Est-ce vraiment (encore) une intellectuelle?

La morale ronflante de Madame Bombardier

Réplique d'un patriote anonyme

Tribune libre

Je me souviens d'un texte de Mme Bombardier sur la vulgarité qui m'avait favorablement impressionné. Par contre, il manquait au texte quelques exemples, et je lui avais suggéré de s'intéresser au magazine « Urbania ».
En effet, derrière la provocation rigolote, Urbania se démarquait dans sa deuxième année de la franche intelligence qui avait marqué ses débuts, voire des références au design, à l'architecture. On aurait même pu qualifier Urbania de magazine intellectuel funky, on y trouvait une fascination pour toutes les facettes de la société québécoise, c'était franchement rafraichissant. Imaginez une revue rigolote de «sociologie pour les nuls» qui s'intéresserait à la société québécoise. Puis la revue a dû subir des coups durs, mais elle s'est recyclée tranquillement avec une façade plus vulgaire, où on proposait à des participants de pratiquer du sexe avec des inconnus (j'exagère à peine) en glorifiant un certain voyeurisme que l'on prétendait dénoncer. On a ajouté aux pigistes dont je connaissais la réputation et la scolarité d'autres pigistes qui avaient plus leur place à «Nightlife» et à la scolarité pour le moins douteuse... L'oralité est intéressante en littérature, dans la mesure où elle s'insère dans une variété de registres. C'est l'aptitude du scripteur à varier son ton qui montre son talent. Urbania glissait peu à peu vers des textes de plus en plus oraux, mais gagnait en popularité ce qu'elle perdait en variété et en profondeur.
J'avais écrit à Mme Bombardier à ce sujet, j'avais pour ainsi dire mâché le travail et j'étais même prêt à lui envoyer mes artéfacts et les analyses qui me permettaient de critiquer ladite revue. Je n'ai jamais reçu de nouvelles ni même reçu d'avis de réception. Sans amertume, j'ai lu longtemps ses chroniques pour voir si elle allait glisser un mot ou deux sur le sujet.
Aujourd'hui, je ne la lis presque plus, mais on m'a dit de la lire parce qu'elle semblait parler de moi : « Bien sûr, cliquer sur une souris dans le confort de son bureau est un acte audacieux aux retombées personnelles risquées et bloguer sur Internet en se rebaptisant "le patriote" ou "xyz" est un acte héroïque, n'est-ce pas? »
Et bien j'aimerais connaitre les risques héroïques que Madame Bombardier prend elle-même? Elle écrit encore :

«J'en ai ma claque de tous ceux qui, faute d'arguments à m'opposer, m'invitent à prendre ma retraite, façon de me prévenir qu'ils ne m'enverront pas de couronne de fleurs à ma mort. Ce n'est pas en faisant disparaître le contradicteur que l'on fait avancer le débat, et il n'existe pas une telle chose qu'un intellectuel à la retraite. La réflexion, le partage du doute, des inquiétudes, des convictions, la recherche, somme toute, d'une certaine compréhension des enjeux et des phénomènes sociaux n'est pas une activité limitée à une étape de la vie. On radote à tout âge, on vit dans la confusion de pensée, vieux ou jeune, on se complaît dans l'aveuglement idéologique à 30, 40 ou 80 ans. La vieillesse n'est pas limitée au vieil âge quand il s'agit d'évaluer la vigueur intellectuelle.»

