Affichage unilingue français

Pauline Marois met le holà

La chef du PQ a dû peser de tout son poids pour faire renverser un vote des militants

PQ - XVIe congrès avril 2011



La chef du PQ, Pauline Marois, lors de la clôture du congrès du parti, hier. En arrière-plan, en chiffres géants, le score du vote de confiance obtenu la veille.

Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir


Moins de 24 heures après avoir obtenu un vote de confiance massif de 93,08 %, la chef Pauline Marois a dû mettre tout son poids pour renverser un vote de ses militants qui prônaient un retour à l'affichage français unilingue, lors du XVIe congrès péquiste.
En matinée, des militants avaient pris la direction du PQ et sa députation par surprise en faisant adopter cette proposition par un vote serré, mais à majorité. Ce choix avait provoqué une sortie instantanée des députés Pierre Curzi et Louise Beaudoin. «On ne veut pas rouvrir un débat sanglant sur la langue», avait prévenu le député de Borduas, qui soutenait que cette mesure pourrait être «perçue comme radicale». Il évoquait ouvertement la possibilité qu'elle ne soit pas retenue dans la prochaine plate-forme électorale.
Ainsi, vers 15 heures, une militante qui avait voté plus tôt en faveur de la résolution s'est donc présentée au micro, réclamant que cette décision soit reconsidérée. Un vote aux deux tiers de la salle a alors confirmé ce choix. Pauline Marois s'est présentée au micro sous les applaudissements des quelque 1700 militants présents. Soutenant comprendre «l'inquiétude et le désarroi» des militants face au recul de la langue française au Québec, en particulier à Montréal, Mme Marois a souligné que «plusieurs mesures structurantes majeures» avaient déjà été insérées dans le programme du parti durant la fin de semaine, notamment l'application de la loi 101 aux cégeps. Ouvrir un autre front sur la question rebattue de l'affichage risquerait de conduire un gouvernement péquiste dans un «nouveau débat juridique» inutile. Déjà, a-t-elle souligné, sur cette question, le Québec a été débouté non seulement en cour suprême du Canada, mais «jusqu'à l'ONU». À ses yeux, il y a d'autres batailles plus urgentes à mener. Lors d'un second vote, les militants ont suivi la consigne de la chef.
Dans la conférence qui a suivi la clôture du congrès, Mme Marois a expliqué que le débat qui avait précédé le premier vote avait été trop court. «J'ai souhaité, oui, qu'on puisse reprendre le débat, pour qu'on ait un éclairage plus complet. [...] Et c'est la seule fois où je suis allée au micro, je me suis autorisée à intervenir et donner mon point de vue.» Elle a aussi promis que sa prochaine plate-forme électorale comprendrait l'application de la loi 101 au cégep.
Aux yeux de Pierre Curzi, qui a défendu depuis des mois le projet d'étendre la loi 101 au cégep, cette affaire ne doit pas occulter la «nouvelle détermination» du PQ à défendre le français, détermination qui doit se déployer sans toutefois «créer de confrontation», a-t-il précisé. Pour ceux qui jugeront la volte-face frileuse, M. Curzi a eu ces mots: «On va se faire traiter de radicaux parce qu'on a osé soulever la question d'appliquer la loi 101 au cégep. Je suis déjà un "extrême radical" et même un faucon selon certains journaux. Alors je ne pense pas qu'on puisse nous traiter de tièdes par rapport à notre détermination dans le combat linguistique.» Le principal défenseur de la proposition sur l'affichage unilingue, Pierre Dubuc, est venu rejoindre Pierre Curzi, projetant une image d'unité. M. Dubuc, militant au SPQ-libre, club politique qui existe toujours bien qu'il ne soit plus reconnu officiellement par le parti (comme il l'a été de 2005 à 2009), s'est fait bon joueur. La volte-face du parti s'est faite «dans les règles», a-t-il noté. «On peut vivre avec ça», a-t-il insisté, soutenant que la motion défaite aura eu le mérite de «sensibiliser tout le monde à la question de l'affichage». Il a dit comprendre que le parti ait fait des «choix stratégiques» et qu'il était légitime d'insister sur la loi 101 au cégep.
