Dans un article du Nouvelliste publié le 9 février, intitulé « Bissonnette: consternation et déception chez la communauté musulmane » (1), monsieur Boufeldja Benabdallah, président du Centre culturel islamique de Québec, s’indigne en ces termes: « On veux (sic) faire appel à la société québécoise de nous comprendre, de comprendre la douleur dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Les citoyens musulmans sont bafoués ».
Là, il faudrait qu’on m’explique! Après l’affreuse tuerie de Québec, tout le Québec a exprimé collectivement sa « compréhension de la douleur dans laquelle les musulmans se sont trouvés ». Il y eut plein de vigiles de solidarité dans plusieurs villes. Toutes les tribunes médiatiques ont débordé de cette effusion d’amour et de soutien. Grâce notamment au Premier ministre du Québec, on assista même à une vague d’hystérie collective avec auto-culpabilisation et auto-flagellation à outrance, à croire que nous étions tous et toutes coupables du crime d’un détraqué. Lors des funérailles, le néo-saoudien Philippe Couillard y est même allé de son indécent allahou akbar clientéliste, dans une aréna Maurice Richard bondée de musulmans endeuillés et de non musulmans solidaires.
Alors, qu’attend-il de nous, le monsieur qui en appelle à notre compréhension de leur douleur? Que toute la population du Québec se couvre de cendres et rampe sur les genoux en pèlerinage expiatoire jusqu’à la mosquée de Québec? Que nous nous fassions tous hara-kiri? Que nous braillions avec eux pendant quarante ans jusqu’à ce que Bissonnette fasse peut-être sa première demande de libération conditionnelle, en supposant qu’il vive encore dans quarante ans?
Non, les musulmans ne sont pas bafoués par ce jugement! Et l’affirmer n’est pas synonyme de manquer de cœur, de solidarité, de compréhension, d’empathie. Ce n’est pas non plus être raciste, comme un musulman a qualifié le jugement. Ce n’est pas dénier la douleur des survivants, ni mépriser cette douleur et les personnes qui, hélas! la portent jusque dans leur chair! C’est tout simplement qu’il faut bien en venir à lâcher prise, un moment donné, à passer collectivement à autre chose. Nous ne pouvons pas indéfiniment nous sentir coupables d’un crime que nous n’avons pas commis. Ni indéfiniment regratter la plaie jusqu’à la moëlle de l’os. L’empathie envers la souffrance d’autrui ne signifie pas s’emmurer avec lui dans sa douleur.
Madame Megda Belkacemi « a dit vouloir témoigner sa solidarité et son soutien aux proches des victimes du tueur en série torontois, Bruce McArthur, qui a reçu la journée même une peine de 25 ans de prison ferme pour huit meurtres. »
S’il faut absolument comptabiliser et comparer le nombre d’années et de victimes, 40 pour 6 au Québec versus 25 pour 8 en Ontario, peut-on en conclure que justice est faite, même si l’on sait très bien qu’aucune justice humaine ne rendra les morts à leurs proches et ne guérira leurs plaies aux survivants?
En d’autres mots, la loi du talion ne fait pas partie de nos lois et de nos mœurs, c’est comme ça, faudra s’y faire! Et si le juge a mentionné la santé mentale du condamné et la possibilité qu’il « recouvre un jour son humanité et sa dignité qu’il a laissés derrière lui au moment de son crime », ce n’est pas parce qu’il s’est « attardé davantage à la dignité du tireur qu’à celle des victimes », comme le suppose M. Benabdallah, alors que la majorité des propos du juge semble avoir consisté en rappel des victimes et des souffrances et témoignages des proches. Le juge a mentionné « l’humanité et la dignité du coupable » parce qu’il concède à celui-ci son statut d’humain, sans pour autant nier la gravité du crime ni la souffrance que celui-ci a provoquée. Ça n’a rien à voir avec du racisme et du bafouage contre les musulmans, il y a des choses comme ça dans la vie qui n’ont rien à voir avec les musulmans et qui n’en sont pas moins réelles, voire valables.
Robert Duchesne, Trois-Rivières, 5 mars 2019
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