La motion de miel

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Pour l'opposition, un triple saut périlleux renversé

Le nouveau chef du PLQ, Philippe Couillard, a été très clair : son parti ne se laissera pas entraîner dans « une stratégie d’affrontement délibéré » avec Ottawa destiné à faire mousser le projet souverainiste.
La motion présentée mardi par le gouvernement Marois pour forcer le gouvernement Harper à ouvrir les archives fédérales concernant le rapatriement de la Constitution, de même que la déclaration de la première ministre, étaient rédigées dans des termes si conciliants, pour ne pas dire mielleux, qu’il n’était cependant pas possible pour les partis d’opposition de s’en dissocier sans être taxés de paranoïa ou de mauvaise foi, mais M. Couillard se doute bien qu’il s’agit simplement d’une première étape.
En cherchant d’entrée de jeu à minimiser l’impact des révélations de l’historien Frédéric Bastien sur le rôle joué par l’ancien juge en chef de la Cour suprême, Bora Laskin, avant d’être brutalement rappelé à l’ordre par Lucien Bouchard, François Legault a sans doute démontré une myopie historique désolante, mais il a séjourné trop longtemps au PQ pour se méprendre sur les véritables intentions du gouvernement.
Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Alexandre Cloutier, également responsable de la « gouvernance souverainiste », n’a d’ailleurs pas caché que d’autres initiatives étaient envisagées dans l’hypothèse hautement probable où Ottawa ferait la sourde oreille à la requête de l’Assemblée nationale.
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On n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Le gouvernement Bouchard avait subi une déconfiture spectaculaire quand il avait tenté d’entraîner le PLQ dans sa croisade contre la Loi sur la clarté. Avec le sens du dramatique qui le caractérisait, le premier ministre avait réquisitionné les ondes pour dénoncer cette violation du sacro-saint droit à l’autodétermination des Québécois et annoncer le dépôt d’un projet de loi appelé à devenir rien de moins qu’une « Charte de nos droits politiques collectifs ».
Le député libéral de Papineau, Norman McMillan, avait résumé la pensée de ses collègues avec son franc-parler habituel : « C’est un projet de loi séparatiste. Ils sont encore en train de nous fourrer. » Le gouvernement avait eu beau réécrire son projet de loi sur « l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec » afin de le rendre acceptable pour les libéraux, cela avait été peine perdue.
Les députés libéraux qui siègent actuellement à l’Assemblée nationale partagent sans aucun doute la méfiance de leur ancien collègue de Papineau, même s’ils ne l’expriment pas aussi crûment. Ils devront cependant être conséquents avec la motion en faveur de laquelle ils ont voté si le gouvernement Harper refuse d’obtempérer. Si, dans un deuxième temps, le PQ tentait de mobiliser la société civile, il deviendrait délicat pour les libéraux et la CAQ de descendre du train en criant à l’« astuce ».
Clairement, le gouvernement Harper n’a pas été très impressionné par la motion de l’Assemblée nationale et ce n’est certainement pas le nouveau chef du Parti libéral, Justin Trudeau, qui va le talonner sur cette question. Le jeune leader aurait intérêt à nuancer la vision unidimensionnelle du Québec qu’il a héritée de son père. Même si les souverainistes sont minoritaires à l’Assemblée nationale, il semble n’y voir qu’un repaire de séparatistes.
La situation est plus délicate pour le chef du NPD, Thomas Mulcair, qui doit ménager sa base québécoise sans être accusé au Canada anglais de pactiser avec le diable. Manifestement, il ne demanderait pas mieux que de voir la Cour suprême régler la question elle-même.
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Rien n’assure que cette enquête maison mettra fin au débat. Dans cette affaire, la Cour suprême est à la fois juge et partie. À moins que tous les documents pertinents ne soient rendus publics, un doute subsistera inévitablement dans l’esprit de plusieurs. Ceux qui choisiront d’accepter sa version des faits seront accusés de cautionner toute l’opération du rapatriement.
Peu importe ce qui s’est réellement passé, la Cour suprême n’en arrivera certainement pas à la conclusion que les indiscrétions de son juge en chef étaient graves au point de remettre en question la légitimité du rapatriement. Elle pourrait néanmoins donner un coup de pouce à Philippe Couillard si elle émettait un regret susceptible de donner un peu de mauvaise conscience au Canada anglais.
Au Québec, la certitude de l’impossibilité de rouvrir le dossier constitutionnel a si bien pénétré les esprits que le moindre signe d’ouverture pourrait être accueilli comme une grande nouvelle. Cela ne déboucherait peut-être sur rien de concret, mais le chef du PLQ pourrait au moins dire que le fruit commence à mûrir.


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