L'intérêt public

Ce que nous apprend l'affaire du manoir Bizard : l'importance de Vigile

2012 - dérives péquistes

À travers la récente affaire du Manoir et de l'ile Bizard, on peut identifier deux courants (indépendamment des préférences anti et pro-Marois), un premier courant partisan et un deuxième courant que l'on pourrait qualifier d'intérêt public. Or, pour comprendre ce qui différencie ces deux courants, et les véritables enjeux d'un tel débat, il faut faire une réelle plongée dans l'univers médiatique et explorer certains de ces concepts. À l'aune d'une telle expérience, il sera possible de comprendre l'importance de Vigile et de tirer des conclusions sur la valeur de l'un et l'autre des courants s'opposant dans l'affaire du manoir...
Les médias québécois
Pour une véritable conversation démocratique, il faut des médias, des médias indépendants. Or, le Québec ne compte qu'un seul quotidien indépendant, il y a bien quelques hebdos régionaux, quelques radios communautaires et quelques magazines indépendants, mais l'immense majorité du contenu médiatique (de très mauvaise qualité, on doit le dire) qui est déversé sur le Québec n'est pas produit par des médias indépendants, mais par des médias qui appartiennent toujours aux trois ou aux quatre mêmes corporations : Gesca, Quebecor, Transcontinental et Astral.
Les médias ne sont donc plus des acteurs sociaux dont le rôle serait de constituer un quatrième pouvoir ou d'être les chiens de garde de la démocratie, mais ce sont des acteurs politiques et économiques qui véhiculent les points de vue de leurs propriétaires et qui tentent par le fait même de former l'opinion publique en la moulant aux intérêts de ces derniers. Dubuc ou Foglia auront beau dire qu'ils sont libres d'écrire ce qu'ils veulent et qu'il n'y a pas de censure, ils connaissent les limites du corridor éditorial dans lequel ils peuvent circuler. André Pratte l'a appris à ses dépens et est devenu un formidable relai de ses patrons depuis qu'on lui a administré une leçon de servilité journalistique. En guise d'exemple, La Presse a un énorme cahier de l'auto le lundi, lequel lui rapporte probablement beaucoup de revenus, il serait donc plutôt surprenant de voir La Presse se préoccuper de l'augmentation du trafic automobile sur l'ile de Montréal et adopter une ligne éditoriale cohérente et moderne, soit la dénonciation des diverses décisions gouvernementales et municipales, archaïques, qui favorisent indument l'industrie automobile, alors que le Québec n'est ni un producteur de pétrole, ni un producteur de caoutchouc et encore moins un producteur automobile. Voici un exemple de ce parti pris, tiré du populaire Patrick Lagacé :

Blague à part, la chronique a été inspirée par cette lettre de Mme Marie-Claude Meunier, qui trahit bien un phénomène inquiétant : en voulant écoeurer les automobilistes de la banlieue, les politiciens de Montréal écoeurent les Montréalais eux-mêmes, par la bande.

