L'autopsie d'une élection

L’esquive ne paie pas en politique

Chronique de Patrice Boileau


Jean Charest a gagné son pari. Sentant que les sondages lui étaient favorables, il a déclenché des élections afin d’obtenir une majorité de députés. Au risque de me répéter, un autre chef de parti aurait agi de façon identique. Inutile donc de crier au scandale, bien que la démocratie québécoise ait été égratignée dans l’exercice avec un taux de participation historiquement bas.
Le chef du PLQ devait néanmoins profiter de cette mince brèche dans les nuages. La tempête économique qui s’apprête à sévir avec son lot de mauvaises nouvelles telles que les fermetures d’entreprises, la hausse du taux de chômage, les majorations tarifaires et l’imposition de compressions budgétaires gouvernementales, rendra rapidement le leader libéral impopulaire dans la population.
L’homme tentera assurément de réorienter le courroux général vers le gouvernement fédéral. N’a-t-il pas d’ailleurs demandé aux Québécois, en fin de campagne, de l’accompagner massivement dans sa quête qu’il amorce à Ottawa? Jean Charest n’obtiendra cependant que des miettes de l’État canadian, comme tous ses prédécesseurs. Ne lui restera qu’à doser efficacement son mécontentement de manière à ne pas trop froisser sa base électorale non-francophone, avant de tirer sa révérence.
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Pour les souverainistes, cette nième séance de quémandage qui débute n’a rien d’enthousiasmant. Ils connaissent hélas trop bien la chanson. Au contraire des fédéralistes québécois qui affectionnent ce « sport » depuis 1867, les souverainistes veulent passer à autre chose. Ces derniers ont d’ailleurs été enchantés par les prouesses du Bloc québécois, lors de la négociation devant mener à la coalition qui voulait renverser l’administration Harper. La longue liste de gains énumérés par Gilles Duceppe, lors du point de presse qu’il a donné après le discours télévisé du chef conservateur, donnait l’impression que le Québec retrouvait le plein contrôle de son « second bras », celui qu’il ne maîtrise plus depuis la conquête de 1760. Quel bref moment émouvant ce fut que celui d’entendre l’allocution victorieuse du leader souverainiste! Que de bénéfices concrets pour les travailleurs québécois, au contraire des stériles pourparlers fédéralistes qui débouchent sur rien!
Il est à espérer que les partis souverainistes démontrent clairement aux Québécois que la « stabilité politique » arrachée par Jean Charest, celle qu’il associe à son option fédéraliste, sera impuissante à freiner l’instabilité économique. Il est donc totalement faux de croire que des souverainistes au pouvoir à l’Assemblée nationale, nuisent au développement économique. Cette chimère qui perdure depuis déjà trop longtemps doit être rayée à jamais de l’imaginaire collectif des Québécois. Le Bloc québécois a d’ailleurs démontré toute son efficacité à Ottawa, lorsque les fédéralistes, divisés, se sont éloignés de leur objectif d’affaiblir le Québec.
Jean Charest n’a donc pas d’ordre à donner à sa rivale Pauline Marois. La chef du Parti québécois a tout intérêt à parler de souveraineté, puisque la récession économique lui fournira une preuve inespérée d’expliquer à l’électorat que le Québec pourrait faire mieux, s’il n’était pas gêné par les grosses mains que l’État canadian pose sur son gouvernail. La crise politique qui sévit à Ottawa pourra lui être d’un grand secours pour exposer qu’il n’y a aucun avantage à subir la tutelle d’un gouvernement fédéral qui ignore les demandes du Bloc québécois, un parti souverainiste pourtant choisi par une majorité de Québécois pour les représenter aux Communes. Ce discours pourrait bien convaincre plusieurs souverainistes de voter dans quatre ans. Inutile de préciser que les nombreux abstentionnistes, lors du scrutin de lundi dernier, n’étaient absolument pas des fédéralistes. Le chef du Parti libéral peut d’ailleurs se compter chanceux que l’élection n’ait pas été tenue une semaine plus tard. Il est loin d’être certain qu’il aurait alors formé un gouvernement majoritaire. La découverte du vrai visage de Stephen Harper et son intention d’ignorer la nation québécoise pour développer le Canada, ont en effet heurté plusieurs Québécois.
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L’Action démocratique de Mario Dumont a grandement souffert de la fronde des conservateurs à Ottawa. Ouvertement derrière le parti de Stephen Harper lors du dernier scrutin fédéral, l’ADQ a perdu l’estime des Québécois. Certes, ce parti de droite a également vu plusieurs circonscriptions lui échapper le 8 décembre parce que le vote de protestation n’était pas aussi vigoureux qu’à l’élection québécoise de 2006. Cette formation politique qui a longtemps cherché à se cacher dans un brouillard autonomiste, faute d’avoir le courage de se ranger derrière l’option fédéraliste ou souverainiste, a néanmoins causé sa propre perte. Car l’esquive ne paie pas en politique.
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On peut ne pas aimer les gens de Québec solidaire parce qu’ils divisent le vote souverainiste. Néanmoins, le parti de gauche qui a fait élire le tout premier candidat de sa jeune histoire, a choisi son camp. Le Parti québécois aura à composer avec cette formation politique dans les scrutins à venir. Voilà pourquoi il importe à Pauline Marois de revoir son cadre stratégique. Le processus électoral doit devenir le véhicule démocratique devant mener le Québec vers sa liberté. L’addition des votes attribués aux partis ayant adhéré à un pacte autour du projet de pays, doit devenir le nouveau processus d’accession à l’indépendance, une démarche cherchant à obtenir l’appui de la majorité absolue des électeurs, soit 50% + 1 des suffrages exprimés. Les souverainistes, comme les fédéralistes, doivent aussi pouvoir demander à la population un mandat clair pour atteindre un objectif.
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Jean Charest a reçu le sien par la petite porte d’en arrière. Sa courte majorité s’appuie de plus sur un taux de participation famélique. Rien à voir avec les trois mandats consécutifs obtenus par Maurice Duplessis. Il est douteux que certains analystes osent une comparaison. De plus, la frêle victoire du chef libéral de lundi fait suite à un second mandat minoritaire qui n’a duré que 18 mois. On repassera pour l’exploit! Pauline Marois peut de son côté espérer quelques mois de répit. Son leadership ne sera pas contesté suite au résultat électoral positif qu’elle a enregistré. Il lui faudra cependant faire preuve d’audace stratégique en vue du prochain rendez-vous électoral, pour en maintenir la solidité.
Patrice Boileau


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    10 décembre 2008

    Faudrait maintenant que le PQ encourage la formation d'un parti Québec solidaire fédéraliste "pour les fédéralistes de gauche". Ça ne va pas être le parti Libéral très provincial qui encouragerait la chose.
    L'idée de base des souverainistes est d'avoir un pays francophone, le Québec, de collecter tous les impôts et taxes sur son territoire et si une vraie confédération est formée avec une partie ou le ROC en entier, pour rassurer ceux qui hésiteraient encore afin d'avoir 60 % de OUI, verser à l'organisme central canadien que ce qui est nécessaire pour administrer certains services jugés plus économiques en commun comme, la monnaie.