La mouche du coche

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Notre confusion et nos divisions font tellement le jeu de nos adversaires qu'il faut se demander s'ils n'en sont pas les instigateurs

Il devient un peu agaçant d’entendre les remontrances du chef d’Option nationale, Sol Zanetti, qui reproche continuellement au PQ son manque de détermination à faire du Québec un pays souverain. S’il y a une chose qu’on ne peut pas reprocher à Pierre Karl Péladeau, c’est bien ça.

« Ce n’est pas nouveau que le Parti québécois parle d’indépendance. Ce n’est pas nouveau qu’il parle du pays. Mais ça fait très longtemps qu’il n’a pas pris un engagement réel de la faire, dans lequel il prend un risque », a déclaré M. Zanetti dimanche à l’issue du congrès de son parti.

Le président de Québec solidaire, Andrés Fontecilla, avait donné le ton une semaine plus tôt dans une lettre ouverte. « Faire un pays ne peut pas équivaloir à signer un chèque en blanc à des politiciens qui hésitent à s’engager clairement à la tenue d’un référendum lors d’un premier mandat ! Tous les gens qui ont à coeur le projet de pays n’en peuvent plus du flou artistique entourant la mécanique menant à un Québec souverain », écrivait-il. Voilà qui va beaucoup contribuer à un rapprochement !

Les autres manquent toujours d’audace quand on ne prend soi-même aucun risque. QS est à des années-lumière du pouvoir, et les intentions de vote d’ON se situent à l’intérieur de la marge d’erreur des sondages. Cela rappelle la mouche de la fable, qui croit fouetter les chevaux s’épuisant à tirer le coche sur un chemin pentu et sablonneux.

Il est vrai que le PQ est resté vague depuis le dernier référendum. Le congrès de 2005 avait bien résolu de tenir un référendum le plus rapidement possible dans un premier mandat, mais on est vite revenu au « moment approprié », qui dépendra lui-même des « conditions gagnantes », venues d’on ne sait d’où. M. Péladeau a cependant promis d’expliquer clairement ses intentions d’ici les élections d’octobre 2018.

Ces jours-ci, le PQ a d’autres chats à fouetter. Avant de convaincre les Québécois que l’indépendance va les enrichir, son chef doit d’abord faire la démonstration qu’il peut lui-même assurer la relance de son parti. Encore à l’état d’ébauche, son institut de recherche sur la souveraineté est déjà un sujet de discorde.

Le PQ demeure le véhicule privilégié du projet souverainiste, même s’il n’exerce plus la même hégémonie. En avril 2014, les électeurs lui ont cependant confié le mandat de former l’opposition officielle. À ce titre, il a le devoir d’assurer la critique quotidienne de l’action du gouvernement Couillard avec la plus grande efficacité possible.

À la minute où il va s’engager à tenir un référendum dans un premier mandat, le Québec se retrouvera de facto en campagne préréférendaire. Il deviendra presque impossible de forcer le gouvernement à rendre des comptes. Quel que soit le dossier, il répliquera que ce serait bien pire dans un Québec indépendant. Déjà, le premier ministre Couillard n’hésite pas à recourir à cet expédient quand il est à court d’arguments. Le PQ devra se brancher, mais il serait très mal avisé de précipiter les choses. Les libéraux doivent aussi être jugés sur leur bilan.

« Après bien du travail, le Coche arrive au haut ;

Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :

J’ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.

Ça, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine. »

La plaine n’est pas encore en vue. Selon CROP, le PQ accusait un retard de 8 points sur le PLQ à la mi-janvier et le Oui n’aurait recueilli que 34 % des voix en cas de référendum, soit le plus faible pourcentage depuis l’élection de Pierre Karl Péladeau.

Même il reste encore deux ans et demi avant la prochaine élection, certains commencent déjà à se demander dans quelle mesure il serait opportun de tout miser sur la promesse d’un référendum pour lequel il semble y avoir un appétit très limité.
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