En signifiant que les politiciens (on pense évidemment à Ferrandez) qui appliquent simplement des mesures de réduction du trafic pour rendre la ville viable pour les résidents écoeurent les automobilistes, on tombe littéralement dans la désinformation. En effet, l'emploi de ce terme populaire permet de réduire la complexité du problème du transport à un enjeu individuel binaire et simplet. Il serait pourtant possible d'ouvrir un débat et de vulgariser les enjeux. Ce faisant, on parlerait forcément de l'exode des jeunes familles vers la banlieue, ce qui au demeurant constitue une aide à l'anglicisation de Montréal, mais on desservirait alors les annonceurs : La Presse, devenant instrument d'informations et de débats transparents sur les transports en commun, ne pourrait faire autrement que se transformer en un acteur social faisant la promotion de changements en matière de transports publics et d'urbanisme. Voilà qui ferait mal au marché de l'automobile au Québec, les annonceurs le savent bien, voilà pourquoi le contenu de La Presse est si peu avant-gardiste : elle reflète l'intérêt des forces les plus conservatrices de la société.
L'espace public
Les médias sont pourtant le lieu d'échange, l'espace public à travers lequel doivent pourtant se réaliser le débat et la transmission d'informations pour que la société fonctionne. En effet, ce concept du philosophe Habermas correspond à l'idéal des Lumières : valorisation de la rationalité, infinie confiance en l'être humain, croyance en la capacité des sociétés de s'autogouverner [[Anne-Marie Gingras. Médias et Démocratie, Presses de l'Université du Québec, 2009, p.13]] . Il faut un lieu de délibération, mais sans l'accès à une information transparente et de qualité, il est impossible d'échanger d'une manière rationnelle et pertinente. Un goulot sur la qualité et la quantité d'information rend le débat social stérile et par le fait même, limite le caractère démocratique de nos sociétés. On peut donc facilement conclure que loin d'agir comme un canal pour inonder la société québécoise d'information de qualité, la logique commerciale des médias, la concentration et la convergence participent à la suffocation intellectuelle de la société.
En appauvrissant la diffusion d'informations d'intérêt public, les médias étouffent le débat et participent au marasme collectif dans lequel les élites politiques et économiques nous maintiennent. Et ce marasme, cette stagnation servent leur propre enrichissement et la continuation de leur pouvoir. Les différents textes de Richard Le Hir décrivent le marasme la manière par laquelle une certaine oligarchie est en train de faire main basse sur les richesses de la province et sur certaines institutions publiques (CDPQ, Hydro-Québec). L'enjeu ici n'est pas de faire la démonstration de cette thèse (avec laquelle tout lecteur un tant soit peu scrupuleux sera en accord s'il lit Le Hir avec diligence), que d'expliquer cette faillite des médias de rendre compte de cette mainmise de l'oligarchie. Pour ce faire, il faut aussi comprendre le concept de l'intérêt public.
L'intérêt public
Ce concept est souvent utilisé comme épithète que l'on va accoler au terme « d'information », on dira donc qu'une information est d'intérêt public ou on entendra un journaliste, un expert ou un politicien prétendre que le débat, le cas, l'enjeu, le procès, la décision, etc. « sont d'intérêt public », mais qu'est-ce que cela veut dire?
Une information s'avère d'intérêt public :
Si elle favorise une diversité de points de vue sur des enjeux sociaux;
si son contenu permet une meilleure connaissance des institutions sociales, politiques (voire scientifiques);
si elle traite d'information concernant la collectivité, le plus grand nombre;
si elle favorise la participation des citoyens en les éclairant sur les choix à faire;
et, finalement, si elle offre tout ce qui est nécessaire au citoyen pour qu'il participe pleinement à la vie en société.
[...] En peu de mots, on peut dire qu'une information d'intérêt public équivaut à une information socialement utile.[[ Alain Pilon. Sociologie des médias du Québec : De la presse écrite à Internet, Anjou, Éditions Saint-Martin, 2008, p31.]]