J'aimerais savoir à quel moment elle nous a parlé d'un intellectuel, à quel moment elle a rendu hommage à quelqu'un d'engagé et surtout j'aimerais avoir la liste des concepts qu'elle nous a expliqués depuis un an. Madame Bombardier jouit d'une tribune extraordinaire au Québec en publiant le samedi dans «Perspective», combien d'auteurs, de penseurs nous a-t-elle fait découvrir? En somme, par le biais de sa chronique, quelle est sa contribution à la société québécoise?
J'écris sous un pseudonyme? La belle affaire, cela me permet justement de rester en dehors des querelles contreproductives. Par ailleurs, j'écris dans mes temps libres et je gruge un peu de mon temps de sommeil pour lire. Mon engagement citoyen prend le pas sur ma vie sociale et je m'en veux si je n'offre pas aux lecteurs de Vigile une critique ou une analyse quand je m'adonne aux plaisirs culturels. Mon anonymat garantit que j'ai la paix sur mon lieu de travail, puis-je me garder cette réserve?
Le plus souvent, Madame Bombardier critique l'indécence, la vulgarité, la facilité, l'absence d'éthique de la société québécoise, mais elle est incapable de s'élever pour offrir une analyse ou un diagnostic plus intellectuel. De là à nous proposer un remède, l'écart est encore plus grand. Ses écrits sont des condamnations morales souvent parsemées des regrets d'un passé qu'elle idéalise. On sent bien qu'elle redoute le manque de spiritualité de notre société, mais elle formule ses constats amers sans même s'élever au-dessus des pratiques individuelles de ses contemporains. Elle n'a aucune perspective sociologique, politique ou économique d'ensemble. Ce faisant, elle est mal placée pour noyer la plaie ou le cancer qui menace la société du venin de sa «plume jurassique», comme une adolescente, elle s'attarde à notre «look», à nos manières ou à notre acné.
Sa vulgarisation des enjeux politiques est souvent en retard -je me souviens d'avoir parlé des gaz de schiste en juin - et reste en dessous d'un examen impartial des tenants et aboutissants de l'affaire. Elle se contente le plus souvent de se scandaliser parce que le jupon d'une affaire dépasse désagréablement plutôt que parce que l'affaire existe tout court.
En somme, elle me fait penser à l'épouse d'un homme d'affaires qui s'offusquerait de voir, de sa limousine, une pute faire le trottoir en étant mal habillée, plutôt que de s'intéresser aux affaires de son mari alors que ce dernier est à la tête d'une entreprise d'ingénierie et qu'ils s'en vont d'ailleurs sur le yacht d'un ami...
Moi, c'est le jupon de la maitrise en sciences politiques et du doctorat en sociologie que j'aimerais lire plus souvent, au lieu de quoi, je la sens complaisante avec les puissants pendant qu'elle fait la morale aux petits... Je cite ici Pinard : nous vivons une époque vulgaire, nous ne nous offusquons pas des écarts immondes de richesse, lesquels désolidarisent le tissu social.
Sa chronique d'aujourd'hui tournait autour de son petit nombril : elle déplore que l'on nie la culture, mais quand elle-même se sert-elle d'une pièce de théâtre, d'un personnage pour communiquer sa pensée? Elle s'indigne de la dégradation de notre langue, mais se sert-elle de sa plumes pour condamner les lobbys et les influences fédérales et libérales qui charcutent la loi 101 et par là le symbole politique du respect du français? À la lire, la valorisation de la langue serait une l'affaire des individus; elle évacue toute référence à l'économie politique ou de la politique tout court. Pas mal pour une sociologue...
Elle écrit encore :
« Je suis offensée par ceux qui n'ont de cesse de m'accuser de "cracher" sur le Québec du haut d'un piédestal en jugeant mes compatriotes, desquels je m'exclurais. J'ai choisi depuis longtemps déjà de déplaire plutôt que de pratiquer la complaisance et la flatterie, ces formes insidieuses du mépris de l'autre. Il est douloureux parfois d'être Québécois. S'il m'arrive d'irriter les lecteurs, ils doivent savoir que je suis triste moi-même d'avoir à écrire certaines vérités déplaisantes.»


Peut-être que si elle dénonçait justement ceux qui doivent l'être au lieu de porter des jugements moraux personnels, si elle TRAVAILLAIT intellectuellement un peu plus fort, nous nous plaindrions moins de l'écho geignard qu'elle nous impose tous les samedis...
Il y a des pubs sexistes à la télévision, il y a des magazines féminins insipides qui aliènent les femmes en faisant des lotions nettoyantes l'objet du mois, il y a nos jeunes qui sont plus obsédés par le Canadien que par leurs résultats scolaires. Voilà des sujets qui provoqueraient certainement une polémique où nous nous retrouverions plus près d'elle que de l'empire Molson. Elle devrait en ce sens se rapprocher plus de Damien Saez que de Celine Dion...
Madame Bombardier aura-t-elle le courage d'affronter ces hydres-là? Ou préfèrera-t-elle attaquer les «patriotes anonymes»? Qu'est-ce qui est le plus héroïque? Son billet d'aujourd'hui est encore la preuve qu'elle pratique une critique complaisante, quel puissant ébranle-t-elle dans sa chronique? En fait, elle prend même la défense de ceux qui se plaignent de la hargne de la société à leur endroit... Madame Bombardier a-t-elle été approchée par National pour écrire sa chronique?
L'engagé


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1 commentaire

  • Martin Lavoie Répondre

    26 mai 2012

    J'aime bien que quelqu'un laisse un message à Mme Bombardier. À quels moments l'aie-je le plus appréciée? je me rappelle, une provocation à René Lévesque, interviewé à RC, qui convaincu de son discours et fatigué de le répéter, tellement il croyait que tout le monde le suivait, fut obligé de le répéter avec toute la passion qu'on lui connaissait.
    Une autre fois, avec Lulu Boubou, cet homme déchu , avant de faire quoi que ce soit de vrai, qu'elle obligeait à dire que des gens de valeur avait pu l'influencer dans sa vie, sa carrière. Il était facile de deviner qu'elle exigeait une reconnaissance personnelle de la part de Lucien (plus égotique comme comportement).
    Par la suite, éditoriaux assez triste et partiaux qui à chaque fois ont provoqués mon ire, ou ma colère. moi je ne lui demande pas d'arrêter sa parole, je ne l'écoute plus. son créneau: journaliste. Pas du tout pamphlétaire.