Cher Jean-Martin,
Au tout début de ton vibrant plaidoyer souverainiste publié mercredi dernier dans Le Devoir, tu affirmes que « la souveraineté sera au centre de tous les débats » de la prochaine campagne électorale, « qu’on la nomme explicitement ou pas ». Ces derniers mots sont très judicieusement trouvés, puisque nous savons bien, toi et moi, que la première partie de ta formule ne se concrétisera pas. Non, l’indépendance du Québec ne sera pas un thème central, ni même l’un des thèmes importants de cette élection, qu’importe si les porte-parole de ton parti le prétendent occasionnellement auprès d’un électorat indépendantiste démobilisé, dans l’espoir de lui faire oublier, le temps d’un vote, ce sempiternel attentisme forcené auquel le PQ refuse toujours de mettre un terme.
Soit, tu as raison de dire que de nombreuses préoccupations immédiates de nos concitoyens renvoient à des espaces de souveraineté qui échappent au Québec dans le régime canadien. Ce serait normalement le travail des indépendantistes que d’exposer cet état de choses, tout en proposant l’indépendance. Or, ce travail, au mois de septembre, ne sera pas fait. En tout cas, ni ton chef ni ton parti ne le feront. Jean-François Lisée, comme Pauline Marois, pense que l’indépendance et le référendum sont de lourds handicaps électoraux dont il faut se délester le plus possible. Allant encore plus loin en ce sens que sa prédecesseure, il s’est engagé formellement à ne mener aucune action souverainiste de gouvernement et à ne tenir aucun référendum sur l’indépendance « dans un premier mandat », c’est-à-dire pour l’avenir prévisible.
Tu balaies du revers de la main cette promesse en affirmant qu’elle ne saurait concourir à la marginalisation de la question nationale et du discours souverainiste. Je te sais trop intelligent et averti pour croire un seul instant en une telle assertion. Nous avons tous vu, au fil du temps, à quel point l’absence d’engagement électoral et programmatique conséquent fait du discours souverainiste un simple hochet, un nanane pour convertis, un cri de ralliement partisan sans intérêt pour le plus grand nombre. Cette mécanique se déploie sous nos yeux depuis aussi loin que la démission de Jacques Parizeau, fin 1995. Ce n’est pas parce que les journalistes sont méchants ou parce qu’il y a complot médiatique fédéraliste que la belle parole souverainiste de quelques péquistes n’a pas d’écho ; c’est parce qu’on a compris qu’elle n’engage à rien.
Il en est ainsi parce que, pour le Parti québécois, le référendum est tout sauf un détail : c’est le moment inaugural, le déclencheur de la transition vers un Québec indépendant. L’engagement référendaire est la première unité de mesure de l’engagement indépendantiste du PQ.Quand ce parti met le référendum sur l’indépendance de côté, c’est, malgré l’outrecuidante prétention contraire de ses porte-parole devant les assemblées militantes, l’indépendance qu’il met de côté.
À moins de penser que Québec solidaire puisse se transmuter dans les prochains jours en un parti indépendantiste rassembleur et aspirant au pouvoir comme le fut autrefois le PQ, aucune formation politique ne sera donc en mesure de réactiver la question nationale à travers le prisme indépendantiste pour l’élection qui vient.