Le débat
Que l'on soit d'accord ou en désaccord avec Pierre Cloutier, force est d'admettre que cet avocat très pointilleux fournit généralement aux lecteurs des informations d'intérêt public. Il permet de comprendre les statuts et les documents du PQ, il les décortique et diffuse ses conclusions, il explique également les modalités de fonctionnement de ce parti politique . Si plusieurs lecteurs sont en désaccord avec ses thèses, il demeure un acteur important de l'analyse intellectuelle des diverses entreprises du PQ. Tel un véritable chien de garde, il ne laisse rien passer.
Ce faisant, avant de sortir justement dans des médias « grand public », les stratèges péquistes ou les partisans auraient avantage de prendre connaissance de ses critiques et d'être capables non seulement de disposer d'une argumentation puissante et cohérente pour contrer les raisonnements de même nature que les siens, mais également de disposer d'une stratégie de diffusion pour communiquer leurs messages, en dépit des faiblesses identifiées par Cloutier.
Qu'on l'aime ou non, Cloutier relève intellectuellement le débat et décortique des enjeux complexes. Surtout Cloutier arrive à imposer la stratégie du droit en politique : il faut gagner par ses propres moyens et non parce que l'adversaire se fourvoie. Or les analyses de Cloutier démontrent le plus souvent que le mouvement souverainiste choisit des stratégies qui le conduisent indubitablement à compter dans son propre filet. On pourrait conclure que Cloutier se livre à des analyses stratégiques et qu'il se livre à l'étude des différents programmes du PQ vérifiant l'adéquation de celui-ci avec ses principes et ses statuts.
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Richard Le Hir, lui, se livre le plus souvent à des microanalyses, sa force réside dans les revues de presse qui lui permettent de déceler des mouvements d'ensemble du monde économique et des liens serrés entre les réseaux d'affaires et le monde de la finance. Ses observations lui permettent alors plus finement d'explorer les jeux entre divers acteurs. Ses conclusions générales tendent à exposer la manière par laquelle Power Corporation et ses propriétaires, voire même le crime organisé, en arrivent à gangrener le Québec et d'autres états, de façon à faire l'impasse sur des ressources naturelles et des entreprises d'État. Par l'observation d'infimes traces, Le Hir arrive à déceler le jeu en coulisse et à en démontrer les conséquences, lesquelles pointent sur la dépossession de la société de ses richesses par une oligarchie, laquelle profite à la fois de l'atomisation de la société et du statut colonial dans lequel le Québec est prisonnier.
La grande crédibilité de Le Hir provient notamment du fait qu'il a été longtemps un acteur de l'industrie manufacturière et qu'il peut en quelque sorte mieux expliquer, étant aussi avocat, la manière par laquelle la financiarisation de l'économie a permis l'émergence d'un véritable pouvoir occulte. Son ancien statut de représentant du secteur manufacturier lui confère une autorité intellectuelle certaine quand il expose de quelle manière les Québécois se font littéralement voler leur richesse; sans cette financiarisation, les mouvements de capitaux seraient plus visibles et les ententes occultes seraient plus difficiles. À titre d'exemple, Le Hir a pu expliquer les liens entre le Gouvernement Charest,Total, le projet du port méthanier Rabaska et Desmarais, le propriétaire de Power Corporation... également propriétaire du groupe Gesca...propriétaire du Soleil et de La Presse, lesquels médias ne pouvaient alors en toute indépendance défendre l'intérêt public.
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Vigile est donc une extraordinaire plateforme où une revue de presse rigoureuse et de qualité permet aux Québécois de s'abreuver à d'autres sources qu'à celles déficientes des médias corporatifs. En effet, même si Le Devoir est indépendant, il ne peut suffire à garantir l'accès à une information de qualité et à alimenter le débat public et à décortiquer les enjeux complexes. Par ailleurs, ses difficultés financières conjoncturelles et structurelles l'empêchent de faire preuve de l'audace parfois nécessaire qui devrait être la sienne, sans compter que pour plaire à ses amis il a perdu de son légendaire mordant. En conjuguant la rigueur de la revue de presse à la libre expression de la tribune libre (et des analyses comme des réflexions qu'on peut y trouver), Vigile permet d'accoucher d'attracteurs étranges qui insufflent de la vigueur à la vie démocratique et au combat de divers acteurs de la société civile.
Vigile remplace une partie de l'espace public capturé par les médias corporatifs et le restitue pour de nouveaux acteurs qui peuvent alors diffuser, selon leur propre capacité, des informations d'intérêt public. Vigile permet alors une véritable compétition entre le journaliste professionnel pressé de produire de l'opinion et de la nouvelle pauvre, pendant que la moisson de penseurs chez Vigile, elle, accouche avec régularité de textes denses, d'analyses fouillées et de riches réflexions. Évidemment, il n'y a pas de vérification des sources chez Vigile (pas comme dans les médias corporatifs, du moins) et en dépit d'une poursuite contre Vigile, la liberté d'expression demeure impressionnante et c'est justement cette Tribune libre qui fait office de filtre. Une information erronée, partielle, fausse pourra être corrigée par l'intervention d'un tiers et faire naitre un débat. Voilà qui permet encore plus de transparence et c'est dans cette perspective qu'il faut situer l'affaire du Manoir.
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Mais de quoi Vigile est-il le gardien? On peut identifier deux axes : l'intérêt public québécois (cela se vérifie aisément, Gaz de schiste, scandale de la CDPQ, Subprime) et l'indépendance (pas besoin de le justifier). Or pour les Québécois, l'indépendance est un sujet d'intérêt public et toute nouvelle -favorable ou défavorable- doit justement faire l'objet, sur Vigile, d'une attention particulière. Et la quête démocratique de l'indépendance répond aux mêmes aspirations que celles, médiatiques, de la recherche du bien commun par l'accessibilité et la transparence d'informations d'intérêt public : l'indépendance est à la fois un moyen et une fin pour pour que les Québécois puissent agir par eux-mêmes, sans collectivité interposée, à l'intérieur comme à l'extérieur, en économie, en politique et au plan culturel. Mais pour faire advenir cette indépendance, encore faut-il rendre possible un débat social, ce que les médias corporatifs étouffent et ce que Vigile essaie d'encourager. On pourrait donc supputer que l'objectif politique macro est l'indépendance et que cet objectif est rendu possible par une lutte médiatique au niveau micro par l'examen rigoureux de questions d'intérêt public, lesquelles sont niées dans d'autres médias.
