La gouverneure générale et le pouvoir de dissolution

Coalition BQ-NPD-PLC



Le 8 décembre dernier, [le professeur David Robitaille->16750] exprimait en ces pages son opinion au sujet du pouvoir qu'aurait la gouverneure générale si le gouvernement devait faire l'objet d'un vote de non-confiance de la part du Parlement. Il fondait cette opinion, entre autres, sur une phrase tirée de notre traité intitulé Droit constitutionnel (Éditions Yvon Blais, Montréal, 5e éd., 2008, p. 374).
Cette phrase, pourtant, ne se situe pas dans une section de l'ouvrage qui traite de la question dont discute le professeur Robitaille, ce qu'indique bien le titre de cette section. Notre opinion sur la question dont traite le professeur Robitaille est très différente de la sienne; elle est exprimée clairement à au moins trois endroits dans notre livre, situés non loin de la phrase qu'il cite. C'est cette opinion, écrite bien avant la crise politique fédérale du début du mois, que nous avons été amenés à exprimer publiquement pendant cette crise.
Voici ces trois passages:
À la page 371 :
« Il faut enfin que l'assemblée élective veuille bien maintenir, au profit d'un premier ministre désigné de la façon que nous venons de décrire, la majorité dégagée en sa faveur par l'électorat. La confiance de l'assemblée envers un gouvernement et un premier ministre en place se présume, mais elle peut lui être retirée par un vote clair. Dans ce cas, le premier ministre doit présenter au gouverneur la démission de son gouvernement. Ce principe conventionnel est celui de la «responsabilité ministérielle» (voir le chap. VII, sur le régime parlementaire). Par la même occasion, le premier ministre demande au gouverneur de dissoudre l'assemblée, déclenchant ainsi une élection générale. Le gouverneur ne pourra se permettre d'appeler un autre chef de parti à devenir premier ministre que si le premier ministre sortant lui en fait la demande ou si le vote de non-confiance survient à la première occasion après une élection générale. »
À la page 373:
« En pareil cas, le premier ministre ne peut continuer de gouverner comme si rien ne s'était produit. Il doit présenter la démission de son gouvernement, ce qui oblige le gouverneur à dissoudre l'assemblée. Le gouverneur ne jouit d'aucune discrétion dans ces cas. Suivant la coutume et les conventions constitutionnelles, la dissolution est devenue une règle quasi automatique lorsqu'un premier ministre ne peut plus compter sur l'appui d'une majorité en chambre. Il s'agit essentiellement de faire arbitrer la situation par l'électorat, en lui donnant l'option de maintenir son dernier choix ou d'entériner l'orientation de l'assemblée. Le rôle du gouverneur dans cette situation se comprend sous cet éclairage. Seule une demande différente du premier ministre sortant pourrait autoriser le gouverneur à appeler plutôt un autre chef de parti à devenir premier ministre.»
À la page 608:
« Le pouvoir de dissolution peut permettre au gouvernement de choisir le moment qu'il juge le plus favorable à la tenue d'une élection générale. Si la dissolution fait suite à une mise en minorité d'un gouvernement, elle permet à la collectivité de se faire arbitre du conflit qui oppose le gouvernement et le parlement. Enfin, la dissolution est un contrepoids à la responsabilité ministérielle. Du fait que le gouvernement peut presque toujours dissoudre l'assemblée élective lorsqu'il est censuré et que cette dissolution est même devenue quasi automatique dans ce cas, l'opposition, même si elle est majoritaire, hésite à renverser à la légère le gouvernement. Les députés, en tout cas, savent que s'ils censurent le gouvernement, ils devront eux-mêmes retourner devant la collectivité et se faire réélire. Cette situation juridique explique que des gouvernements minoritaires, au fédéral notamment, aient pu se maintenir au pouvoir durant de longues périodes.
Lorsqu'un gouvernement subit la censure du parlement, il doit dissoudre le parlement et déclencher des élections. Dans les régimes où la dissolution du parlement ne suit pas automatiquement la censure, les membres influents de l'opposition peuvent espérer former le gouvernement sans avoir à passer par l'électorat. Chez nous, cette situation n'est susceptible de se présenter que dans le prolongement d'une élection générale n'ayant donné la majorité absolue à aucun parti: si le gouvernement est défait dès que siège le nouveau parlement, un parti d'opposition susceptible d'obtenir l'appui de la chambre pourra être appelé à former le gouvernement.»
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Eugénie Brouillet, Professeur de droit constitutionnel à l'Université Laval
Guy Tremblay, Professeur de droit constitutionnel à l'Université Laval
Henri Brun, Professeur de droit constitutionnel à l'Université Laval


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