Par Philippe Riès - Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes...bancaire. Par nature et par vocation, les banquiers sont des émules du bon docteur Pangloss. L'aveuglement optimiste des financiers les conduit, avec une régularité de métronome, à participer à l'emballement spéculatif qui débouche inévitablement sur une crise financière. Au nom du principe «Cette fois-ci, c'est différent» qui donne son titre au livre dans lequel les économistes Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff parcourent 800 ans de crises financières.
Puisque la prochaine fois, «ce sera différent», pourquoi changer sa manière de faire, pourquoi remédier aux carences structurelles qui font de la banque, comme le disait si bien feu le Prix Nobel d'économie Merton Miller, «une technologie du 19ème siècle sujette aux accidents»? Dans l'exercice «il faut que tout change pour que tout reste comme avant» (comme chacun sait, Tancrède dans Le Guépard de Lampedusa), les banquiers européens, et français tout spécialement, viennent d'enregistrer deux succès révélateurs.
D'abord, les tests de résistance auxquels ont été soumises les banques européennes. Il aura fallu, début mai, une nouvelle thrombose massive sur le marché interbancaire européen pour que les banquiers et leurs régulateurs acceptent cet exercice collectif et partiellement transparent. Les résultats annoncés en fanfare, notamment à Paris par la «pompom girl» Christine Lagarde, font penser au baccalauréat français, cette peau d'âne distribuée si libéralement qu'aucune université étrangère n'y accorde le moindre crédit. Echantillon géographique, sélection des actifs visés, scénario macro-économique: les choix, très politiques, laissaient prévoir le résultat. Donc, tout va bien. Les banques régionales allemandes, les irlandaises, la CGD portugaise (qui a renfloué le BPN en faillite à concurrence de plus de 4 milliards d'euros) et bien sûr les bonnes élèves françaises, etc., sont reçues avec les honneurs. L'important, c'est d'y croire.
Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, les banques européennes, au terme d'un effort frénétique de lobbying, auraient obtenu du Comité de Bâle un certain assouplissement des nouveaux ratios de fonds propres du futur accord de Bâle III, ce qui a provoqué une flambée des financières sur les bourses européennes. C'est extrêmement technique. Les propositions finales ne seront connues qu'en décembre, les études d'impact ne sont pas publiées, la mise en œuvre s'étendra jusqu'en 2018 (chi va piano va sano), notamment pour le ratio d'effet de levier, et le nouveau ratio de liquidité reste à préciser. Le Comité veut toujours introduire un nouveau ratio de financement net stable, pour compléter le ratio de liquidité. Bref, la messe n'est pas encore dite que déjà les célébrations commencent. Là aussi, l'important c'est d'y croire.
Maintenant, si tout va si bien, si les banques européennes jouissent d'une santé florissante, la Banque centrale européenne peut mettre fin à la subvention directe que représente le refinancement à un pour cent (souvent moins en pratique) d'établissements financiers qui prêtent à 3,5 ou 4%. Elle peut commencer à vider son bilan des montagnes d'actifs plus ou moins douteux apportés en collatéral par les banques de la zone euro. Les banques portugaises, grecques, espagnoles, etc. qui vont si bien peuvent désormais se passer des guichets de la BCE. Les dettes souveraines ne sont plus une bombe à retardement placée sous les fauteuils des banquiers. Non? Je n'ai rien compris? Ah, c'est vrai, j'oubliais. Cette fois-ci, c'est différent.
Publié initialement sur Orange.fr, le 29 juillet 2010
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