Or, avec l'affaire du Manoir et de l'ile Bizard, voilà qu'on rappelle la connivence, par le biais du mariage d'un acteur souverainiste notoire avec un membre de l'oligarchie économique et financière du Québec. Si la chose est passée relativement inaperçue pendant longtemps, il faut dire que Mme Marois n'était pas aspirante première ministre (la saga de la toilette silencieuse avait fait plus de bruit...) et surtout, nous n'avions pas connu les affres de la crise économique de 2008, les pertes de la CDPQ, la crise de la corruption dans la construction, les gaz de schiste, le Plan Nord, la vente d'Anticosti par H-Q à Gastem et Pétrolia, l'affaire du colisée-Péladeau, des démissions et finalement tout le mouvement des indignés, lequel est caractéristique du ras-le-bol du peuple envers les élites et la responsabilité des politiciens dans le laissez-faire épouvantable qui a non seulement fait capoter l'économie, mais permet à l'oligarchie économique et financière de s'enrichir encore plus aux dépens de la population en général.
Dans ce contexte, la question de la richesse d'un(e) dirigeant(e) et de son mariage est d'intérêt public car il y a lieu de se demander s'il n'y a pas matière à conflit d'intérêts. Il se peut qu'il n'y en ait pas, mais le débat doit avoir lieu et il est démocratiquement légitime. Or, sur Vigile, nous apprenons, par deux sources fiables (avec lesquelles nous pouvons être en désaccord, certes), que la résolution de la poursuite du couple Blanchet/Marois contre The Gazette ne les blanchissait pas comme on l'avait pourtant perçu. Fidèles à leur habitude et par crainte (des poursuites), les journalistes n'ont pas fait leur travail, alors que l'intérêt public le leur commande, et ils n'ont pas étudié les dossiers soumis à la cour lors dudit procès.
Que la source soit fédéraliste, vendue ou zouloue ne change rien à l'affaire et que Vigile soit intoxiqué non plus. Dans l'histoire du journalisme, certaines sources sont pourries et corrompues, n'empêche, quand un journaliste met la main sur les Pentagon Papers ou des documents comme ceux du Watergate, il doit les publier car il s'agit de documents d'intérêt public. Dans le cas qui nous intéresse, on retrouve la divulgation d'un procédé pour camoufler une opération potentiellement préjudiciable pour l'image du couple Blanchet/Marois ce que les intéressés reconnaissent , et si l'affaire est interrompue entre les The Gazette et le couple en raison d'une entente, rien n'interdit à un journaliste de vérifier si l'histoire invoquée par le couple est crédible.
C'est ici que nos deux cerbères sont utiles, par leur démonstration ils exposent le ridicule de la version des faits et de la position du couple Blanchet/Marois. Cette affaire révèle indubitablement un problème de transparence qui nuira non seulement à l'intégrité de Mme Marois, mais à la réputation du parti, a fortiori à celle de l'indépendance. Cette affaire traduit chez l'intéressée un manque de jugement, lequel n'est pas sans conséquence sur sa conduite politique. On peut ainsi commencer à établir des parallèles entre ses positions politiques et publiques ainsi que ses démarches privées : si elle ne s'est pas embarrassée de contourner la loi pour son propre intérêt, pourquoi le ferait-elle quand il est justement question de l'intérêt public, comme lors de la fameuse loi parrainée par Agnès Maltais pour rendre légal ce qui ne l'état pas pour le colisée de Péladeau...
Qu'est-ce que cette logique du cas par cas? Est-ce démocratique? Est-ce que cela ne renforce pas les préjugés dont Marois était la victime à propos de son statut élitiste et bourgeois? Comment effectivement partager le sort de la population si l'on vit dans un château, mais que les moyens pour créer ledit domaine ont été obtenus par un privilège dont l'esprit est contraire à la loi, loi créée par le parti populaire auquel appartient justement madame Marois? En 1996, lors de la grève des cégeps, Marois a accepté de garantir le gel des frais de scolarité, mais elle n'a pas touché à la fameuse « côté R », taxée de mesure élitiste. N'est-il pas légitime de faire des liens entre le type de choix politique de Madame Marois et son mode de vie, voire le type d'actions qui lui ont permis son mode de vie? Par exemple, l'accès à des terres agricoles pour sa propriété ne fait pas que lui donner un avantage privé pourtant issu du domaine public, elle jouira de la valeur marchande du changement de zonage et de la propriété qui en découle. Quelle sera sa légitimité pour dénoncer les rapts du privé aux dépens du public?
Toutes ces questions sont d'intérêt public, elles correspondent à la définition d'une information socialement utile... Est-ce que cela concerne tout le monde? Oui, car Marois pourrait non seulement être première ministre, mais elle joue aussi un rôle en tant que député et chef de l'opposition. En ce moment, sa crédibilité est entachée, ce qui ne lui permet pas de faire correctement son travail, ce qui ne peut que nuire aux Québécois qui ne peuvent compter sur une opposition forte. Est-ce un enjeu important? À l'ère des indignés, évidemment. Est-ce que cela enrichit le débat social, très certainement, nous nous intéressons aux privilèges et à l'équité, surtout, cette affaire nous fait réfléchir à propos de la proximité entre l'oligarchie financière et le pouvoir politique. Enfin, on en apprend sur nos lois, nos institutions et sur certains processus judiciaires.
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Il faut donc être partisan ou aveugle pour refuser d'investir cette affaire pour ce qu'elle est, l'indice d'un abus de pouvoir, d'un manque de jugement et de conflits d'intérêts potentiels pour la future première ministre. Imaginons par exemple les histoires juteuses que Gesca pourrait sortir « du manoir », lors d'une campagne référendaire, pour montrer que les souverainistes ne cherchent qu'à plumer les Québécois et qu'ils ne sont pas mieux.
Maintenant on peut débattre, le document cité par Le Hir est-il authentique? Y a-t-il eu abus ou est-ce simplement une perception? D'où vient la missive? D'un péquiste déçu ou de fédéralistes? Peut-être conviendrons-nous, par un débat sérieux et intellectuel, que ce problème de perception est aisément soluble? Peut-être qu'il n'y a pas matière à faire de rapprochements, pour des raisons que l'on ignore encore, entre les erreurs politiques de Marois (il faudrait au moins cesser de les nier, si on veut à tout le moins les pardonner) et cette affaire, que Madame Marois n'a rien d'élitiste, mais au contraire qu'elle souffre de tel et tel problème qu'elle n'a jamais voulu montrer, d'où cet air affecté qu'elle dégage. Peut-être découvrirons-nous, en dépit de leur richesse, de l'énorme générosité du couple Blanchet/Marois, mais encore faut-il l'avoir, ce débat.
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Toutefois, il semble plutôt que l'on assiste, chez les détracteurs de Cloutier et Le Hir (ou même de Vigile) à une condamnation de leur propos, comme s'ils s'étaient livrés à un acte félon ou mesquin. Pourtant, l'analyse sommaire de leur démarche, à l'aide de concepts médiatiques, permet de comprendre que les doutes qu'ils soulèvent sont légitimes. On peut douter de leur conclusion, mais on ne peut les discréditer entièrement sans se livrer à un examen tout aussi assidu de toute l'affaire , ce dont on se garde bien.

