Réplique indépendantiste

Un conflit de paradigmes

Il existe, sur Vigile même, un conflit entre indépendantistes au sujet du PQ

Vigile

Il existe, sur Vigile même, un conflit entre indépendantistes au sujet du PQ. Or, les crises et les réactions d'un côté comme de l'autre ne servent pas à circonscrire les différentes conceptions de la réalité et de la lutte politique, et à débattre de la pertinence de ces visions, mais à alimenter une chicane, qui n'élève que peu notre pensée...
Pourtant, les racines de ce conflit devraient être explorées fouillées et nous disposons en plus d'une tribune très libre pour débattre.
Approche péquiste

Les partisans pro-Marois sont règle générale des partisans du PQ et soutiennent une vision réaliste et machiavélique (je l'écris sans connotation négative) selon laquelle il faut absolument les leviers du pouvoir pour entreprendre le chantier de l'indépendance du Québec.
À cette approche réaliste on doit coller l'objectif d'optimiste, car l'Empire britannique, qu'il soit indépendant ou encore fidèle à la Reine, n'a que très rarement perdu (Vietnam, Iran) ses colonies. Quand il les perd, il les regagne (Chili). L'approche péquiste soutient implicitement qu'un référendum gagnant règlerait l'essentiel de la question et postule que le jeu démocratique est néanmoins la seule arène possible, et que la victoire est probable, à condition que le PQ remporte l'élection. Cette approche suppose également que c'est le respect de la réussite stratégique et de la tactique électorale, lequel respect exige de se mouler aux campagnes pensées par les relations publiques, qui permet de gagner des élections. Ce modèle suppose une adhésion certaine à la construction sociale de la réalité que véhiculent les médias, ce qui limite l'essentiel du propos électoral au cadre de la rectitude politique, pendant que certains acteurs sont exclus de facto à cause de leur radicalisme. Considérant les cotes d'écoute de certains médias corporatifs et le niveau d'éducation politique de la population en général, il est possible que ce modèle soit bon, mais il suppose une campagne axée sur l'image et non les idées, d'où l'effet catastrophique des démissions et de la dissidence.
L'approche transparente
Une autre approche, celle des déçus du PQ, voudrait que le PQ insiste surtout sur l'indépendance avant l'élection parce que le pouvoir provincial n'est pas le gage d'une lutte pour l'indépendance, à moins que le parti n'y soit tenu. Au contraire, l'ère Bouchard aurait plutôt marqué un recul (pensons à l'affaire Michaud), une stagnation en matière de culture et de langue (Bouchard incapable de se regarder dans le miroir..), aurait été le prélude à l'invasion néolibérale et à la dilution de l'option indépendantiste. En effet, pendant que les politiques de Bouchard facilitaient la création de QS, les politiques du PQ en matière d'éducation faisaient reculer le développement du Québec, ainsi que la vigueur de son identité culturelle et historique.
Par exemple, Legault a permis des économies en supprimant le redoublement, mais cette mesure a considérablement nui à la véritable réussite du système de l'éducation en pelletant un ensemble de problèmes en avant. La réforme de l'éducation (entreprise sous Marois) a torpillé les états généraux sur l'éducation et a privilégié une vision édulcorée de l'histoire, où le développement de compétences prend le pas sur la véritable connaissance de l'histoire. Les jeunes ne connaissent donc pas leur histoire et ne sont pas capables de comprendre comment le Canada s'est construit sur la minorisation des Canadiens français.

