort du débat sur l'accommodement « raisonnable », c'est le
grand vide laissé par l'échec du référendum : un État républicain et une
citoyenneté du Québec proclamant très clairement les valeurs de
convergence font diablement sentir leur absence. Ces valeurs québécoises fondatrices du vivre-ensemble ne sont données qu'aux enfants des immigrants qui vont à l'école publique. La confusion règne avec le multiculturalisme canadien qui n'est pourtant pas notre politique québécoise d'immigration.
En attendant la souveraineté, il faut parler de la nécessité de
l'État républicain pour assurer l'intégration, le dépassement du faux débat ethnique/civique et réclamer dès aujourd’hui l'ébauche d'une charte de la laïcité et d'une citoyenneté québécoise qui
dissipe toutes ces confusions. Il faut absolument que les souverainistes et le PQ saisissent cette occasion pour illustrer le besoin d’une République québécoise souveraine, dont l’émotion populaire face à une intégration qui cafouille montre l'urgence et la soif. Intégration qui cafouille en parfaite logique avec le système multiculturel canadien faut-il le dire, que les Québécois rejettent dans les principes, aspirant en fait à une laïcité officielle : soit la République. Le besoin d’un pays reconnu, destination limpide des nouveaux citoyens et exprimant clairement les valeurs nationales en termes de culture, démocratie et laïcité. Il faudrait renouer avec l'histoire des Patriotes pour montrer l'inscription dans l'histoire de ce projet républicain et laïc, de liberté, égalité et solidarité sans discrimination ethnique.
N'oublions pas que, dans une véritable Confédération comme la Suisse,
ce sont les Cantons qui attribuent la citoyenneté et maîtrisent
entièrement leur immigration. Exigeons-le dès maintenant et préparons la souveraineté. C'est par la citoyenneté québécoise que l'identité
québécoise sera consolidée, que l’immigration pourra réussir, et que le projet national moderne pourra progresser sans simplement retomber sur un repli identitaire à l'ancienne mesure pour cause du vide identitaire sidéral que nous proposent la rectitude politique et le nationalisme uniquement civique. Ce dernier n'est rien sans la République souveraine.
Le silence devant les graves enjeux de l'intégration ne permettra pas aux tensions de se résorber. Au contraire, c'est de laisser la situation pourrir qui aggravera les tensions de demain. Il faut impérativement que les nationalistes et les souverainistes reprennent l'initiative en cette matière, qui passe par l'exposé du besoin d'une République laïque et d'une citoyenneté québécoise pour réussir le pari de l'immigration.

Charles Courtois

Montréal

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Charles-Philippe Courtois est docteur en histoire et chercheur postdoctoral à la Chaire de recherche en rhétorique de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il prépare la publication de La Conquête: une anthologie (Typo, automne 2009).





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