On a donc d'un côté une critique sévère qui sert l'intérêt public, et de l'autre une défense partisane qui s'emporte sans justifier correctement la dérive. Nixon s'est emporté contre les éditeurs des Pantagon Papers, tout comme Sarah Palin a qualifié d'immorale et d'antiaméricaine la diffusion des câbles de Wikileaks. Pourtant ces deux-là ont eu beau vociférer, ça n'enlève rien à la valeur des informations révélées. On peut donc le répéter, en servant l'intérêt public et l'indépendance, Vigile nous habitue à plonger dans une véritable conversation démocratique et peut profondément mettre de l'encre dans la plaie. D'ordinaire, ce sont les fédéralistes et les artisans du statu quoi qui en font les frais, mais on sert l'intérêt public ou ne le sert pas et un politicien qui prétend nous servir, en utilisant justement la lutte contre la corruption comme symbole rassembleur doit être un artisan de l'unité en se montrant équitable, démocrate et au dessus de tout soupçon.
Il est tout à fait sain que nous condamnions l'hypocrisie dans notre propre camp si l'on veut avoir la moindre chance d'être cru à l'extérieur. Les Péquistes devraient en prendre acte sans quoi bien des votes pourraient aller à QS, justement à cause du caractère élitiste et peu démocrate que renvoie le PQ-Marois, mais heureusement, ils ont cette tribune pour régler cette question. Préférez-vous la voir sortir à partir de la plume d'un Pratte, d'un Dubuc ou d'un Duhaime où préférez-vous avoir l'initiative de la communication? C'est pourtant la tribune que Vigile vous offre et la perche que tendent Le Hir et Cloutier. Nier la complexité de la situation par des critiques partisanes ne règlera pas le problème... d'intérêt public!
L'engagé