Synthèse

Bref, la thèse des transparents c'est que le PQ nuit parfois aux conditions gagnantes lorsqu'il est au pouvoir et qu'à moins de le contraindre vigoureusement à consacrer toute son énergie à l'atteinte de l'indépendance, on ne doit pas permettre au PQ de reprendre le pouvoir. Les transparents ne comprennent pas que le PQ et le mouvement indépendantiste ne fassent pas un véritable examen de conscience et que l'on s'en remette à un changement cosmétique (un changement de chef) pour remettre ce parti sur les rails, alors que son mandat doit être l'indépendance.
De plus comme il s'agit pour le PQ d'une campagne de relations publiques plus qu'une campagne d'idées, les transparents s'étonnent justement de l'accent mis sur la cheffe, laquelle n'a pas la meilleure image, alors qu'elle traine effectivement quelques squelettes. Pourtant, les médias ont montré avec quelle facilité ils pouvaient utiliser des squelettes pour nuire aux acteurs politiques et ils ont littéralement fait élire le NPD le 2 mai dernier, puisque ni le PL ni le PC n'avaient la faveur des Québécois.
Par ailleurs, dans leur plaidoyer, les réalistes invoquent l'anglicisation de la métropole, l'assimilation, les risques pour le mouvement (surtout depuis le 2 mai) et l'identité nationale en péril pour inciter au ralliement. Nous vivrions la dernière heure. Pourtant, les ténors péquistes ont particulièrement discrédité les mouvements politiques et les députés qui cherchaient justement à diffuser ce message (qu'on pense par exemple à la réaction épidermique du PQ à l'endroit du NMQ) et quand on examine le discours péquiste, ce n'est certainement pas le même discours qu'on découvre que le discours catastrophiste que l'on lit par moment sur Vigile pour exiger le ralliement à Marois et la fin des attaques.
On taxe par exemple par exemple Rebello de traitre ou Khadir de cryptofédéraliste, mais on se garde bien d'analyser en quoi le PQ est radicalement différent de la CAQ ou le NPD du BLOC. On a statué une bonne fois pour toutes que le Bloc égalait la souveraineté, alors que Duceppe à mainte fois affirmé qu'un vote pour le Bloc était un votre pour le Québec et pas nécessairement un vote pour l'indépendance. On est donc en droit de se demander en quoi le Bloc, depuis 1995, aidait véritablement la cause indépendantiste. Si le PQ n'était que nationaliste et qu'il ne faisait, une fois élu, pas de véritables efforts pour que l'indépendance advienne, comme le PQ de Bouchard de 1998, le vote indépendantiste aurait encore une fois été utilisé. Ce qui retarderait encore une fois le véritable chantier pour l'indépendance.
Je ne vois pas, dans la rhétorique contre Vigile, de véritables arguments pour invalider cette thèse. Pourtant, l'indépendance commande un véritable changement de lutte, et un engagement de la part des acteurs, dans la société civile bien plus que dans les médias, pour organiser une résistance vive et incarnée et reprendre l'initiative. L'indépendance commande de parler de l'indépendance et de créer des adeptes, des militants, des soldats, des pédagogues, des partisans. Car un vote pour l'élection d'un gouvernement indépendantiste et un référendum gagnant ne sont que les premières étapes...
L'indépendance est tout le contraire du vote du 2 mai qui n'était qu'un changement cosmétique sans conséquence. L'indépendance est le résultat de la résistance au Statu Quo, c'est une révolution. Je ne comprends pas comment les réalistes songent gagner sans être révolutionnaires :
Selon Sun Tzu, L’Art de la guerre, c’est l’art de soumettre l’ennemi sans combat. Mais il y a des conditions, d’abord se connaitre et connaitre ses ennemis, mais surtout analyser ses défaites. Celui qui se connait et connait son ennemi pourra remporter cent victoires, et quelles sont les conditions pour vaincre ? :
_
*Occuper le terrain ( être partout au Québec, imposer le français)

_
*Maitriser le terrain et ses avantages (savoir comment gagner, être visibles dans ces terrains nuire aux ennemis, avoir des infiltrés dans tous les milieux)

_
*Disposer de ressources (financement, pancarte, louer des locaux, des pubs, utiliser les médias)
_
*Appliquer une doctrine (maitrise de l’argumentaire, diffuser l’histoire, la culture)

_
*Être supérieurs en nombre (+ de oui que de non)
_
*Avoir de très bons capitaines, du leadership
_
*Avoir une grande force morale ( des militants bien formés, une discipline claire, des formations efficaces, et une bonne gestion pour récompenser les bons coups (et « punir les mauvais »), donc pour placer les gens à la bonne place.
Il ne s’agit donc pas que de sondage et de supériorité numérique. Pour l’emporter, il faut être meilleur que l’adversaire à travers ces 7 dimensions ET CES 7 DIMENSIONS INTÉGRALEMENT !
Sinon, la défaite est possible. On aura compris que l’indépendance sans combat, c’est l’indépendance sans guerre civile, sans déchirement ou sans retombées économiques trop désastreuses.Si on est sérieux dans sa quête de l’indépendance, on doit pouvoir sensiblement travailler à l’un de ces sept aspects. Essentiellement, j’ai exprimé des réserves sur le PQ, parce que je ne vois pas comment, surtout dans le contexte postmoderne, il peut augmenter la force de l’indépendance dans un de ces domaines, alors je le vois moins coordonner l’action dans les sept.
Pour ma part, c'est très clair que Desmarais a offert un exemplaire de L'Art de la guerre à Charest, et qu'il le lui a même annoté. C'est également clair que Charest ne fait que suivre les commandes de conseillers et qu'il n'est que comédien, ce n'est pas l'homme à abattre, tout comme Legault, c'est le système qu'il faut vaincre. Or, je nous vois mal combattre en utilisant le système, alors que les moyens de diffusion et de communication appartiennent à nos ennemis.