Un des militants qui a défendu au micro le retour à l'affichage unilingue, Dominique Beaulieu, aussi membre du Réseau de résistance du Québécois (RRQ), est dénoncé comme «radical» par les fédéralistes. M. Beaulieu s'est dit «très déçu» de l'annulation du vote, mais a soutenu qu'il comprenait les choix stratégiques.
Crémazie
Les militants ont aussi adopté une partie de la fameuse «proposition Crémazie». Celle-ci, présentée par l'épouse de Jacques Parizeau, Lisette Lapointe, propose qu'un éventuel gouvernement péquiste dépense des deniers publics pour promouvoir la souveraineté : «commencera, dès la prise du pouvoir, à préparer et à promouvoir la souveraineté, en expliquant au fur et à mesure de son action gouvernementale, la nature et les avantages de la souveraineté politique». Au cours des dernières semaines, le comité directeur du congrès avait jugé la proposition irrecevable.
L'association de Crémazie avait fait appel et avait finalement eu gain de cause deux jours avant le début du congrès; non sans que sa proposition soit scindée. L'autre paragraphe, qui plaidait pour la création d'une «Commission de préparation à la réalisation de la souveraineté», a été battu à plate couture dans un autre atelier portant sur les statuts du parti. Pauline Marois, en conférence de presse, s'est dit à l'aise avec l'ajout de la première partie de la fameuse proposition, mais pas avec la deuxième, qui consistait à «faire une stratégie ouverte sur la place publique».
Souverainiste ferme
Dans ses discours de vendredi et de dimanche, Mme Marois s'est employée à présenter une vision ferme de la «gouvernance souverainiste». Hier, soutenant que les fédéralistes n'ont «plus rien à offrir au Québec», elle a rappelé qu'un gouvernement péquiste avec elle à sa tête adopterait une constitution du Québec: «Nous adopterons une charte pour affirmer le caractère laïc de l'État québécois. Et si le Canada veut nous mettre des bâtons dans les roues avec ses reliques coloniales et son arbitraire judiciaire, les Québécois jugeront!»
Cela signifie-t-il qu'elle souhaiterait tenir des référendums sur certaines questions afin de se donner un rapport de force vis-à-vis d'Ottawa? «Pas du tout», a-t-elle répondu hier. Mais ces gestes permettront de faire prendre conscience aux Québécois que le système canadien est impossible à réformer, a-t-elle expliqué.
En matinée, le chef bloquiste Gilles Duceppe s'était adressé aux militants péquistes, saluant le vote de confiance accordé à Mme Marois, qui deviendra selon lui la «première première ministre du Québec». Avec un Bloc fort à Ottawa et un PQ au pouvoir à Québec, «tout redevient possible», a-t-il soutenu, paraphrasant le slogan du Oui de 1995.
À la clôture du congrès hier, Pauline Marois a soutenu que les «deux partis réunis» constituent une «force redoutable». «À partir de maintenant», le PQ va «mettre en branle la plus redoutable machine électorale du Québec».
Par ailleurs, pour ce qui est des frais de scolarité, le débat n'a pas été aussi déchirant que plusieurs au parti l'avaient craint. Un compromis a rallié pratiquement tout le monde: le PQ imposerait un gel des droits de scolarité à partir de 2012. Une fois au pouvoir, un gouvernement péquiste organiserait un sommet sur la question, au terme duquel il adopterait une loi-cadre en la matière. La formule, qui recoupe celle proposée par les jeunes péquistes, sera présentée en plénière.
Parmi les autres propositions insérées dans le programme, on peut citer le plafond de contribution aux partis politiques, qui serait ramené de 1000$ à 100 $ par année.


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