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5 commentaires

  • L'engagé Répondre

    9 janvier 2012

    Merci pour les commentaires, j'avoue que je suis assez surpris, ce texte est aride et il ne s'agit pas d'un sujet particulièrement croustillant, même si ce qui l'a initié l'est.
    Pourtant, je crois sincèrement que le concept de « l'intérêt public » est capital et que c'est également ce qui explique notre inconfort par rapport à l'affaire du colisée ou encore de Bouchard et Boisclair au services des gazières.
    Quant à la rectification de Monsieur Le Hir, ce n'est pas la seule exactitude, j'ai écrit par exemple, parlant de son travail, «microanalyse», alors qu'il aurait fallu parler de «macroanalyse». Toutefois, je partage la seconde remarque de Monsieur Le Hir , tout journaliste sérieux aurait dû « formuler les questions qui s'infèrent directement du contenu du document notarié. Ces questions auraient dû être posées par tout journaliste le moindre soucieux d'élucider les faits. Ces questions demeurent encore pertinentes aujourd'hui dans la mesure où les intéressés ne les ont jamais fournies».
    Je prends la liberté de montrer certaines conséquences de cette omission en expliquant comment, sur le plan des perceptions, c'est alors le mouvement indépendantiste qui pourrait souffrir d'un déficit de crédibilité si la cheffe du PQ est perçue comme quelqu'un qui sait se doter de privilèges. Cette question mérite d'être débattue, conformément à un questionnement légitime sur l'intérêt public, sans que personne ne souffre d'attaque ad hominem, surtout dans un contexte de lutte contre la corruption.
    Quant à débattre de la source, je donnais un exemple de ce sur quoi on pouvait discuter, rationnellement, puisque les vérifications se font sur Vigile par échange sur la tribune libre. Je ne connais pas les actes notariés et j'aurais pu penser que vous avez reçu un faux PDF. Je veux dire par là que l'on peut discuter «techniquement» des modalités de cette affaire, mais que l'on ne peut pas remettre en question sa pertinence, c'est d'intérêt public, ne serait-ce que parce que toute cette affaire révèle des écarts de richesse qui méritent, à mon avis, d'être dénoncés, alors que ceux qui arrivent à s'enrichir semblent capable de le faire parce qu'ils détiennent des informations sur des procédures (prête-nom, zonage, transactions immobilières) que ne possèdent pas le commun des mortels.
    Cet écart dans les aptitudes et les revenus mérite d'être débattu, voilà un exemple des mérites d'actualiser cette affaire : une information d'intérêt public nourrit le débat social.
    Quant à la «valeur sociale» même de Marois, je dirais à quoi bon les garderies si on maintient «la cote R», n'est-ce pas un frein à l'équité sociale? Et le principe même des garderie à 5$ ou 7$ n'est pas aussi progressif qu'on veut bien le prétendre : http://www.er.uqam.ca/nobel/r14154/Doc_PDF/FGE2008/08-Qc-FGE-txt.pdf
    Voilà des considérations importantes «pour le peuple», que l'élite ne voit pas nécessairement. Considérant le manoir, est-il légitime de s'interroger sur l'aptitude pour cette élite de comprendre ces considérations? Que les défenseurs de la dame fasse leur plaidoyer, dans l'espace public qu'offre Vigile, mais qu'on ne tire pas sur les messagers.