L'affaire Facal et ses suites (l'arrêt du soutien de députés péquistes à Vigile) ont pourtant indiqué l'impossibilité d'une lutte médiatique, la prochaine campagne doit donc être interpersonnelle, militante, de bouche à oreille. Par exemple, l'affaire du Colisée et de la loi 204 a montré l'assujettissement du PQ à Quebecor et non son indépendance. L'affaiblissement de l'indépendance et du PQ sont donc les corollaires de l'affaiblissement des journalistes au JM, lesquels auraient pu, en conservant leur propre indépendance, retourner l'ascenseur. Qui les a le plus défendu? QS ou le PQ?
En dehors des questions d'image, la critique des réalistes à l'encontre des transparents joue sur la question des loyautés des tactiques (ce qui est entendu, ce texte en est la preuve), voire de l'urgence, tandis que chez les transparents on insiste sur la structure de la lutte et sur les causes profondes et on cherche à montrer que comme un système malade, «toujours plus de la même chose» ne résoudra pas le problème.
Avouons que les répliques récentes contre Vigile sont l'indice d'un déni et que l'on tire sur le messager, alors même que Vigile demeure principalement une tribune libre, une revue de presse impressionnante et des archives précieuses.
Je termine avec des extraits d'un texte publié sur Vigile et envoyé à Mme Marois l'an passé :

Bonjour Madame Marois,
Mon analyse de vos prestations, de vos actions et des rapports que vous entretenez avec les médias me permet de constater que vous êtes déterminée à gagner la bataille des communications de masse.
Toutefois, le vent peut tourner assez rapidement, même en contrôlant son image, un fait indépendant de notre volonté peut chambouler une stratégie mûrement conçue et appliquée avec cohérence.
Pour cette raison, l’image, les communications publiques doivent demeurer l’emballage et non le fond de notre stratégie. L’obsession des sondages est salutaire quand on veut, comme Charest ou Harper, diriger d’une manière provinciale un gouvernement à la petite semaine sans faire de vagues, à la longue, ce genre de stratégie se retourne contre soi et nos véritables ambitions apparaissent. Autrement dit, on peut maquiller la vérité, on ne peut éternellement la dissimuler.
Dans notre cas, notre stratégie est de défendre courageusement les Québécois, la langue française, notre culture. Pour nous épanouir, nous pensons d’ailleurs que plus les Québécois possèderont de leviers économiques, politiques et culturels, mieux ils se porteront. C’est parce que nous sommes convaincus qu’il est toujours préférable d’agir par soi-même que nous sommes convaincus de la nécessité de faire l’indépendance.
La logique de notre projet est implacable, cohérente, le problème c’est qu’elle jure parfois avec la position publique que vous semblez adopter.

Le débat me semble donc très riche dans la mesure où l'on s'intéresse aux causes profondes et qu'on cherche des solutions novatrices. Malheureusement, j'ai parfois l'impression d'être retourné dans la cour de mon école primaire. Alors que je m'étais bien gardé de livrer des critiques sur Mme Marois, l'expression de mes réserves sur la stratégie, dans la foulée des démissions, m'a valu des critiques coriaces comme si je l'avais attaquée personnellement. Je donnais l'exemple de Khadir, qui est très cohérent dans la diffusion de ses convictions, et on m'incitait à le rejoindre et à abandonner la cause. Pas très fort comme stratégie...
J'ai alors eu l'impression que les inconditionnels cherchaient plus à se prémunir d'une dissonance cognitive qu'à faire l'indépendance. On a pourtant un véritable problème avec l'institutionnalistation de la souveraineté à travers le PQ et de la confusion que celle-ci engendre. Il me semble qu'il est nécessaire d'en venir à bout? Si, comme indépendantistes, nous n'en sommes pas capables, alors comment la population pourrait-elle nous suivre?
Pour approfondir ces questions :
http://www.vigile.net/L-art-de-la-guerre
http://www.vigile.net/Les-trois-niveaux-de-lutte-de
http://www.vigile.net/Coeur-de-la-pensee-independantiste
http://www.vigile.net/Replique-a-l-appel-aux


Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Stéphane Sauvé Répondre

    30 janvier 2012

    Bingo!
    Vous avez résumé brillament!
    Si les Pro-Marois pouvaient entendre à la fois l'esprit et le fonds de vos propos.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 janvier 2012

