Si Pauline Marois veut «tenir un référendum en catimini», comme le prétend le premier ministre Charest, il faut reconnaître qu'elle cache remarquablement bien son jeu.
La «proposition principale» dévoilée en fin de semaine dernière va aussi loin qu'un gouvernement souverainiste peut aller dans le respect du cadre constitutionnel canadien, mais elle ne constitue certainement pas un «plan pour un Québec souverain». Elle ne prévoit pas non plus de «développer des programmes de gouvernement d'un Québec souverain», comme le réclame Jacques Parizeau.
Tout au plus peut-on y voir un plan pour la création de nouvelles «conditions gagnantes», dans la mesure où la multiplication de demandes auxquelles Ottawa opposera une fin de non-recevoir systématique pourrait raviver la flamme souverainiste.
La réaction du président du SPQ Libre, Marc Laviolette, était tellement prévisible que c'en est à se demander s'il n'était pas de mèche avec Pauline Marois pour rassurer ceux qui font des boutons simplement à entendre le mot «référendum».
Il était acquis depuis le conseil national de mars 2008 que le PQ avait plutôt opté pour la guérilla permanente contre Ottawa, et rien ne laisse croire que la population est plus désireuse d'un référendum qu'il y a deux ans.
Emboîtant le pas à M. Parizeau, Bernard Landry a déclaré qu'il s'emploierait à faire préciser l'échéancier référendaire d'ici au congrès d'avril 2011. «En tout respect pour le leadership du parti», a-t-il ajouté. Sur une question fondamentale, il est cependant impossible de dissocier la position du chef de son leadership.
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Cela dit, M. Parizeau avait parfaitement raison dans son entrevue au Globe and Mail: «Ceux qui seraient heureux de prendre le pouvoir et de voir ensuite quelles seront les possibilités [de faire la souveraineté] sont toujours souverainistes, mais d'abord et avant tout ils veulent offrir un bon gouvernement.» Il restait simplement à déterminer ce que proposerait un «bon gouvernement» dirigé par Mme Marois, à part les chicanes avec Ottawa.
Le PQ étant ce qu'il est, la confection du programme est toujours un exercice d'équilibre délicat, et Mme Marois est elle-même une artiste du compromis. Durant la course au leadership de 2005, elle avait reçu à la fois l'appui de Joseph Facal, signataire du manifeste Pour un Québec lucide, et celui de Jean-Pierre Charbonneau, signataire du Manifeste pour un Québec solidaire. Tous deux croyaient que Mme Marois était de leur avis.
Au cours de la dernière année, elle a manoeuvré avec la plus grande prudence. Les documents de réflexion soumis aux militants ont toujours adopté le mode interrogatif, sans qu'elle se prononce elle-même. Samedi, au mont Sainte-Anne, les président(e)s d'association ont eu droit à une visite guidée de la «proposition principale», dont le texte ne leur a été remis qu'en toute fin de séance. Pour éviter tout éclat, aucune période de questions ou de commentaires n'avait été prévue.
En juin 2007, Mme Marois, tirant les leçons de la montée fulgurante de l'ADQ, avait beaucoup insisté sur la création de la richesse et la modernisation de la social-démocratie. Trois ans plus tard, le recentrage annoncé est loin d'être évident.
La «proposition principale» ne fait plus la moindre allusion à un allégement de la fiscalité des entreprises, qui en avait fait grimacer plusieurs. Un gouvernement péquiste ferait davantage pour les aînés, les familles, les immigrants, les autochtones, les handicapés, les itinérants, mais le document demeure muet sur la façon de financer cette générosité. Pas un mot sur la tarification des services ou sur les droits de scolarité. II n'est plus question d'abolir les commissions scolaires, ni les agences régionales de santé.
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En matière de santé, d'éducation, d'environnement ou encore d'indépendance énergétique, on ne voit pas très bien en quoi le PQ ferait les choses très différemment des libéraux. Il aurait même son Plan Nord!
À défaut d'un référendum, la question identitaire est devenue la marque de commerce du PQ. Citoyenneté québécoise, charte de laïcité, enseignement de l'histoire nationale et surtout renforcement de la loi 101.
À ce chapitre, Jean Charest ne peut pas crier au manque de contenu, mais il a immédiatement attaqué le point plus vulnérable de la proposition péquiste, qualifiant de «recul majeur» une éventuelle extension au niveau collégial des dispositions de la Charte de la langue française qui régissent l'accès à l'école anglaise. Un recul pour qui au juste?
Naturellement peu encline aux mesures draconiennes, Mme Marois a longuement hésité avant de se rendre aux arguments de Pierre Curzi, qui s'inquiète sérieusement de l'avenir du français. Le risque qu'elle soit accusée de radicalisme et d'intolérance est cependant bien réel. Même M. Parizeau s'est opposé au resserrement de l'accès au cégep anglais, c'est dire.
Quand vient le temps de rédiger la plate-forme électorale, bien des éléments sont mis de côté. Sur la question du cégep, Mme Marois ne peut cependant plus reculer sans compromettre son leadership. Maintenant qu'elle a choisi de jouer la carte identitaire, elle doit la jouer à fond.
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