  • Archives de Vigile Répondre

    9 janvier 2012

    Je conçois que le fait de faire modifier le zonage d'un terrain en leur faveur (le couple Marois/Blanchet), si cela s'est bien passé tel qu'on le décrit ici, n'est pas très édifiant et pose un problème d'éthique important.
    Cependant, le procédé qui consiste à essayer de choquer les gens par l'opulence de la propriété me révulse. Ce couple est riche et a le droit de l'être. De plus, cette richesse ne leur enlève pas nécessairement toute sensibilité à l'endroit de la condition d'autrui. Mme Marois, d'une part, a pris des mesures social-démocrates importantes en tant que Ministre (les garderies à 5$ et les congés parentaux, par exemple). D'autre part, ces gens sont peut-être fort généreux pour d'autres qui n'ont pas la même chance qu'eux. Mme Marois vient d'un milieu modeste et n'a pas oublié ses origines, selon moi.
    Je tiens à préciser que je ne suis pas péquiste. Je suis plutôt favorable à ON. Ainsi, mon intervention n'est aucunement partisane.
    Et je suis tout à fait d'accord avec vous, l'apport de Cloutier et Le Hir est immensément estimable.

  • Henri Marineau Répondre

    9 janvier 2012

    Un article étoffé et articulé qui nous fait voir les deux côtés de la médaille...un article qui situe le débat au-dessus des attaques personnelles... enfin, un argumentaire qui fait la preuve que dans le choc des "idées" jaillit la lumière!
    Et c'est tout à votre honneur, l'engagé et, comme vous l'exprimez à juste titre, grâce à une tribune d'échange comme celle de Vigile!

  • Archives de Vigile Répondre

    9 janvier 2012

    Je vous lisais et j'en avais les larmes à l'oeil tellement cela met un peu de baume sur mes plaies et tellement il faut avoir une carapace dure pour endurer toutes les attaques mesquines dont j'ai été victime ici même sur Vigile.
    Mais je me dis en bout de ligne que cela fait partie de la "game" comme on dit.
    Pour ce qui est du document auquel vous faite référence je peux vous assurer qu'il s'agit d'un document authentique - et Richard Le Hir pourra aussi vous le confirmer - parce que j'ai eu l'occasion moi aussi de consulter le dossier de cour dans l'affaire de la poursuite entre le couple Marois-Blanchet et The Gazette et ce document fait partie de ce dossier.
    Le dossier est aux archives du Palais de Justice de Montréal et il peut être consulté par tout le monde. Il n'y a rien de mystérieux là-dedans.
    En ce qui me concerne, je travaille essentiellement avec des sources ouvertes d'information et je fais toujours la distinction entre des informations sérieuses et vérifiées et des simples opinions.
    Avant d'être avocat, j'ai été journaliste et je connais les deux métiers.
    Le prochain article que je vais écrire sur le sujet du "Manoir" sera encore plus intéressant car je me sers de sources ouvertes et publiques que je vais identifier.
    Merci pour cet articles bien documenté et reflétant une grande rigueur intellectuelle.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    9 janvier 2012

    Vous êtes bien gentil de venir à ma rescousse, mais vous ne semblez pas avoir bien compris deux choses essentielles.
    Le document notarié dont j'ai produit copie avec mon article est authentique. Il figure parmi les pièces de la poursuite du couple Blanchet/Marois contre The Gazette devant la Cour supérieure. Il s'agit donc d'un document public que n'importe qui peut consulter dans le dossier de la cour à condition d'être le moindrement familier avec la procédure à suivre pour le consulter et en obtenir copie.
    Qui plus est, tout ce que j'ai fait dans mon article a été de formuler les questions qui s'infèrent directement du contenu du document notarié. Ces questions auraient dû être posées par tout journaliste le moindre soucieux d'élucider les faits. Ces questions demeurent encore pertinentes aujourd'hui dans la mesure où les intéressés ne les ont jamais fournies.
    Richard Le Hir