    Monsieur L'engagé,
    De ce que vous dites, je retiens ceci:
    "Selon Sun Tzu, L’Art de la guerre, c’est l’art de soumettre l’ennemi sans combat. Mais il y a des conditions, d’abord se connaitre et connaitre ses ennemis, mais surtout analyser ses défaites. Celui qui se connait et connait son ennemi pourra remporter cent victoires, et quelles sont les conditions pour vaincre ? :
    *Occuper le terrain ( être partout au Québec, imposer le français)
    *Maitriser le terrain et ses avantages (savoir comment gagner, être visibles dans ces terrains nuire aux ennemis, avoir des infiltrés dans tous les milieux)
    *Disposer de ressources (financement, pancarte, louer des locaux, des pubs, utiliser les médias)
    *Appliquer une doctrine (maitrise de l’argumentaire, diffuser l’histoire, la culture)
    *Être supérieurs en nombre (+ de oui que de non)
    *Avoir de très bons capitaines, du leadership
    *Avoir une grande force morale ( des militants bien formés, une discipline claire, des formations efficaces, et une bonne gestion pour récompenser les bons coups (et « punir les mauvais »), donc pour placer les gens à la bonne place."
    Je suis totalement d'accord.
    C'est l'unique façon de faire, i.e. celle qui est longue, celle qui exige de l'engagement.
    Le mouvement est divisé et s'épuise. PQ-QS-ON, etc, et il y a Cap sur l'indépendance, et j'en passe.
    Concernant le PQ, faudra faire avec jusqu'aux élections.
    Vous le savez sans doute, je suis un partisan des États aux pour l'indépendance. Faudra s'y attabler rapidement, surtout empêcher que ceux-ci ne soient relégués aux calendes grecques.
    Pour l'heure, accabler le PQ de toutes nos incapacités est une erreur. Pour moi, c'est une fixation qui nous fait oublier l'ensemble des tâches politiques à accomplir.
    Il n'existe pas de concertation réelle du mouvement actuellement. En fait, il n'y en a pas du tout.
    De la manière dont nous agissons, nous contribuons à la crise, rien de moins.
    Votre vision, SVP, n'ayez cesse de la répéter.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    29 janvier 2012

    Un conflit de paradigme dites-vous.
    C'est exactement sur ce thème du difficile changement de paradigme que j'ai produit quelques textes sur Vigile.
    Il s'agit d'une lecture géopolitique. Pourquoi parce que la souveraineté est un changement de statut d'un État. Dans notre cas de province à État souverain. Et que donc il importe de bien penser l'État. Or la géopolitique fait de l'État son principal sujet d'étude.
    De cette lecture je tire deux constats incontournables :
    UN : Seul un rapport de force favorable mène à un changement de statut. Et ce rapport de force favorable au Québec n'existe pas, (et n'a jamais existé ). Et donc il faut le bâtir . Comment, en utilisant le seul levier qui nous permet en tant que nation d'agir avec envergure : Notre État.
    Deux : Il s'agit donc de reprendre le contrôle de notre État et de le refonder en fonction de créer une dynamique qui vise la rupture.
    http://www.vigile.net/Une-Nation-face-a-son-destin
    Notre État, celui que l'on pille sous nos yeux sans que les grand patriote devant l'éternel ne trouvent une raison de se mobiliser ; ils n'ont aucune idée de l'urgence d'en reprendre le contrôle. Savent ils seulement la gravité de la situation, que notre destin se joue à la prochaine élection . Et pour en faire quoi ? Ces considérations nous ramènent à un seul choix véritable , Le Parti Québécois:
    http://www.vigile.net/Une-Nation-face-a-son-destin
    Faire ces constats que le rapport de force n'a jamais été favorable au Québec et qu'il faut le bâtir à partir des assises de notre État; et, que tout ce que l'on a besoin est un mandat de gouvernance souverainiste, équivaut pour beaucoup à faire le deuil du rêve.
    http://www.vigile.net/Souverainete-Deuil-du-reve-Non
    En fait il s'agit seulement de ramener le projet dans le champs du réel :
    Pour plusieurs, un difficile changement de paradigme.
    JCPomerleau
    P.s Le Parti Québécois avec ses lacunes :
    http://www.vigile.net/Parti-Quebecois-la-vulnerabilite
    Oui, car cela se soigne . Dans un prochain texte je vais vous dire ce qui me réconforte à cet égard depuis une semaine.